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Diane et Endymion (Espic de Liroux)

Diane et Endymion, opéra en trois actes et en vers, livret de Jean-François Espic de Liroux, musique de Niccolò Piccinni, 7 septembre 1784.

Académie Royale de Musique.

Reprise le 17 novembre 1791.

Titre :

Diane et Endymion

Genre

opéra

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

oui

Date de création :

7 septembre 1791, reprise le 17 novembre 1791

Théâtre :

Académie Impériale de Musique

Auteur(s) des paroles :

Jean-François Espic de Liroux

Compositeur(s) :

Niccolò Piccinni

L’opéra de Piccinni d'abord joué en 1784 (une seule fois, d'après la base César) a été repris en 1791,avec des modifications. Or, l'Opéra possède un manuscrit daté de 1791 d'un Diane et Endymion attribué à Jean-Baptiste Rey. Et si c'était la nouvelle version de l'opéra de Piccinni ?

Mercure universel, tome 9, n° 263 du samedi 19 novembre 1791, p. 302-303 :

[Reprise donc d'une création de 1784, retouchée, l'acte 3 dans la version originale souffrant de l'effet trop puissant provoqué par l'acte 2. Ce nouveau livret, dû à Rey, modifie fortement l'œuvre, début refait, morceaux transposés, lien entre les scènes. Il s'agissait pour lui de rendre le livret digne du compositeur. Le critique met en valeur plusieurs morceaux qu'il juge remarquables, ainsi que des accompagnements accordés à la voix d'une chanteuse. Et c'est surtout la danse qui lui paraît exceptionnelle : elle est « la partie la plus brillante de ce spectacle ». De nombreux danseurs sont cités, avec les éloges les plus appuyés.]

Académie royale de musique.

On a donné hier avec succès la première représentation de la reprise de Diane et Endimion.

Cet opéra fut joué au mois de septembre 1784. La musique, qui est de |M. Piccini, en fut alors généralement goûtée ; mais on se plaignit, avec raison, du peu d’intérêt du 3e. acte, qui se trouvoit écrasé par le grand effet du 2e. L’auteur s’est appliqué à retoucher son poëme, afin de le rendre digne du compositeur célèbre, dont le talent y a répandu un chant pur et une mélodie touchante.

La catastrophe du second acte est transportée au 3e. L’auteur, M. Deliroux ne pouvoit mieux placer sa confiance pour les changemens qu’il désiroit, qu’en M. Rey, qui a refait tonte la première partie de l’ouverture, transposé des morceaux et lié les scènes les unes aux autres. M. Rey s’en est acquitté avec tout le talent qu’on lui connoît, et auquel son extrême modestie ajoute un nouveau lustre.

On a fort applaudi le morceau qui ouvre le second acte :

« Victime de l’amour et d’un fatal penchant
« Mon foible cœur cède an trait qui le blesse, etc.

L’ariette de la fin, chantée par Mad. Ponteuil qui jouoit Isménie, a paru faire le plus grand plaisir. Les accompagnemens de flûte se marient très-bien avec la charmante voix de cette cantatrice. M. Rousseau, dont on a été long-temps privé, a reparu dans le rôle d'Endimion. Mlle. Maillard a très-bien rendu celui de Diane.

Le ballet qui termine le 2e. acte nous a paru, ainsi que celui de la fin, bien dessiné, et d’un effet très-pittoresque. MM. Vestris, Nivelon, Goyon, Didelot, mesdames Saulnier, Millers, Chavigné, ont excité l'enthousiasme du public. Mlle. Colombe, débutante, a de l'à-plomb et du Moëlleux. Melle. Simon, qui faisoit Vestale, a dansé avec chasteté. En général, la danse est la partie la plus brillante de ce spectacle.

« Là, pour nous enchanter, tout est mis en usage «.

