Les Chevaliers du Soleil, ou Amour et dangers, pantomime en trois actes, à grand spectacle, décors, machines, costumes, marche triomphale, pompe funèbre, danses, combats à outrance, siège par mer et par terre, évolutions militaires, illuminations, incendie, explosion, démolition, etc. etc. d'Édouard-Alexandre Bignon, 12 messidor an 9 [1er juillet 1801].
Théâtre de la Gaîté.
Cette description alléchante de la pièce, qui reproduit sans doute la page de titre de la brochure parue chez Barba en l'an 9, provient de Il Piccolo pantheon, I grandi autori in scena sul teatro francese fra Setteconto e Ottocento, de Barbara Innocenti (Florence, 2018). Malheureusement, la date de création donnée n'est pas confirmée dans les journaux du temps (Courrier des spectacles., Journal de Paris).
La pantomime a en fait été créée le 1er juillet, pour la reprise du théâtre de la Gaîté par une nouvelle administration.
Courrier des spectacles, n° 1585 du 13 messidor an 9 [2 juillet 1801], p. 2 :
Théâtre de la Gaîté.
Depuis quelque tems ce théâtre étoit plongé dans le discrédit, et la foule se portoit à la salle voisine, celle de l’Ambigu-Comique. Il paroî qu’enfin une nouvelle troupe organisée vient de s’y fixer, et y rappeller en même-tems tous les amateurs de la pantomime. Hier elle fit son ouverture par la première représentation des Chevaliers du Soleil, pantomime en trois actes, qui eut du succès, mais qui exigeoit néanmoins plus d’ensemble dans la représentation.
L’auteur a été demandé, c’est le citoyen Bignon. Demain nous en donnerons l’analyse.
Courrier des spectacles, n° 1586 du 14 messidor an 9 [3 juillet 1801], p. 2 :
[L'analyse promise dans le numéro de la veille. Elle consiste d'abord en un résumé d'une intrigue échevelée, conforme au programme très riche promis sur l'affiche, et où rien ne manque, ni faux ermite, ni attaque par mer et par terre, ni explosion, ni incendie, ni combats, y compris celui d'une femme contre deux chevaliers. C'est pourtant ce genre de situation qui fait réagir le critique, qui voit dans cette situation une exagération qui enlève l'intérêt à ce spectacle, intérêt qui dépend largement de la qualité de ces scènes peu vraisemblables (mais le mot n'est pas employé). L'article s'achève par un éloge de deux frères dont l'un « est extrêmement utile » pour monter et jouer une pantomime.]
Théâtre de la Gaité.
Voici l’analyse de la pantomime des Chevaliers du Soleil, représentée avant-hier pour la première fois à ce théâtre :
Florello et son frère, surnommés les Chevaliers du Soleil, ont vu leur sœur Floride enlevée par leur ennemi victorieux. Ils arrivent jusques sous les tours dans lesquelles elle gémit, et au moment où ils sont près de la délivrer un des deux est surpris et massacré par les gardes du château. Florello se cache et parvient à tromper tous les regards. Cependant la douleur que lui cause la perte d’un frère chéri abat ses forces, et il tombe sans connoissance à la porte même du château.
Des Chevaliers s’y présentent. Par un dévouement sublime ils viennent s’offrir au tyran comme prisonniers pourvu que leur souveraine, pourvu que Floride soit libre. Florello rappelé à la vie par leurs soins généreux, les détourne de ce projet, et leur distribuant des armes il les invite à marcher sur ses traces à la gloire et à la vengeance. Lui-même, sous les habits d’un vénérable hermite pénètre avec les vassaux jusque dans le château de son ennemi, où il se fait reconnoître adroitement de sa sœur. Mais bientôt il est découvert, et malgré ses efforts il est sur le point de succomber, lorsque trouvant une issue ouverte il échappe à toutes les poursuites. Floride, de son côté, ne néglige aucun moyen pour recouvrer sa liberté. A l'aide des persiennes de son appartement, dont elle forme une espèce d’échelle, elle a gagné le pied de la tour lorsque l’assassin de son frère l'arrête et la force de rentrer dans sa prison. Bientôt il est assiégé par Florello, dont la flotte protège l’attaque. Au moment de l’explosion du fort, Floride s’est réfugiée sur un arbre voisin des remparts, dont les branches en tombant mollement la portent dans les bras de son frère.
Il y a dans cette pantomime des situations qui ont fait généralement plaisir ; quelques-unes cependant ont paru outrées. Celle entr'autres où Floride désarme les deux Chevaliers qui l’arrêtent et les force de fuir. Il seroit à desirer et pour l’administration et pour l’auteur que les combats fussent mieux représentés. C’est-là que gît l'intérêt d’une pantomime pour beaucoup de spectateurs, et si cet intérêt manque, adieu la faveur, adieu les applaudissemens.
Les citoyens Gougy frères sont à ce théâtre, où l’ainé est extrêmement utile pour son talent à monter une pantomime et à l’exécuter.
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