Le Départ des patriotes aux frontières, ou la Loterie des filles, comédie en prose & en deux actes, suivie d'un divertissement, de Destival 9 août 1793.
Théâtre de la Gaieté.
On trouve aussi cette pièce sous le nom de la Loterie des femmes, ou la Loterie des filles.
Le nom du compositeur du divertissement ne m'est pas connu.
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Titre :
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Le Départ des patriotes aux frontières, ou la Loterie des filles
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Genre
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comédie suivie d’un divertissement
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en prose
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Musique :
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oui
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Date de création :
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9 août 1793
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Théâtre :
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Théâtre de la Gaieté
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Auteur(s) des paroles :
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M. d’Estival
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L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 9 (septembre 1793), p. 315-318 :
[La première qualité qui est reconnue à cette pièce, c’est d’être l'œuvre d’un patriote, et de présenter « bien des détails agréables », formule assez vague au demeurant. Le récit de l’intrigue est sans surprise : une scène villageoise, dans le contexte de la première réquisition, et un conflit amoureux qui oppose deux veuves et des jeunes filles autour de la main d’un jeune homme, resté seul au village suite à la réquisition. Comme attendu, c’est la jeune fille qu’il aime qui obtient sa main dans la loterie qui décide de son sort (mais la loterie paraît truquée...). Après le résumé, un paragraphe entier est consacré à une seule des actrices de la pièce, dont le talent naissant est souligné. Puis un dernier paragraphe compare la pièce (devenue, de la Loterie des femmes, la Loterie des filles) à d’autres pièces proches, et en particulier avec l’Homme en loterie, qui paraît avoir la préférence du critique. Finalement, il semble regretter qu’on n’ait pas joué la pièce sur « un grand théâtre » où elle serait plus à sa place que « tant d'autres pieces qui ne s'y montrent qu'à la honte des mœurs & du bon goût », ce qui doit signifier que cette loterie n’offense ni les mœurs, ni le bon goût. Et ce n’est pas une mince qualité.]
THÉATRE DE LA GAIETÉ.
La lotterie des femmes, comédie en prose & en deux actes, suivie d'un divertissement ; par M. d'Estival.
Cette piece, que son auteur auroit vraisemblablement appellée l'Homme en lotterie, s'il n'en existoit déjà une sous ce titre, fait preuve du patriotisme de M. d'Estival, & présente bien des détails agréables.
Tous les jeunes gens d'un village ont été obligés de partir pour la frontiere. Le seul Pierrot est demeuré. Toutes les filles sont amoureuses de lui ; deux veuves même, Mme. Graindorge, fermiere, & Mme. Piquet, cabaretiere, se mettent sur les rangs, & veulent absolument obtenir la main de ce jeune valet-de-ferme.
Mais, malheureusement pour ces veuves, elles sont en concurrence avec un grand nombre d'aimables filles ; & si les premieres ont une fortune à offrir à Pierrot, les secondes sont richement pourvues d'attraits. Or, les attraits sont bien puissans sur le cœur d'un jeune homme. Chéri, fêté par tout le viliage, il seroit au comble de la joie, s'il étoit certain que Thérese, à laquelle il n'a pas osé encore faire sa déclaration, l'aimât seulement un peu. Elle paroît, & la parole expire sur les levres de Pierrot ; les termes lui manquent pour exprimer la vivacité de sa flamme. Qui peut dire comme il brûle, s'écrie Pétrarque, est dans un bien petit feu ; mais Pierrot est dans un brasier. Il se déclare enfin, & il découvre que Thérese partage son ardeur.
Cependant les autres filles, & sur-tout les veuves, ne cessent de pourchasser Pierrot ; il est le centre auquel elles viennent toutes aboutir. A peine Colette est-elle auprès de lui, que Lolotte & Fanchette s'y rendent ; & si Thérese veut l'entretenir pendant quelques instans, tout-à-coup les deux veuves surviennent. Ce n'est point vivre, c'est être perpétuellement martyrisé ; aussi le pauvre Pierrot sonffre-t-il mort & passion.
Il s'en ouvre à son parrain, qui est maire du village. Je ne saurois vivre, dit-il, si les filles & les veuves continuent à m'obséder de la sorte ; je mourrai, si je n'obtiens pas la main de Thérese. Le maire prend pitié de son tourment, & forme le projet de le faire finir. A cet effet, il fait, au son du tambour, assembler toutes les filles, & il leur propose, pour terminer à leurs querelles, & fixer leurs prétentions sur Pierrot, de le mettre en lotterie. Mais, dit-il, comme il n'est pas juste que les veuves, qui ont déjà eu un mari, risquent, sans qu'il leur en coûte quelque chose, d'en obtenir un nouveau, qui doit naturellement appartenir aux filles, il faut, pour qu'elles aient la prérogative de participer à la lotterie, qu'elles déposent chacune six cents livres, qui appartiendront à celle qui aura le billet noir & le mari.
A cela ne tiennent, s'écrient les veuves Piquet & Graindorge, qui sont riches, voilà les six cents livres. Les billets sont donc mis dans le chapeau du maire ; chacune prend le sien ;Thérese a l'air de ne pas en vouloir ; Pierrot est dans des transes mortelles. Enfin, comme on s'y attend bien, c'est Thérese qui obtient les douze cents livres & le mari.
L'espiegle Lolotte vient dire alors que ce n'est pas étonnant, puisque Thérese étoit d'intelligence avec le maire. Celui-ci convient du fait. Les veuves sont désolées ; elles veulent reprendre leurs six cents livres, mais on les appaise ; & comme Thérese est leur niece, elles consentent à lui laisser pour dot leurs cinquante louis. Pierrot est au comble du bonheur, & les filles du village dansent, pour se consoler de ne l'avoir pas obtenu.
Parmi les nombreuses actrices qui jouent dans cette piece, on remarque Mlle. Cousin, qui joint à une figure très-agréable, beaucoup d'intelligence, d'intentions, & qui donne lieu de croire qu'elle pourra se distinguer un jour, si elle joint l'amour de son art aux grandes dispositions qu'elle montre.
La Lotterie des filles a beaucoup de traits de ressemblance avec la Fille arbitre, le Coq de village, & sur-tout avec l'Homme en lotterie, jolie piece du répertoire du théatre de la rue Feydeau, où le jeune Montgaultier étoit si sémillant & si agréable. Mais cela n'empêche pas que la Lotterie des femmes ne pût être de mise sur un grand théatre, où il vaudroit mieux le voir que tant d'autres pieces qui ne s'y montrent qu'à la honte des mœurs & du bon goût.
La Fille arbitre est une comédie en trois actes, en prose, de Laffichard et Romagnesi, créée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne le 14 janvier 1737.
Le Coq de village pourrait bien être l'opéra comique en 1 acte de Favart (30 mars 1743, Foire Saint-Germain) : les autres Coq de Village du temps sont des ballets.
César : ce Départ des patriotes, ou la Loterie des filles, d'auteur inconnu, créé le 9 août 1793 au Théâtre de la Gaîté, a eu 31 représentations en 1793, et 41 en 1794 (jusqu'au 13 octobre). soit 72 fois en 15 mois. 6 représentations en 1795, du 22 janvier au 4 avril. André Tissier compte pour sa part 96 représentations (31 en 93, 47 en 94, 18 en 95 (Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2, p. 208). Il nous donne aussi le nom complet de son auteur, Destival de Braban.
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