Tout s'embellit de la volupté ; elle préside à la danse, elle préside au chant ; tous les goûts sont déliés, et dans l’embarras des jouissances, on ne sauroit dire ce qui est le plus charmé des yeux ou de l’oreille.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 48 du samedi 26 novembre 1791, p. 123-127 :

[Avant de parler de la reprise de 1791, le critique rappelle la carrière antérieure de l’opéra, dont le succès lors de sa création n’a pas été complet, et signale les modifications que le parolier a faites pour rééquilibrer l’intérêt, trop faible au troisième acte après un deuxième acte écrasant. Ces modifications ont permis de remettre à la scène ce qui est qualifié comme « l'une des plus agréables productions de M. Piccinni », par sa richesse mélodique, mais aussi le soin avec lequel le compositeur a soigné « non seulement les parties principales, mais tous les accessoires ». Il analyse ensuite les grands airs de l’opéra, dans le rôle de Diane, celui d’Isménie, celui, plusmodeste, d’Endymion. A chaque fois, l’interprète est nommé de façon positive. Même éloge des mélodies de l'ouverture et des airs de danse. Il en vient même à se demander comment une telle musique a pu ne pas avoir « le plus brillant succès ». Les ballets aussi sont brillants, et l’énumération des danseurs suffit pour en montrer la qualité. Un assez long développement est accordé au costume d’une nymphe de Diane, imité de l’antique, et dont le critique souligne à la fois le caractère audacieux, la quasi-nudité, et la décence. Pour finir, il souligne la qualité d’ensemble de cette production, dans tous ses aspects.]

ACADÉM1E ROYALE DE MUSIQUE.

L’Opéra de Diane & Endymion fut donné, en 1784, assez pour être apprécié par les Amateurs, trop peu pour les satisfaire. L'Auteur du Poëme (Mr. de Liroux) a reconnu lui-même les défautsqui avaient alors empêché son succès. Le principal était dans le troisieme Acte, pour lequel il n'avait pas ménagé une assez grande partie de l'intérêt, & qui était écrasé par le second. Il a fait à son Ouvrage des corrections heureuses. Isménie, au second Acte, n'est maintenant en quelque sorte qu'agréée parmi les Nymphes de Diane qui la conduisent dans le Temple, & la séparent des Bergers & des Bergeres ses compagnes, dont elle reçoit les adieux. C'est au troisieme Acte que Diane veut la forcer de prononcer le vœu de renoncer à l'Amour, qu'Isménie s'évanouit au pied de l'Autel, & que l'Amour vient la sauver en jetant l'effroi parmi les Nymphes & dans le cœur même de la Déesse.

M. de Liroux a lieu de se féliciter de ses efforts pour rendre au Public l'une des plus agréables productions de M. Piccinni, l'une de celles où il a semé le plus de mélodie, & dont il a le plus soigné, non seulement les parties principales, mais tous les accessoires. Remise au Théâtre avec ces changemens, le Jeudi 17 de ce mois, elle a complétement réussi. On a paru sentir vivement le mérite des principaux morceaux de Musique ; & l'ensemble du Spectacle, l'élégance & la forme antique des costumes, le nombre & la richesse des Ballets, la beauté des décorations & des machines, tout a concouru au succès de ce charmant Ouvrage.

