Délia et Verdikan, opéra en un acte, paroles de M. *** [Elleviou], musique de M. Lebreton [Henri-Montan Berton]; 19 floréal an 13 [9 mai 1805].
Théâtre de l'Opéra-comique.
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Titre :
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Délia et Perdikan
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Genre
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opéra (comique)
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ,
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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19 floréal an XIII [9 mai 1805]
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra Comique
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Auteur(s) des paroles :
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Elleviou
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Compositeur(s) :
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Henri-Montan Berton
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Almanach des Muses 1806.
Verdikan, passionnément amoureux de la fille d'un riche Arménien, ne trouve d'autre moyen pour s'introduire auprès de sa maîtresse que de se faire passer pour le fils du sophi, auquel il ressemble fort heureusement ; fort heureusement encore l'Arménien se prête à tout, et unit sa fille au prétendu sophi. Il ne tarde pas à être détrompé ; mais le mariage est conclu, et il ne lui reste plus qu'à pardonner.
Ouvrage d'une faiblesse extrême, et qui n'a obtenu que deux représentations.
Courrier des spectacles, n° 3007 du 20 floréal an 13 [10 mai 1805], p. 2 :
[La pièce est d’un chanteur célèbre de l’Opéra-Comique et d’un compositeur chevronné. Hélas, l’auteur du livret n’est pas du tout à la hauteur de ses ambitions, et le résultat de son travail n’a que des défauts, sujet, intrigue, cohérence, style même, y compris dans la versification fautive. Le musicien n’a pas su tirer parti de ce livret, et elle rappelle plus de la musique d’église que de la musique d’opéra. Après ce début, inutile de détailler l’intrigue, évoquée en quelques mots, avant de revenir sur les défauts de la pièce (dont son caractère inconvenant) et sur l’ambiance houleuse de la représentation. Les auteurs n’ont pas été demandés, mais tout le monde savait de qui il s’agissait.
Théâtre de l’Opéra-Comique.
Délia et Verdikan.
Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier.
Lorsqu’on jouit de la réputation d’un acteur distingué, lorsqu’à ce mérite on joint celui de chanter avec un talent supérieur, ne faudroit-il pas savoir régler ses désirs et se contenter d’un double avantage qu’il est rare de posséder à-la-fois ?
Délia et Verdikan étoient. annoncés depuis long-tems comme des enfans fortunés d’une Muse nouvelle qui vouloit joindre au luth d’Erato les grelots de Thalie. Si l’auteur de cette pièce n’eût point été nommé, je lui aurois aussi laissé l’avantage de l’incognito, le seul qui eût pu lui rester après la représentation de son ouvrage. Il ne suffit pas de chanter des vers pour en composer, ni de jouer la comédie , pour devenir auteur comique. Un ouvrage, même médiocre, exige des études et un art que tout le monde ne possède point. Délia et Verdikan est une production manquée sous tous les rapports. Le sujet est sans intérêt et sans vraisemblance ; l’intrigue est presque nulle, parce que l’auteur n’a pas sçu la développer ; les scènes sont sans liaison et sans motif, parce que M. Elleviou n’a pas conçu son sujet d’une manière nette et précise. Le style n’a point ce ton, cette politesse, ce choix d'expressions qui caractérisent l’homme accoutumé à parler avec pureté et élégance. Le sentiment des convenances est souvent totalement oublié ; les vers semblent plutôt avoir été composés chez Berthélemot ou au magasin du Fidèle Berger, que sous la dictée d’Apollon ; la mesure y manque quelquefois, la rime est violée fréquemment, et l’expression au-dessous même de celle d’une prose soignée.
La réunion de tant de défauts semble avoir influé sur le génie du musicien ; on ne trouve dans sa composition presque rien à citer, elle n’a jamais la couleur du sujet, et dans quelques morceaux, elle ressemble plutôt à un chant de vêpre qu’à celui d’un opéra. L’ouverture seule est d’un style léger, aimable et varié.
Délia est la fille d’un marchand avare qui veut la marier à Ibrahim, agioteur vil et ignoble. Verdikan est un capitaine de la garde du Sultan, qui s’est fait aimer de Délia, et qui parvient à l’épouser en se faisant passer pour le fils du grand Sultan. Ce sujet est rempli par beaucoup de détails inutiles, vagues et de mauvais goût. Le style d’Emir et d Ibrahim est celui de deux courtiers du Perron, et leurs pensées sont d’accord avec leur style. Beaucoup de mots indiscrets, de traits inconvenans ont excité d’abord des murmures, ensuite un sifflement sourd, et enfin une explosion générale qui n’a pas permis qu’on nommât les auteurs, mais ils étoient connus d’avance.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 10e année (1805), tome III, p. 450-451 :
Théâtre Favart.
