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Les Crimes de la noblesse, ou le Régime féodal

Les Crimes de la noblesse, ou le Régime féodal,.pièce en cinq actes, à grand spectacle, de la citoyenne Villeneuve [Cizos-Duplessis], 2 nivôse an 2 [22 décembre 1793].

Théâtre de Molière, rue Saint-Martin.

Titre :

Les Crimes de la noblesse, ou le Régime féodal

Genre

pièce à grand spectacle

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

2 nivôse an 2 [22 décembre 1793]

Théâtre :

Théâtre de Molière, rue Saint-Martin

Auteur(s) des paroles :

citoyenne Villeneuve [Cizos-Duplessis]

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 2 :

Les Crimes de la noblesse, ou le Régime féodal, pièce en cinq actes, en prose, à grand spectacle ; par la citoyenne Villeneuve. Représentée sur divers Théâtres de la Commune de Paris.

Sur la couverture de l’exemplaire de la collection Marandet, une mention manuscrite précise que la pièce a été jouée le 22 décembre 1793 sur le Théâtre des Sans-Culottes (Molière).

Le nom de l’auteur, Cizos-Duplessis, est donné par les Supercheries littéraires dévoilées et par Roman D'Amat. Au verso de la page de titre, sous la liste des personnages, l'auteur, sous son pseudonyme féminin, précise qu'elle a cédé son ouvrage à l'impression le 11 floréal an II (information puisée sur le site du musée Médard de Lunel).

La liste des personnages, p. 2, accorde une large place à l'emploi auquel doivent être réservés les divers rôles :

PERSONNAGES

LE DUC DE FORSAC, tyran.

SOPHIE, sa fille, jeune première.

ANSELME, aumônier du Duc, troisième rôle.

ALONZE, Ecuyer du Duc, rôle de convenance.

DUMON, Intendant du Duc, second père.

FRANK, Domestique du Duc, second comique.

PATRICE, Concierge du château, premier comique.

HENRI père, Fermier, premier père, (autrefois dit père noble.)

HENRI fils, amant de Sophie, jeune premier.

AGATHE, fille d'Henri, seconde amoureuse.

CHARLES, amant d'Agathe, second amoureux.

GERTRUDE, Gouvernante de Sophie, mère, (autrefois dite mère noble.)

UN PAYSAN, parlant.

troupe de paysans.

gardes de Forsac.

Nota. La force du caractère et les nuances de Henri fils exigent que ce soit le premier rôle qui le joue, à moins que son physique ne soit trop âgé : alors ce doit être le jeune premier.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 11 (novembre 1794), p. 263-268 :

[Il faut reconnaître le courage de l’auteur de ce compte rendu, qui réussit à résumer une intrigue qui peut nous sembler très confuse (mais pas à lui ?). Il part d’une réflexion générale sur l’apparition en France de ces pièces d’un genre nouveau, venu d’Allemagne (il cite Goethe, Schiller), et qui ne respectent pas les règles (en particulier l’unité de lieu) : « une espece de drames à effets, à mouvemens, où l'on trouve peu de scenes filées, où une action succede à l'autre, comme chaque acte présente une nouvelle décoration », dans lesquelles on voit beaucoup d’action, mais pas de « peinture morale des affections de l’âme », caractéristiques de la bonne comédie (mais le critique sait bien que les temps ont changé). La pièce nouvelle a réussi, et elle est l'œuvre d’une femme (ce dont on s’extasie encore en 1794). Long récit de l’intrigue, avant un paragraphe critique, plutôt favorable : « plus de mouvement que de scenes filées : la morale y est en action, la conception en est forte, l'entente de la scene juste, & l’action bien conduite », un quatrième acte « du plus grand effet ». Ce qui pourrait être vu comme un défaut, l’existence de personnages monstrueux, en opposition très forte avec les autres personnages, est considéré comme une nécessité de l’intrigue. Critique ou pas, c’est difficile à décider, la folie d’un des personnages, qui ne reconnaît plus sa maîtresse, mais reconnaît son portrait, rappelle fortement Nina, pièce construite sur la même forme de folie. Le critique est circonspect face à un tel phénomène : « voilà de ces bizarreries que la nature peut seule expliquer, & dont un auteur peut se servir ad libitum ». L’essentiel, c’est que ce procédé marche, et que la pièce « mérite l'estime particuliere des gens-de-lettres & du public ».]