Le rôle de Diane est le plus beau, celui dont le style est le plus élevé, le plus noble. C'est une Déesse faible & passionnée, mais c'est toujours une Déesse. L'Air de mouvement, non, rien ne peut briser ma chaîne, qu'elle chante à la fin du premier Acte ; celui dont le chant doux, le mouvement modéré, l'accompagnement brillant & gracieux peignent, au commencement du second Acte, l'espérance à laquelle son cœur se livre ; la cavatine expressive & pathétique du 3°., Je vais punir l'objet que j'aime, & sur-tout l'Air admirable qui la suit, cesse d'agiter mon ame, Air plein d'agitation, de passion, de feu, ont reçu les applaudissemens les plus vifs & les plus mérités. Mlle. Maillard a mis dans ces différens morceaux le mélange nécessaire de noblesse, de force & de sensibilité. Le bel Air d'Isménie, au premier Acte, Funeste Oracle, incertitude affreuse! & celui de bravoure qu'elle chante dans le dernier Divertissement, sont ajoutés, & parodiés de l'Italien, l'un de la premiere Olimpiade de M. Piccinni, l'autre de son second Alexandre aux Indes ; car il a composé deux fois en Italie chacun de ces deux grands Opéras. Mad. Ponteuil a été fort applaudie dans ce rôle. Celui d'Endymion n'est pas considérable ; mais les morceaux qu'il chante sont très-agréables, & dans le caractere qui convient. Ils sont rendus avec beaucoup d'expression par M. Rousseau. L'entrée de l'Amour, au 3°. Acte, la symphonie qui l'annonce, la Gloire qui l'apporte, le cortége qui l'accompagne, l'Air qu'il chante, & la maniere piquante dont il est rendu par Mademoiselle Gavaudan, forment une Scène magique, qu'on ne se lasse point d'applaudir. Le Duo d'Endymion & d'Isménie, celui de Diane & de l'Amour, l'excellent Trio entre les deux Amans & Diane, le Chœur des Nymphes, recois nos vœux, sœur d'.4pollon, l’Ouverture, & la plupart des Airs de Danse, ont une variété, une fraîcheur de style, une richesse d'idées musicales qui laissent à peine concevoir comment, dans sa nouveauté, cet excellent Ouvrage, malgré ses défauts, n'eut pas le plus brillant succès.

Dire que les Ballets, qui sont en très grand nombre, sont exécutés par MM. Vestris, Nivelon, Didelot, par Mlles. Saulnier, Miller, Coulon , &c. ; c'est annoncer qu'ils réunissent toute la perfection dont ce seul Théâtre en Europe donne depuis si long-temps des modeles. Mais rien n'est au dessus de Mlle.Saulnier dans son rôle de premiere Nymphe de Diane. La beauté de ses formes, la noblesse & la fierté de son air, de ses attitudes, la grace sévere de sa démarche & de ses moindres mouvemens, sont, ainsi que son costume, fidélement modelés sur l'Antique. Elle paraît presque nue, & son aspect repousse toute idée de licence. Elle rappelle ces belles Spartiates, qui, sur les bords de l'Eurotas, n'étaient, selon l'expression de Rousseau,couvertes que de l'honnêteté publique. On ne doit pas compter sur le même voile aux bords de la Seine, & sur-tout à l'Opéra ;mais on peut dire que Mlle. Saulnier, dans cet habit court, léger & transparent, est vêtue de décence & de fierté.

Le soin avec lequel cet Opéra est remis dans toutes ses parties, fait infiniment d'honneur aux Sujets, aux Directeurs, & à l'Administration, qui ne négligent rien pour soutenir contre la difficulté des temps ce Spectacle, si important pour la Capitale, & si intéressant pour le progrès des Arts.

Dictionnaire des opéras, de Félix Clément et Pierre Larousse (Paris, 1881), p. 212-213 :

[Article très intéressant, qui accorde une grande importance à une œuvre qui peut sembler secondaire (elle n’a été joué que sept fois à l’opéra, et on ne sait trop comment les auteurs du dictionnaire la connaissent aussi bien). Pour eux, cet ouvrage est un témoin important de la querelle entre gluckistes et piccinnistes, dont ils veulent montrer qu’elle est un peu illusoire, que chacun des deux clans associe mélodie et harmonie, et que Piccinni, en particulier, est loin de négliger le rôle de l’orchestre.]

