La Dupe de son art, ou les Deux amants, opéra-comique en un acte, par MM. Sapey, musique de Dourlens, 9 septembre 1809.
Théâtre de l’Opéra-Comique.
Comme l’Esprit des Journaux, Charles Beaumont Wicks, The Parisian stage : alphabetical indexes of plays and authors, Part I : 1800-1815, p. 21, ajoute un sous-titre : la Dupe de son art, ou les Deux amants.
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Titre :
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Dupe de son art (la), ou les deux Amants
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Genre
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opéra-comique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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9 septembre 1809
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra-Comique
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Auteur(s) des paroles :
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Sapey
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Compositeur(s) :
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Dourlens
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L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1809, p. 256-258 :
[La plus mauvaise pièce que le critique ait jamais vue : « dénuée de toute apparence de talent ». L’analyse de la situation initiale n’est pourtant pas si effrayante, même si originalité n’est pas au rendez-vous. Mais c’est que la situation ne permet que deux scènes (la rencontre de Mme de Murville avec chacun des prétendants), ou appelle tout un roman psychologique. Faire une pièce d’un acte avec cette situation, quel gageure. L’auteur y a ajouté l’idée d’une vengeance de la part de Mme de Murville fâchée d’être traitée comme l’enjeu d’un défi infamant pour son sexe. On assiste donc aux deux rencontres montrant deux personnages très différents (« l'un est pathétique et l'autre badin »), et une Mme de Murville se montrant l’opposé de celui qui est avec elle. C’est le personnage « pathétique » qui touche son cœur, on a donc un dénouement, mais l’auteur fait intervenir l’oncle de Mme de Murville, qui veut vérifier si le choix de sa nièce lui convient. Et il confirme le choix de Mme de Murville. Reste à condamner la pièce, et le critique nous donne le catalogue des défauts d’une comédie : « sans intrigue, sans art, sans vraisemblance », « rien de nouveau ni dans les caractères, ni dans les situations », « le dialogue est digne du reste, languissant, commun, sans sel et sans gaieté ». On avait oublié qu’on était à l’Opéra-Comique, et le sort de la musique tient en une phrase : « mieux écrite que la pièce, mais […] pas plus neuve ; c'est un centon assez mal cousu. »]
Théâtre de l'Opéra-Comique.
La Dupe de son art, ou les Deux Amans, opéra comique eu un acte.
J’ai vu tomber des pièces avec plus le fracas que celle-ci; j'en ai entendu siffler pour des défauts plus choquans et plus graves ; mais je n'en ai guères vu, du moins à ce théâtre, d'aussi dénuée de toute apparence de talent.
La scène est à la campagne; une jeune et jolis) veuve, nommée Mme. de Murville, y passe la saison : elle est riche et vit auprès d'un oncle qui a lui-même de la fortune et dont elle doit hériter. Il n'est point étonnant qu'avec tant d'avantages elle ait attiré l'attention des jeunes gens à marier ; et la pièce commence en effet par la lecture d'une lettre où l'on apprend à la jolie veuve que deux amis, Fierval et Floricourt, doivent se présenter chez elle pour lui demander sa main. Leur rivalité aurait pu, dit-on, avoir des suites funestes ; mais au lieu de soutenir leurs droits l'épée à la main l'un contre l'autre, ils sont convenus qu'ils les feraient valoir auprès de leur dame, et que celui qui serait préféré par elle, n'éprouverait aucun obstacle de la part de son rival éconduit.
Nos lecteurs ne trouveront peut-être dans tout cela rien de bien condamnable ; l'arrangement des deux amis rivaux leur paraîtra fort simple, et ils ne verront pas pourquoi Mme. de Murville pourrait s'en formaliser; mais c'est qu'ils n'ont pas une pièce de théâtre à faire ; s'ils avaient cette intention, ils s'appercevraient bien vite qu'en prenant les choses comme il les faut prendre, Mme. de Murville ne leur fournirait que deux scènes, ou les obligerait de faire un roman tout entier ; deux scènes, si elle se décidait à choisir entre Fierval et Floricourt après avoir causé avec l'un et avec l'autre, ce qui serait d'autant plus excusable au théâtre, qu'elle les a connus tous les deux dans la société ; un roman, si elle vouloit se donner le temps d'approfondir leur caractère et d'éprouver leurs sentimens. Mais, comme on l'a vu, ce n'était ni deux scènes, ni un roman, c'était une pièce et un acte qu'il fallait à l'auteur ; il la lui fallait coûte qui coûte, et c'est Mme. de Murville qui en fait les frais.
En effet, la lettre dont nous avons parlé la rend furieuse ; elle voit dans la convention des deux amis un traité attentatoire à l'honneur du sexe et prend la résolution de le venger. Son oncle, à qui elle fait part de son projet, ne paraît pas, il est vrai, extrêmement touché de son outrage ; mais il a une grace à solliciter à Paris, et il laisse le champ libre à sa nièce.
