Diderot, ou le Voyage à Versailles, comédie en un acte, en prose, de M. Aude, 21 messidor an 12 [10 juillet 1804].
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Almanach des Muses 1805
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an xii (1804) :
Diderot, ou le voyage à Versailles, comédie en un acte, en prose, Représentée, pour la première fois, sur le théâtre de la Porte St.-Martin, le 15 messidor, an 12. Par M. Aude.
La date de la première représentation donnée par la brochure est inexacte : le Courrier des spectacles annonce cette première pour le 21 messidor [10 juillet]. Le titre donné est souvent réduite auVoyage à Versailles, sans citer Diderot.
Courrier des spectacles, n° 2695 du 25 messidor an 12 [12 juillet 1804], p. 2-3 :
[La pièce s’inscrit dans la riche lignée des pièces consacrées à une anecdote concernant un homme célèbre, et le journaliste suggère que la fidélité historique n’est pas ce qui les marque le plus. Diderot ou le Voyage de Versailles est représentatif de cette incertitude : on ne sait ce qui est vrai dans la pièce, mais le public n’y regarde pas de si près. L’intrigue est vite résumée et sans surprise. Jugement : un sujet bien faible, mais qui permet à l’auteur de se hisser au-dessus de ses productions burlesques habituelles. La fin de l’article félicite les acteurs.]
Théâtre de la Porte St-Martin.
Première représentation de Diderot, ou le Voyage de Versailles.
Tous les hommes célèbres que l’on a jusqu’ici mis en scène, nous ont été présentés sous l’aspect le plus favorable : on les a peints presque toujours comme des êtres bienfaisans. Que l’on soit d’accord ou non avec l’histoire, peu importe à l’auteu , mais il faut rendre le héros intéressant, et à défaut de faits authentiques, on sait en imaginer pour rehausser le mérite de celui que l’on veut célébrer.
Dans la pièce nouvelle, représentée avant-hier à ce Théâtre, sous le titre de Diderot, ou le Voyage de Versailles, on paroît avoir aussi adopté celte manière. Son héros est bienfaisant, généreux ; le fut-il en effet dans la circonstance que l’on cite ? c’est ce que j’ignore ; et je crois que l’histoire n’en sait pas plus que nous à cet égard ; quoi qu’il en soit, l’ouvrage a réussi, le parterre n’a pas demandé si le fait est vrai ou faux, il l'a vu avec plaisir, et a encouragé par ses applaudissemens la plume qui lui retraçoit sous des couleurs aimables l’auteur du Père de Famille et le créateur de l’immense ouvrage de l’Encyclopédie.
Diderot est amoureux d’une jeune veuve qui sollicite vainement dans les bureaux de la Guerre le payement d’une ancienne pension due à son époux ; ne consultant que son zèle, il pénètre dans les bureaux, presse le travail et ne revient qu’après avoir obtenu du Ministre l’objet de la demande de la veuve, dont il adopte le fils, et à qui il offre sa fortune et sa main.
Ce fonds est bien foible, sans doute, mais on ne peut que féliciter M. Aude de quitter quelquefois le genre burlesque des Angot et des Cadet Roussel pour un genre plus honorable, celui de la bonne comédie.
Ce petit acte est bien écrit, et offre plusieurs scènes fort bien faites qui ont contribué au succès de l’ouvrage froid par lui-même.
M. Adnet a joué le rôle de Diderot avec beaucoup d’intelligence ; il s’y est montré comédien. M. Bourdais y remplit le rôle d’une espèce de Turcaret bel esprit et philosophe ; il a sçu lui donner une physionomie tout-à-fait plaisante, et prouver que le vrai talent se plie facilement à tous les rôles, car jusqu’ici il n’avoit joué que des valets depuis ses débuts. Les autres personnages sont rendus avec ensemble par M. Fusil et mesd. Pelletier et Bourdais ; cette dernière a beaucoup de décence et un bon ton de comédie. G.
Michèle Sajous d'Oria, « La bienfaisance ressuscitée », in Des mots en liberté, Mélanges Maurice Tournier, (1998) tome 1 p. 35-36 :
Le message d'Est-il bon ? Est-il méchant ? fut (mal) recueilli dans une comédie de 1804, Diderot ou le voyage à Versailles, qui reprit l'un des traits de bienfaisance d'Hardouin (celui de la veuve qui obtient une pension pour son fils parce que le bienfaiteur fait croire qu'il est son amant et père de l'enfant) et qui pour sauver la morale, dans la dernière scène, fait épouser la veuve par le « bienfaiteur dangereux », c'est-à-dire Diderot. Et le grand absent des célébrations théâtrales du « philosophe bienfaisant » est Diderot.
Raimond Trousson, « Diderot au théâtre », Diderot Studies, vol. XXX (2007), p. 334 :
Dans cette comédie de 1804, Diderot n'est toujours que le directeur de l'Encyclopédie, l'auteur du Père de famille et d'un roman dénoncé, quelques années auparavant, comme obscène et scandaleux. Rien n'est apparemment connu de sone xistence personnelle ni des œuvres qu'avait déjà incriminées Palissot. Reste un mêle-tout bienfaisant – on songerait à Est-il bon ? Est-il méchant ? si la pièce n'avait été publiée seulement en 1834 –, un savant, un bourgeois de comédie amoureux qui parvient à ses fins. On est loin de la canonisation de Voltaire et de Rousseau.
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