Les Charades en action, ou la Soirée bourgeoise, comédie vaudeville en un acte, de Dumersan et Sewrin, 2 décembre 1813.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Charades en action (les), ou la Soirée bourgeoise
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Genre
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comédie vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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2 décembre 1813
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Dumersan et Sewrin
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Masson, 1813 :
Les Charades en action, ou la Soirée bourgeoise, comédie-vaudeville en un acte ; par MM. Dumersan et Sewrin. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 2 décembre 1813.
Journl des Arts, des Sciences et de la Littérature, n° 26 du 5 décembre 1813 p. 305-307 :
[Compte rendu précis, détaillé, qui traite la pièce avec un peu de condescendance : elle ridiculise de manière excessive et peu vraisemblable les « soirées bourgeoises » où on joue de façon laborieuse au jeu des charades, qu'on met en action. La fin de l'article constate l'ambiguïté de la réaction du public, qui a mêlé « des applaudissemens et des sifflets ». L'auteur (il n'y a que Dumersan comme auteur cité) a fait preuve de mauvais goût et sa pièce paraît plus proche du Théâtre des Variétés que du Théâtre du Vaudeville (encore et toujours la hiérarchie des œuvres et des théâtres).Il devrait la raccourcir, en enlever « quelques mauvais calembourgs », supprimer un des morceaux de musique et revoir le dénouement, peu vraisemblable. A ce prix, la pièce pourra rester au répertoire.]
THÉATRE DU VAULEVILĻE.
Première représentation des Charades en action, ou la Soirée bourgeoise,
vaudeville en un acte, de M. Dumersan.
Les ridicules du jour sont du domaine du Vaudeville, et la manie des charades avait assez obtenu de vogue pour qu'on pût l'attaquer au théâtre. Avec quelques traits malins, de l'esprit, de la gaité, on pouvait tirer parti d'un tel sujet ; mais l'auteur de la pièce nouvelle n'a eu recours qu'au mouvement, à la variété des scènes. Il a cru, quant au succès, devoir moins compter sur lui que sur la quantité de ressorts qu'il mettrait en jeu. A l'exemple des amateurs du premier ordre, qui, pour l'exécution de leurs charades, bouleversent la maison depuis la cave jusqu'au comble, M. Dumersan a mis à contribution la troupe entière du Vaudeville ; jeunes et vieux, laides et jolies, pères nobles, premiers rôles, amoureuses, soubrettes, figurantes, presque tout a paru dans les Charades en action ; c'était pour le parterre une véritable revue.
Le cadre de l'ouvrage prêtait d'ailleurs à cette multiplicité de personnages ; l'auteur a voulu représenter une soirée de société bourgeoise. Les iucidens qu'il a cousus à cette soirée ont fort peu de rapport avec les charades ; mais ne sait-on pas que dans nos comédies le public exige avant tout une intrigue, un mariage, ou au moins un dénouement ?
M. Gerbonnet, après une absence de dix-huit mois, revient dans sa maison sans avoir annoncé son arrivée, parce que, dit-il, le retour d'un mari dans son ménage n'est jamais un retour de jeunesse. Il apprend avec beaucoup d'étonnement que Mme. Gerbonnet, pendant son absence, s'est laissé entrainer à la dissipation; qu'elle reçoit chez elle tous les dimanches ; qu'elle donne à diner chaque fois à une réunion de gens aimables, qui se garderaient bien de l'inviter à leur tour. Grâce à une succession qu'elle vient de toucher, Mme. Gerbonnet se livre davantage à son goût pour la dépense ; elle chasse ses vieux domestiques, prend un nouvel ameublement, s'occupe à peine de la tenue de sa maison, et se croyant encore jeune, non-seulement elle quête des hommages, mais encore, malgré ses quarante ans, elle porte des plumes blanches à son chapeau !