Délia et Verdikan.
Un excellent auteur peut n'être qu'un comédien fort médiocre ; de même un très-bon comédien peut n'être qu'un très-mauvais auteur ; et cela prouve la vérité du proverbe chacun son métier..... Cette réflexion vient à propos de Délia et Verdikan ; car personne n'ignore que cette pièce est d'un des acteurs les plus aimés de l'Opéra-Comique. Elle n'a point eu de succès ; elle a même été traitée avec la plus grande rigueur. Il est vrai que le peu d'intérêt, les longueurs, le style peu soigné, tout se réunissoit pour indisposer les spectateurs. Nous n'analyserons point la pièce, afin de nous dispenser d'en faire la critique. Nous conseillerons seulement à l'acteur-auteur, de se contenter des applaudissemens qu'il obtient chaque jour dans ses rôles, sans briguer un titre dont les désagrémens sont loin d'être compensés, même par les succès.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, prairial an XIII [mai 1805]p. 281-283 :
[Le plus intéressant dans ce compte rendu, c’est l’image d’une représentation agitée : on commence par la fin, les spectateurs du parterre scandant « l’auteur ! » sans réussir à le faire paraître. Mais de toute façon, le secret était mal gardé, et l’auteur des paroles n’avait pas besoin de paraître pour être connu (et éventuellement hué). Seul le compositeur, qui ne risquait rien, a paru. Et pendant la représentation, la salle, bien pleine, avait été le théâtre d’un de ces chahuts qui se produisent souvent aux premières. Le critique l’interprète comme une basse vengeance des chanteurs de province, jaloux des capacités vocales d’Elleviou, l’auteur : la pièce, qui est médiocre, ne pouvait réussir, même si elle avait été excellente. Chute donc, pas besoin d’analyse. Ce qu’on peut en dire, c’est que le dialogue manque de piquant (pourtant indispensable), qu’elle est trop longue (il faut en retrancher « un grand tiers ». Ainsi retaillée, grâce à la musique et les acteurs, elle poura réussir. Car les acteurs ont tous été très applaudis.]
THÉATRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.
Délia et Verdikan, opéra en un acte.
Onze heures allaient sonner, et une centaine de braves grimpés sur des banquettes, criaient encore dans le parterre, d'une voix enrouée : l'auteur !! l'auteur !
L'auteur a montré autant de constance que les cent braves, car au risque de leur donner une extinction de voix, ou, ce qui eût été pis, de changer leur amour en haine, il a persisté jusqu'au dernier moment dans le refus de se faire connaître. On n'a nommé que le compositeur de la musique, M. Berton, à qui ce nouvel œuvre fait en effet beaucoup d'honneur.
Cependant à la disposition des esprits, il était aisé de reconnaître que le secret de l'anonyme avait été trahi, et qu'on soupçonnait, au moins, très-fortement l'un des premiers chanteurs de ce théâtre, d'avoir composé ou arrangé les paroles. L'affluence des spectateurs était prodigieuse, beaucoup n'étaient venus que par curiosité. D'autres avaient très-évidemment des intentions hostiles, et de ce nombre étaient, dit-on, presque tous les Colins et hautes-contres de départemens, maintenant en dépôt à Paris , lesquels n'ayant jamais pu réussir à chanter aussi juste que le prévenu, s'étaient vus constamment repoussés de son théâtre, et n'étaient pas fâchés d'une circonstance qui leur offrait le moyen de se venger. Ils en ont habilement et complettement profité. La pièce est médiocre, sans doute ; mais eût-elle été un chef-d'œuvre, l'artillerie de ces messieurs l'aurait balayée.
C'est donc une chûte que nous annonçons, et cela seul nous dispense d'analyser la pièce.
En peu de mots, voici notre avis : le dialogue n'a rien de piquant, mais on n'y trouve rien non plus qui blesse le goût ; le plus grand défaut du poëme est d'être excessivement long ; qu'on en retranche un grand tiers, et, grace à la fraîcheur de la musique ainsi qu'au talent des acteurs, il pourra être vu avec plaisir.
Martin, dans son rôle de valet, Mme. St.-Aubin dans le rôle de Délia, et Elleviou dans celui de Verdikan, ont été vivement applaudis.
D'après le Dictionnaire lyrique de Félix Clément et Pierre Larousse, p. 196, les paroles sont de Elleviou, et la musique de Berton.
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