Les deux amis arrivent ; l'auteur qui connaît la loi des contrastes, leur a donné des caractères différens ; l'un est pathétique et l'autre badin comme le Marsyas et le Pan du Jugement de Midas ; et c'est sur cette différence dans leurs caractères que Mme. de Murville compte pour se venger. Floricourt le badin obtient la première audience. Un article additionnel de son traité avec Fierval les oblige tous deux à parler franchement à la jolie veuve, à se montrer à elle tels qu'ils sont ; Floricourt y est très-fidèle. Il déclare qu'il aime la ville, les spectacles, le jeu, les chevaux, les femmes même ; ce qui peut s'appeller sans doute pousser la franchise un peu loin ; mais il n'en est pas moins très-étonné de voir qu'un caractère et des goûts si rassurans ne séduisent point Mme. de Murville. Après lui Fierval est écouté : sa confession est aussi sincère ; jamais le pathétique et la mélancolie n'ont été portés plus loin ; jamais on ne vit un amant plus triste. Il n'est pas d'abord plus heureux que Floricourt. Mme. de Murville avait feint avec celui-ci d'être aussi mélancolique que Fierval lui même ; elle feint avec Fierval d'être aussi évaporée que Floricourt. Les voilà donc tous deux bien maltraités, bien puni ; voilà Mme. de Murville et toutes les femmes bien vengées !.... Mais patience ; rira bien qui rira le dernier Fierval n'avait jamais été tout-à-fait indifférent à Mme. de Murville : elle ne l'a pas plutôt affligé par sa rigueur qu'elle même se sent attendrie ; sa vengeance commence à lui peser C'est bien pis lorsque le pauvre mélancolique la voyant décidée à n'épouser qu'un mari bien fou, lui promet de vaincre son caractère et de s'efforcer d'être gai pour lui faire plaisir. Floricourt n'avait pas été aussi généreux ; il avait déclaré que pour rien au monde il ne renoncerait au jeu, aux femmes et aux chevaux. L'amoureuse résignation de Fierval opère, Mme. de Murville est vaincue, et voilà comme on est dupe de son art.
La pièce aurait pu finir là, si, comme on l'a vu, l'auteur n'avait eu l'ambition de faire plus de deux scènes ; en conséquence, au moment où Fierval se jette à genoux, posture dangereuse qui pouvait arracher un aveu à Mme. de Murville, on entend du bruit, Fierval s'évade et bientôt l'oncle paraît. Son voyage à Paris n'a point fait réussir son affaire, il veut voir si celles de sa nièce sont en meilleur train. Elle lui raconte ce qui s'est passé ; elle avoue que le pathétique Fierval a triomphé de sa vengeance ; mais l'oncle, avant de donner son consentement, veut à son tour éprouver les deux rivaux ; il surprend une conversation qu'ils ont ensemble, il s'y mêle ensuite, et par un artifice trop connu pour être indiqué, il s'assure qu'en effet Fierval est digne de sa nièce et que Floricourt n'est qu'un étourdi.
Nous ferons grace à nos lecteurs des détails qui suivent et qui amènent le mariage d'obligation. Nous ne les avons entretenus que trop long-temps d'une pièce sans intrigue, sans art, sans vraisemblance, et qui n'offre rien de nouveau ni dans les caractères, ni dans les situations. Le dialogue est digne du reste, languissant, commun, sans sel et sans gaieté. La musique parait mieux écrite que la pièce, mais elle n’est pas plus neuve ; c'est un centon assez mal cousu.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome V, p. 129-130 :
[Compte rendu sévère d’une pièce manquée : « Paroles et musique étoient de la plus grande foiblesse », tout est dit. Les auteurs, novices, ont présumé de leurs forces. Intrigue banale, titre mal adapté (la jeune femme n’est pas « dupe de sa ruse », puisqu’elle épouse un homme aux qualités supérieures. La pièce n’a pas d’avenir, le nom des auteurs est connu par les journaux (ils n’ont pas été demandés), et l’interprète du rôle féminin n’a pas pu sauver la pièce malgré son talent.]
THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.
La Dupe de son art, opéra en un acte, joué le 9 septembre.
Deux auteurs novices ont été dupes de leurs prétentions ; le public a été dupe de sa confiance. Paroles et musique étoient de la plus grande foiblesse. Une jeune femme est aimée de deux jeunes gens, et, pour les guérir de. leur amour, elle emprunte à l'un ses airs étourdis, à l'autre sa sensibilité. Avec ses emprunts, elle veut éloigner les deux rivaux ; elle joue le sentiment avec l'étourdi, l'étourderie avec l'amant sensible, mais le médecin est bientôt dupe de ses remèdes, l'amour l'enchaîne à Fierval, et Floricourt est éconduit. Fierval a de la fortune, il est aimable, il est sage. Je ne vois pas trop comment cette femme est dupe de son art, à moins que les suites de son mariage ne le lui prouvent un jour. Ne lisons point dans l'avenir, auquel cette foible production ne parviendra point. Quelques sifflets l'ont accueillie ; elle a été jouée deux fois : quelques journaux ont nommé M. Sapey pour les paroles, et M. Dourlens pour la musique. Madame Duret, qui jouoit dans la pièce, n'a pu la soutenir.
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