Le mari, n'étant reconnu ni du portier, ni de la cuisinière, arrive jusqu'au salon : on le croit invité à la soirée, et la première personne qu'il rencontre est un M. Saint-Gilles qu'il a vu dans ses voyages, mais qui ignore le véritable nom de M. Gerbonnet. Il profite de cette circonstance pour s'informer de ce qui se passe dans la maison. Saint-Gilles lui confie son amour pour Mlle. Palmire, nièce de Mme. Gerbonnet, et demande quelques conseils à son ami de voyage ; celui-ci, voulant donner une leçon à sa femme, engage Saint-Gilles à profiter de la réunion pour enlever la jeune personne, et lui offre de la prendre dans sa voiture. A peine ce complot est-il arrêté, que la soirée commence,
Un concerto; une romance italienne, une gavotte et le boston précèdent les charades. On choisit pour premier mot Pluton, parce que, dit M. Saint-Gilles, on ne tient pas à l'orthographe. On joue la première partie (plus) en faisant discuter un marché entre deux brocanteurs d'esclaves. L'acheteur offre trop peu, et le vendeur demande plus. Ce premier acte n'est sans doute pas ce qu'il y a de plus spirituel dans l'ouvrage. Pour le second, une jeune personne commence' inutilement deux on trois fois le même air, et ne peut trouver le ton. Enfin, le tout est représenté par M. Saint-Gilles, qui, costumé tant bien que mal en Pluton, enlève Mlle. Palmire qui jouait Proserpine ; et Mme. Gerbonnet, la faucille et la gerbe à la main, s'aperçoit beaucoup trop tard que la nymphe Aréthuse ne la trompait pas en lui apprenant l'enlèvement de sa fille.
Heureusement on ramène la fugitive. M. et Mme. Gerbonnet s'embrassent. Le mari accorde un pardon généreux ; la dame se corrige aussitôt ; elle renonce à son goût pour les charades, et la société s'empresse de quitter le salon, attendu que les fiacres font payer double course quand ils ont passé minuit.
La pièce a excité des applaudissemenis et des sifflets ; elle meritait les uns et les autres. L'auteur a peint avec une extrême vérité les mœurs bourgeoises ; mais il a souvent manqué de goût, et il a laissé croire que son ouvrage avait été d'abord destiné au théâtre des Variétés. Il serait difficile de citer un mot heureux, un trait plaisant ou un couplet spirituel ; cependant, si M. Dumersan veut diminuer la longueur de sa pièce, rayer quelques mauvais calembourgs, supprimer son Concerto de flûte, et donner un peu plus de vraisemblance au dénouement, nous ne doutons pas que le public ne laisse quelque temps encore au répertoire les Charades en action.
M.
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 1813, tome VI, p. 419-420 :
[Le critique a apprécié la pièce, à laquelle il ne trouve rien à reprocher. Il y voit « un tableau vrai et comique des soirées bourgeoises, où l'on cherche à imiter celles qui se donnent dans un monde plus relevé ». Elle a fait rire et on doit dire de ce fait qu'elle a « complètement réussi ».]
Les Charades en action, ou la Soirée bourgeoise, vaudeville en un acte, joué le 2 décembre.
Cette petite pièce est un tableau vrai et comique des soirées bourgeoises, où l'on cherche à imiter celles qui se donnent dans un monde plus relevé. La bouillotte, le boston, la gavotte, le concerto, l'ariette italienne, les charades en action, rien n'a été oublié. Les modes nouvelles ont fourni aux acteurs d'excellentes caricatures. On a remarqué surtout les Chinois de la Chaussée-d'Antin.
Le maître de la maison, qui est un simple commis voyageur, revient d'un voyage de dix-huit mois, et met fin à toutes ces belles choses dont il fait voir le danger à sa femme, en faisant enlever sa nièce par le Charadiste en chef de la société, pendant une charade dont le mot est Pluton.