THÉÂTRE DE MOLIERE, RUE SAINTMARTIN.

Les Crimes de la noblesse.

II est un genre de pieces qui, depuis quelques années, s'introduit de l'Allemagne sur nos théatres, qui peut-être n'appartient pas à la bonne comédie, mais qui est susceptible d'intérêt ; c'est une espece de drames à effets, à mouvemens, où l'on trouve peu de scenes filées, où une action succede à l'autre, comme chaque acte présente une nouvelle décoration. Les cachots, les souterreins, les attaques de forts, les démolitions, les batailles, appartiennent pour l'ordinaire à ces sortes de pieces, qui comportent souvent un vif intérêt de situation, sans offrir ces peintures morales des affections de l'ame, ni des caracteres bizarres de la société; peintures qui caractérisoient autrefois ce qu'on appelloit la bonne comédie. Ce genre bâtard du drame & de la comédie , nous le devons aux Allemands. Plusieurs de nos auteurs dramatiques ont copié les chef-d'œuvres des Goethe, des Schiller, &c., d'autres ont imité leur maniere dans ces cadres purement de leur imagination. Parmi ces derniers, l'auteur des Crimes de la noblesse, ou le Régime féodal, drame en cinq actes, en prose, donné avec un succès brillant sur le théatre de Moliere, mérite une place distinguée & cet auteur, quand il n'auroit pas réussi, auroit droit à beaucoup d'indulgence, attendu que c'est une femme, & une femme patriote, à qui nous devons déjà à ce théatre un ouvrage estimable, le véritable Ami des loix. Voyons comment elle a conçu le plan de sa nouvelle piece.

Le duc de Forsac, seigneur suzérain dans le Béarn, despote bête & cruel, comme sont tous les tyrans, accable ses vassaux de vexations inouïes : il a fait périr dans un cachot sa femme, que son aumônier, le pere Anselme, moine perfide & féroce, a accusée faussement, ne pouvant séduire cette femme vertueuse. Sophie, sa fille unique, a écouté les vœux du jeune Henri, fils d'un fermier du village. Le barbare Forsac a tellement maltraité Henri, que ce jeune infortuné a perdu la raison au point de ne pas même reconnoître son amante Sophie. Le tyran a sait lier Henri, & l'a fait porter, en cet état, chez son pere; Le pere Henri, vieillard vénérable, ennemi déclaré de l’oppression, se présente chez Forsac, & l’accable des reproches les plus sanglans : Forsac veut le faire arrêter ; mais il retient sa colere, en apprenant que le pere Henri est accompagné de tous les paysans, qui commencent à se soulever. Cependant il se promet bien de faire enlever, pendant la nuit, le pere Henri & toute sa famille. En attendant le moment de satisfaire sa vengeance, il fait jetter dans un cachot sa fille & la bonne Gertrude, qui lui a servi de mere ; tous ses malheureux vassaux deviennent les victimes de sa fureur & de sa férocité. Le pere Henri, de retour chez lui, apprend toutes ces horreurs : il en gémit, & se promet d'attendre un moment favorable pour secouer le joug du tyran. II a remis à son fils le portrait de sa chere Sophie : ce portrait a un peu rendu ce jeune homme à la raison : il espere même reconnoître son amante, si elle se présente à ses regards; Cette respectable famille s'occupe d'actions de bienfaisance : le pere Henri envoie Charles, le prétendu de sa fille Agathe, secourir un malheureux indigent : Charles est à peine sorti que les satellites de Forsac paroissent ; les deux Henri; Agathe, Dumont, intendant vertueux que le désespoir a chassé de chez lui, sont plongés, par ses ordres, dans des cachots séparés.

