Dago, ou les Mendians d’Espagne

Dago, ou les Mendians d’Espagne, mélodrame en trois actes, à spectacle, de J. G. A. Cuvelier, musique de Louis de Moranges, ballets de Richard, 12 juin 1806.

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1806 :

Dago, ou les Mendians d’Espagne, mélodrame en trois actes, à spectacle, Paroles de J. G. A. Cuvelier, associé correspondant de la société Philotechnique. Musique de M. Louis de Moranges. Ballets de M. Richard, pensionnaire de l’académie Impériale de Musique. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 12 juin 1806.

Ad utrosque casus sapiens aptus est ; bonorum rector, malorum victor : in secundis non confidit, in adversis non deficit ; nec dvidus periculi, nec fugax, prosperitatem non expectans, ad utrumque paratus, adversus utrumque intrepidus, nec illius tumultû, nec hujus fulgore percussus.

Sénèque.          

Courrier des spectacles, n° 3416 du 14 juin 1806, p. 2-3 :

[Compte rendu peu enthousiaste d’un mélodrame aux moyens qui ne sont pas « des plus réguliers et des plus vraisemblables », mais ces qualités ne sont pas celles qu’on attend d’un mélodrame où l’on cherche « à frapper fort plûtôt qu’à frapper juste ». il cumule tout ce qui plait à la multitude : il est « composé de scenes grotesques et sentimentales, de situations nobles et populaires, de tableaux agréables et burlesques », « de l’action, du mouvement, des coups de théâtre et des effets qui sont quelquefois forcés ; mais qui ont des résultats heureux ». Le critique s’interroge sur l’opportunité de mettre sur la scène tous ces mendiants dépenaillés, mais il ajoute qu’il suffit de les voir comme « des fourbes, de mauvais sujets », et leur présence ne choque plus. Le résumé de l’intrigue, fort long et fort précis, ne surprend guère : c’est l'habituel défilé des poncifs du mélodrame. Le jugement final commence par un conseil pressant à l’auteur : couper largement dans les ,scènes avec les mendiants. Par contre leur métamorphose « en un essaim de jeunes gens parés avec élégance » a beaucoup plus. Deux danseurs sont mis en valeur, pour des prestations fort différentes, et les acteurs « méritent eux aussides éloges ». Parolier, compositeur, chorégraphe sont només.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Dago, ou 1es Mendians d’Espagne.

Dago ne sera pas le roi des mélodrames comme il l’est des mendians ; mais il pourra, par le genre qui le distingue des autres, avoir aussi ses partisans. On ne dira pas que ses moyens sont des plus réguliers et des plus vraisemblables ; mais la vraisemblance et la régularité ne sont pas du domaine du mélodrame. Avec ces qualités, il craindroit d’être monotone et ennuyeux ; c’est pourquoi il cherche ordinairement à frapper fort plûtôt qu’à frapper juste. Dago est un composé de scenes grotesques et sentimentales, de situations nobles et populaires, de tableaux agréables et burlesques ; mais en général il offre ce qui plait à la multitude, de l’action, du mouvement, des coups de théâtre et des effets qui sont quelquefois forcés ; mais qui ont des résultats heureux. Il fallait compter un peu sur la singularité du spectacle, en présentant sur la scene une procession ou plûtôt une armée de mendians, tous plus hideux les uns que les autres ; le goût réprouve ces tableaux des misères de l’humanité, mais lorsque ces mendians sont des êtres dont les infirmités factices ne peuvent inspirer la moindre pitié, on peut, je crois, aux Boulevards, tirer parti de cet incident ; les personnages alors n’y sont plus de véritables mendians ; mais des fourbes, de mauvais sujets, que leurs haillons ne doivent pas plus repousser de la scène que les Abelino, les Fritz, et toute la bande de Robert.