DIANE ET ENDYMION, opéra en trois actes, paroles de Liroux, musique de Piccinni, représenté à l'Académie royale de musique le 7 septembre 1784. Le sujet, ayant beaucoup de ressemblance avec celui d'Atys, si connu du public, nuisit au succès de la musique, qui est cependant assez remarquable. On commençait à être saturé des sujets mythologiques, qui depuis plus d'un siècle régnaient sur la scène. On introduisit alors deux éléments en quelque sorte nouveaux ; le premier était la musique descriptive, indice d'un sentiment plus vif de la nature ; le second consistait dans une participation plus fréquente et même constante de l'orchestre aux péripéties du drame lyrique. Les gluckistes ont reproché à Piccinni d'avoir méconnu l'importance de ces deux puissants auxiliaires et de n'avoir recherché que la mélodie dans ses opéras. Cette querelle d'Allemand n'a pris d'aussi grands développements qu'à cause de l'imperfection des connaissances musicales de ceux qui l'ont soulevée. Il n'y a pas de bonne mélodie sans une bonne har-monie, et loin d'avoir séparé ces deux choses, Gluck et Piccinni les ont constamment réunies dans leur pensée. Piccinni seulement a conservé les formes traditionnelles des morceaux lyriques ; tandis que Gluck, plus hardi, a introduit une coupe d'airs différents et a donné plus souvent la parole à l'orchestre. Les procédés restent absolument les mêmes et portent chez tous deux le cachet du maître. Chacun en a varié l'usage selon le caractère de son génie et d'après l'influence des circonstances. En outre, Piccinni, non-seulement n'a pas négligé le rôle de l'orchestre, mais il l'a développé au contraire, et l'a mis en rapport intime avec le sujet. C'est ainsi que, dans la partition de Diane et Endymion, qui nous occupe, la toile se lève dès le commencement de l'ouverture. La scène est vide, le théâtre représente un paysage terminé par le mont Latma, sur le sommet duquel on aperçoit un temple. Un ruisseau tombe en cascade du haut de la montagne et la sépare du lieu de la scène. Le théâtre, sombre, s'éclaire successivement, pendant que l'ouverture peint la fraîcheur de l'aurore, le chant des oiseaux, toute la nature ranimée parla présence de l'astre du jour. On aperçoit dans le lointain des groupes de pasteurs, conduisant leurs troupeaux sur le penchant de la colline. Endymion paraît, et la première scène commence. On ne peut dire que l'ouverture soit comparable à la première partie de celle de Guillaume Tell ou à la Symphonie pastorale de Beethoven ; mais on doit voir, dans cette circonstance, la preuve que Piccinni ne reculait pas devant une conception hardie et une infraction aux règles du théâtre, lorsqu'elle lui paraissait utile à l'expression de sa pensée. On se rappelle que la symphonie, placée par M. Gounod dans son opéra de la Nonne sanglante, a été considérée comme une innovation. On en trouve plusieurs autres exemples depuis 1784. Nous signalerons le récit d'Endymion, dans lequel l'orchestre joue un accompagnement fort élégant ; la musique du ballet d'action, dont le sujet est le triomphe d'Isménie, et sa réception de nymphe de Diane, « imitée du rit [sic] antique », comme le déclare l'auteur avec naïveté. Le second acte offre des longueurs dénuées d'intérêt; l'hymne des prêtresses ne suffisait pas pour en conjurer l'ennui. Le dernier acte renferme de beaux récitatifs auxquels il ne manque qu'une situation dramatique plus forte, plus émouvante. La scène dernière contient quelques phrases gracieuses en duo, et un joli chœur final; mais l'ouvrage en général est froid et ne se recommande que par la partie descriptive, celle qu'il importait de mettre en lumière, de faire connaître à nos lecteurs, pour rectifier la fausse opinion que plusieurs peuvent s'être faite de la musique du rival de Gluck, vaincu par lui, mais non sans honneur.

D’après la base César, Diane et Endymion a été donné une seule fois en 1784, le 7 septembre 1784, et repris 6 fois en 1791, du 17 novembre au 22 décembre. Elle a été jouée dans les deux cas dans la salle de la Porte Saint-Martin.

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