Le Dénouement en l'air, ou Expérience de vol, folie en un acte, de Richard [Fabert] et Delestre-Poirson, 9 juillet 1812.
Théâtre de la Gaîté.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1812 :
Le Dénouement en l'air, ou Expérience en vol, folie en un acte, Par MM. Richard et Delestre, Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre de la Gaîté, le 9Juillet 1812.
Jakob Degen (ou Deghen, c. 160-1848) est entré dans l'histoire des objets volants en tentant de mettre au point un appareil permettant de diriger les ballons. Une tentative à Vienne lui a attiré l'ire de la foule. Sa tentative parisienne de 1812 a peut-être inspiré une pièce, elle n'a pas eu un grand succès.
Voici ce que dit de lui un aérostier belge, le « Physicien Robertson », qui a lui-même fait des tentatives de vols en ballon. Il n'est pas très indilgent avec Degen.
J’ai été particulièrement lié avec M. Degen ; c’était un horloger estimable, instruit et du premier mérite dans son art ; il suivit avec une scrupuleuse attention les deux expériences aérostatiques que je fis dans le Prater à Vienne, en 1803. Celle de la descente en parachute l’occupa particulièrement. Après mon départ pour St.-Pétersbourg, il construisit un petit aérostat, en tout semblable à celui dont je m’étais servi, à l’exception que son filet, en soie, était d’une extrême légèreté. Dans les expériences que M. Degen fit au Prater et à Paris, il été suspendu à son ballon par une ceinture de cuir, qui embrassait aussi les cuisses : de cette manière, ayant les pieds et les mains libres, il s’en servait à monter et descendre deux leviers pour faire mouvoir des espèces d’ailes qui avaient tout l’air de deux petits parachutes déployés, et qui semblaient plutôt placés par prudence en cas de chute, que pour la direction.
Assuré qu’il n’y a pas en Europe de capitale où l’on rendu [sic] plus de justice au talent qu’à Paris, M. Degen s’y rendit malgré mes avis. On connaît son désappointement. Je l’avais prévenu que les Français, moins indulgents que ses compatriotes : Regarderaient de quel côté vient le vent. D’ailleurs, il est douteux qu’il ait eu à Vienne un succès aussi complet qu’il l’assurait ; car voici des vers qui parurent le lendemain de son expérience.
Hier oben chr dir, Wiener-Bürger, Jacob Degen,
Da hab’ ich, und wer Menschenfreund ist, nichts entgegen;
Doch dafs geflügelt Dui m wahren Sinne Sand
Dem Volk in’s Auge streust – halt! das ist Kontraband.
Et voici ceux qui furent faits à Paris.
Mais l’institut des hirondelles,
Fait cette double question :
Fut-il enlevé par ses ailes,
Ou le fut-il par son ballon ?
Lors un moineau très estimable,
Au conseil étant appelé :
Dit, sans un peu d’air inflammable
Je doute fort qu’il eût volé. etc.
Journal de Paris, n° 193 du 11 juillet 1812, p. 2 :
[Pièce de circonstance, et qui a le tort immense d'arriver après que la circonstance a été oubliée, ce qui n'empêche pas qu'elle a eu du succès, grâce à des couplets spirituels et des mots piquants, sans grand rapport avec la machine aérienne qui servait de prétexte (la pièce aurait-elle été compose avant la démonstration ?). Certains traits d'esprit offensent le bon goût, mais sont excusables par leur gaieté. Le critique regrette de n'avoir pas retenu deux couplets du vaudeville final, « bien supérieurs à beaucoup d'autres applaudis et même sifflés sur des théâtres de plus haut parage ». Les auteurs sont nommés, avec une erreur sur le nom de Delestre-Poirson.]
THÉATRE DE LA GAITÉ
Première représentation du Dénouement en l'air, ou l'Expérience de vol,
folie-vaudeville en un acte.
Voilà une bluette de circonstance qui n'est déjà presque plus de circonstance. M. Degen, ses ailes et son ballon, autant en emporte le vent. Demain il n'en sera plus question, Il est temps que ce parodiste de Dédale cède à d'autres le droit de lever des contributions sur la curiosité parisienne.
Il était donc bien tard pour lancer encore une pièce après lui, et quand une bagatelle de cette nature a perdu le mérite de l'à-propos, que doit-il lui rester ? On peut comparer ce petit vaudeville à ces fusées paresseuses qui, dans les feux d'artifice, partent long-temps après que le bouquet est tiré. Mais pour avoir été lancée après les autres, la fusée du boulevard du Temple n'a pas été moins brillante.
On serait cependant tenté de croire que la pièce du Dénouement en l'air avait été composée long-temps avant qu'il ne fût question de M. Degen, et que, bon gré malgré, on y a incrusté son appareil mécanique ; les couplets spirituels, les mots piquans, qui ne sont pas rares dans ce petit ouvrage , n'ont aucun rapport avec l'expérience du Vol à tire d'aile.
Le succès a été complet et mérité. Si le goût peut condamner beaucoup de traits prodigués dans cette bluette, la gaieté les absout, et elle en a le droit puisque le délit est commis sur ses terres.
Plusieurs couplets ont été redemandés. J'en ai remarqué deux dans le vaudeville final , et je regrette de n'avoir pu les retenir. Ils sont bien supérieurs à beaucoup d'autres applaudis et même sifflés sur des théâtres de plus haut parage. Les auteurs de cette amusante folie sont MM. Richard et Delaitre.
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