La scène est à Cadix. C’est là que le jeune Félicio, amoureux de la belle Angelica, cherche tous les moyens qui peuvent favoriser sa passion. Il a depuis peu auprès de lui un valet nommé Fabio, qui cherche en vain à gagner dona Prudenza , duègne d’Angélica. Felicio, plus heureux que lui, a trouvé un moyen de voir si belle  ; il s’est adressé à Dago, chef de gueux, avec qui il doit avoir une entrevue. Dago paroit bientôt à la tête de son cortège éclopé, une jambe de bois et un bâton soutiennent son corps ; il fait retirer ses gens, il ordonne à Fabio, dont la figure lui déplait, de s’éloigner, et par ses discours et ses confidences, jette le jeune chevalier dans un étonnement qui redouble sans cesse. Il finit par lui faire voir Angelica à la croisée de son appartement. Félicio est enchanté ; il croit au pouvoir magique de Dago ; mais bientôt il ne sait plus quel nom lui donner, lorsque vers minuit, arrivé à travers mille détours dans la demeure de cet homme incompréhensible, il voit, dans une chambre où tout annonce la misère, le poitrail de Zaméo son oncle Un repas splendide, les fruits, les vins les plus exquis viennent s’offrir à ses yeux ; une musique mélodieuse frappe ses oreilles ; enfin à un signal donné par Dago, une toile se lève, et présente la belle Angelica, Dago vient lui-même de se découvrir, c’est Zaméo. Forcé de quitter Venise avec sa fille Angélica, persécuté dans tous les lieux qu’il a parcourus, Zaméo, célèbre physicien accusé de .posséder le secret de faire de l’or, n’a point trouvé d’autre moyen de se soustraire aux recherches de l’Inquisition que de prendre le nom de Dago, et de se couvrir des haillons de l’indigence. Son esprit, ses connoissances l’ont bientôt fait reconnoitre pour chef des gueux. Cette confrairie se réunissoit chaque matin pour le partage des produits de la quête. Dago leur recommandait sur-tout de s’abstenir du vol et de toute action contraire à la probité. C’est sous ces livrées de l’indigence que Zamréo a rencontré Fe'licio à peine arrivé à Cadix. Il a reconnu en lui son neveu ; mais il n’a voulu se déclarer que lorsqu’il s’est assuré de sa discrétion. Zaméo et Felicio se livrent donc à la joie, Angelica partage leur plaisir ; tout-à-coup un billet de Miquelet, l’un des mendians, jette le trouble dans la maison ; il instruit Dago que Fabio, valet de son neveu, s’est réuni à quelques-uns des plus scélérats de la bande, et qu’ils ont été le dénoncer à la Sainte-Hermandad.

Dago, dans ce péril, ne perd pas courage, il connoit une issue secrette, mais tout est occupé par ses ennemis. Une seule retraite lui reste encore ; il y place Felicio, Angelica et tons ses serviteurs. Lui-même attend l’Officier et les soldats qui doivent l’arrêter. Ces hommes sont ses propres compagnons déguisés qui en veulent à l’or que sa maison renferme. On l'entraine, on trouve une trape, deux des plus hardis y descendent ; plusieurs coups de pistolets font fuir les autres ; c’est Félicio qui s’est apperçu de la fourberie, et qui ferme la trape sur 1es deux coquins. Il conserve alors l’espoir de sauver son oncle. il fait partir Angelica pour le camp où le Roi vient d’arriver, et lui-même de concert avec Miquelos, est dévoué à Dago. Il se fait recevoir mendiant afin de découvrir sa retraite et de le sauver. Dago est enfermé dans un souterrain sur le bord de la mer. Les rebelles qui l’y ont conduit consentent à lui laisser la vie, à condition qu’il leur fera de l’or. Il rit de leur proposition ; et déjà ils ont résolu de s’en délivrer, lorsque Miquelos et Felicio, qui sont près de lui, arrêtent et désarment les assassins. Les autres meudians accourent, mais les gardes les suivent de près. A leur tête est un officier. Il ramène Angelica qui a obtenu du Roi la grâce de son père, et qui est unie a Fëlicio.

L’auteur feroit sagement de couper quelques scènes où les mendians sont trop long-tems sous les yeux des spectateurs. Leur danse en haillons n’est pas gaie, et le pas de deux n’a rien de divertissant. Quant à la métamorphosa de tonte cette tourbe de gueux en un essaim de jeunes gens parés avec élégance, elle est plus agréable, aussi le public l’a t-il beaucoup applaudie. Mlle. Ste. Marie s’y distingue par sa danse légère et gracieuse, et par un aplomb rare. Millot exécute un pas grotesque avec tout le comique qu’on Lui commit. Quant aux ac eurs , ils méritent aussi des éloges pour la manière dont ils ont rendu leurs rôles. Les paroles sont de M. Cuvelier, la musique M. de Mo range, et les ballets de M. Richard.

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