On a beaucoup ri surtout du gros M. Nicolas qu'Hipolyte joue très-plaisamment, et de la Servante Madelaine à qui on fait chanter une chanson picarde au milieu de la société. Mademoiselle Rivière joue ce rôle avec beaucoup de naturel et de gaieté. Cette pièce a complètement réussi. Elle est de M. Du Mersan. M.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XII, décembre 1813, p. 292-295 :
[La pièce utilise la mode des charades en action, mais avec un peu de retard. Mais le tableau qu’elle donne de la société bourgeoise, imitatrice de la haute société, « a de la vérité et du naturel » (deux belles qualités). On pénètre donc dans un salon où l’on joue, l’on danse, et même l’on se lance dans une grande « charade en action », l’enlèvement de Proserpine, sauf que celui qui joue Pluton enlève vraiment la jeune fille qui joue Proserpine. Heureusement, tout s’arrange : le dénouement, peu apprécié, montre le maître de maison qui explique avoir tout combiné pour donner une leçon à sa femme. Ce dénouement faussement moral a fait réagir le public. La pièce est amusante, même si elle « ne brille ni par sa conduite, ni par ses couplets ». Elle fait rire par la galerie nombreuse des personnages, leurs costumes bizarres (ces bons bourgeois suivent la mode, mais comme ils peuvent), le brouhaha permanent sur scène. L’auteur a été nommé.]
Les Charades en action.
On a eu pendant quelque temps la manie des charades en action : dans le grand monde, elles avaient remplacé les parades, les lectures et les proverbes. Bientôt la bourgeoisie s'en était emparée, et les avait substituées aux petits jeux; mais aujourd'hui elles sont dédaignées, même au Marais : le même objet ne peut conserver long-temps la vogue.
L'auteur de la pièce nouvelle est donc arrivé un peu tard pour s'égayer aux dépens de cette manie ; mais le tableau qu'il fait d'une réunion bourgeoise qui veut singer la haute société, a de la vérité et du naturel ; on pourrait même désirer que la vérité fût moins nue ; un peu d'ornement ne gâterait rien, et le commérage de ces bonnes gens aurait besoin d'être relevé par quelques traits qui en fissent mieux ressortir le ridicule.
Les charades ne sont pas le seul amusement que l'on se permette chez Mme. de Gerbonet. Pendant l'absence de son mari, elle a voulu avoir une maison, donner de brillantes soirées : chez elle, les uns jouent au boston, les autres essaient de gagner de l'argent à la bouillotte ; on fait même de la musique, et quelle musique ! Mlle. Palmyre, sa nièce, chante de l'italien, quoiqu'elle ne sache pas un mot de cette langue, et qu'elle ignore même les élémens de la prononciation ; elle danse la gavotte avec M. de Saint-Gilles, jeune élégant, qui, craignant de s'enrhumer, s'enveloppe dans son garrick, au milieu du salon. Ce M. de Saint-Gilles est un homme universel ; c'est lui qui dirige tous les plaisirs de la maison. La gavotte avait peu amusé la société ; et en effet, si l'on en excepte les grands pareus, qui s'extasient, ces danses exclusives paraissent toujours un peu longues. M. de Saint-Gilles propose de jouer des charades en action, se met à la tête des acteurs, et représente l'Enlèvement de Proserpine ; Mme. Gerbonet fait Cérès, sa nièce Proserpine, il remplit le personnage de Pluton ; deux pots de fleurs, posés sur une chaise, imitent, à s'y méprendre, les riantes campagnes de la Sicile, Pendant que l'on cherche à deviner le mot de la charade, Pluton enlève tout de bon Proserpine, s'échappe avec elle de la maison; ce qui rappelle un peu le Tableau des Sabines.
Une servante picarde, chargée de faire le service du salon, de distribuer les verres de sirop, d'eau sucrée, et qui se mêle de temps en temps à la conversation, vient révéler tout le mystère. Chacun est consterné : Mme. Gerbonet pousse les hauts cris; mais bientôt M. Gerbonet ramène Mlle. Palmyre. Revenu de ses voyages, il avait tout concerté avec M. de Saint-Gilles, afin de donner une leçon à sa femme, et de lui montrer le danger des charades en action. Ce dénouement peu convenable, que l'auteur a eu la prétention de rendre moral, a excité quelques murmures.
La pièce ne brille ni par la conduite, ni par les couplets, mais elle est amusante. Le grand nombre de personnages, la bizarrerie des costumes, l'espèce de brouhaha continuel qui règne sur la scène, divertissent le spectateur. Mme. Gerbonet et sa société se piquent de suivre la mode, et la suivent en effet, non comme les gens du monde, qui la soumettent et la modifient, mais avec une religieuse exactitude. Aussi leurs costumes, copiés sur les caricatures de Martinet, sont-ils fort plaisans.
La pièce est de M. Dumersan.
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