Par un raffinement de cruauté, le cachot où languit le jeune Henri, donne, par un soupirail un peu élevé & grillé, dans la prison où Sophie arrose de ses larmes le tombeau de sa mere. Forsac, qui veut les laisser périr par la faim; désire qu'ils entendent réciproquement leurs gémissemens, sans pouvoir se voir ni se secourir : mais Henri a gravi les murs de son cachot : il s'est porté jusqu'à la grille du soupirail, qu'il tient à deux main  ; Sophie le voit : il reconnoît Sophie ! Cependant sa foiblcsse peut le faire retomber sur la pierre ; Sophie passe son écharpe autour de son corps, & l'attache fortement auprès les grilles : ce n'est pas tout, le généreux Patrice, gouverneur de la prison, vient de lui apporter du vin : Sophie approche l’heureux breuvage des levres de son amant, & ranime, par ce moyen, ses forces épuisées.... Forsac & l'infâme Anselme viennent lui signifier son arrêt de mort : il faut détacher Henri, qui descend dans sa prison ; mais le bon Patrice, profitant du moment où le tyran vole à la défense de son château assiégé par les paysans, qui ont Charles à leur tête, a su s'emparer des clefs du cachot : il a délivré le pere Henri & la bonne Gertrude, qui est dans les bras de sa Sophie : Patrice va de même ouvrir le cachot du jeune Henri : Sophie va rejoindre son amant & son pere ; tous ces infortunés sont en liberté.

Cependant la révolte des paysans inquiete Forsac : il a pris le parti de faire miner la tour où sont les prisonniers, afin d'assurer sa vengeance, en cas qu'il succombe à l'attaque de son château. Anselme, ce monstre qui est amoureux de Sophie, a formé le projet de l'enlever, pour en triompher : il communique son dessein à Patrice, qui, sans lui dire qu'elle est déjà sauvée, lui avoue qu'il possede les clefs de la tour, & qu'il peut l'introduire dans la prison : Anselme donne dans cette ruse : Patrice le fait entrer le premier, par politesse; puis fermant la porte sur lui, il abandonne ce scélérat au jeu de la mine, qui va le punir de tous ses forfaits. Bientôt les paysans armés combattent les satellites de Forlac, qui sont défaits : le tyran fait sauter la tour ; mais, appercevant sa fille .qui, près de lui, veut se jetter à ses pieds, il tire son épée pour l'assassiner ; lorsque lui-même tombe, percé de coups, aux pieds des braves patriotes qui viennent de conquérir leur liberté. Sophie se livre un moment à sa douleur ; mais le pere Henri la console & lui donne son fils, à condition qu'elle ne lui apportera, pour dot, que ses vertus. Ainsi les crimes affreux du despote sont punis; ainsi le régime féodal est détruit, & les malheureuses victimes reprennent leurs droits dans le sein de la liberté & de la fraternité.

Cet ouvrage , comme tous les ouvrages de ce genre, offre plus de mouvement que de scenes filées : la morale y est en action, la conception en est forte, l'entente de la scene juste, & l’action bien conduite. Le quatrieme acte sur-tout est du plus grand effet. Les oppositions, c'est-à-dire, les personnages de Forsac & du moine Anselme, y sont horribles : mais ce sont des exemples de férocité que l’auteur a voulu nous offrir ; il falloit que ces exemples fussent ainsi prononcés. Le personnage du jeune Henri, qui a perdu la raison, ressemble un peu à Nina, & à tous les fous qu'elle a fait naître : il méconnoît sa maîtresse, & il reconnoît bien son portrait : voilà de ces bizarreries que la nature peut seule expliquer, & dont un auteur peut se servir ad libitum. Au surplus, il produit l'effet que l'on pouvoit en attendre, & cet ouvrage, en général; mérite l'estime particuliere des gens-de-lettres & du public.

( Annonces & avis divers.)

Dans la base César, qui renvoie pourtant à la brochure de la collection Marandet, la pièce devient le Crime de la noblesse, ou le Régime féodal. Attribuée à la citoyenne Villeneuve, elle n’est gratifiée d’aucune représentation.

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