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Le Dernier des Romains

Le Dernier des Romains, tragédie en 5 actes, par D. R. Prix 1 fr. 65 cent. Paris, Barba, libraire, au Petit-Dunkerque ; Desenne, Palais-Egalité.

Pièce non représentée.

Almanach des Muses 1800

Attribuée faussement à Alix de Lamartine, la mère du poète, elle est l’œuvre de Lyon-François Des Roys (Notice bibliographique de la BNF, Catalogue général).

D'abord publiée chez Barba an 7 [1798-1799], elle a été rééditée avec l'Anti-philosophe dans le recueil des Œuvres dramatiques de ** paru an 8 [1800].

La pièce est précédée d'une préface chargée de justifier le choix du sujet et les choix que l'auteur a fait dans son traitement. En particulier, il s'agit de justifier le nécessaire adoucissement des mœurs des Romains pour les rendre acceptables par les modernes. L'auteur reconnaît avoir modifié le caractère historique des personnages, réel ou supposé.

PRÉFACE.

L'Amour théâtral (1) est une exaltation de tendresse, que les mœurs des Romains ne comportent guère. Leur férocité originelle, entretenue par des institutions toutes guerrières, les rend peu propres à éprouver rien de pareil. L'assujettissement d'un sexe à l'autre, la toute-puissance des pères sur leurs enfans, sont des barrières fatales qui coupent court à tout; et l'étrange loi de l'esclavage achève de pervertir chez eux la nature et de repousser loin de leurs cœurs l'heureux sentiment.

Que ne devons-nous pas aux poëtes sensibles qui savent nous le faire goûter, qui nous élèvent aux régions célestes, par ce même qui nous rapproche le plus de la terre, qui établissent entre les deux sexes un culte mutuel fait pour les soustraire à l'empire trop immédiat des sens, et développer dans nos ames le germe de toutes les affections heureuses ?

N'est-ce pas l'amour qui apprivoisa nos féroces ancêtres, qui rendit nos guerres moins barbares, nos gouvernemens plus humains, et qui a peut-être le plus contribué à la civilisation de l'Europe ? Il n'amollit pas les courages, j'en atteste nos anciens chevaliers. Ce n'est pas pour l'avoir ignoré que les Romains furent braves et magnanimes ; mais c'est pour ne l'avoir pas assez connu qu'ils tombèrent si rapidement de l'austérité dans la dépravation.

Quand ils eurent perdu de vue la charrue, cet heureux préservatif de la vertu des peuples, il ne leur en resta plus d'autre que la guerre. Ils s'étaient mis dans la nécessité de ne pas prendre un instant de relâche, ils n'existaient que pour les combats, ils n'étaient tempérans de plaisir que pour mieux s'énivrer de carnage. Dès que l'univers eut plié et qu'ils cessèrent d'être en presence de l'ennemi, ils n'eurent plus de frein, ils ne s'illustrèrent plus que par leurs excès. Incapables du genre de plaisir que nos théâtres nous offrent, on ne pouvait amuser leur barbare loisir que par du sang. Les gladiateurs étaient leurs spectacles favoris ; l'arène, où l'on faisait dévorer des malheureux par les bêtes, était le lieu de divertissement du peuple de Rome.

Faut-il tant nous blâmer d'avoir d'autres goûts, de connoître d'autres plaisirs?

Le but essentiel du théâtre est de substituer un amusement honnête aux amusemens dangereux, qu'inventerait l'oisiveté des grandes villes. En faire une école d'esprit public, de morale et de bon goût, est une perfection à laquelle il faut tendre : mais. la première, l'indispensable loi de l'art dramatique est de plaire ; l'auteur doit savoir amuser avant d'oser instruire ; c'est un maître à qui son disciple échappe, s'il ne le flatte et ne le caresse sans cesse.

Je ne me dissimule pas la force du reproche qu'on me fait, je sens quelle atteinte c'est porter à ce nom seul de Caton d'en rapprocher le mot d'amour ; je sens combien il est peu séant aux enfans d'un tel père d'être occupés d'affaires de cœur dans la crise la plus fatale à leur patrie ; cela choque le bon sens autant que le bon goût. Mais quoi ! Est-il une seule pièce dont l'action puisse supporter un instant d'examen sérieux ? Quelle est l'inconvenance que la scène n'admette pas, même en France où elle est le plus châtiée ? Le spectateur y souffre tous les jours des choses qui outragent non-seulement la raison, mais l'humanité et la nature, qui n'ont, pour commun sauf-conduit, que la Fable, la production la plus déréglée de l'esprit de l'homme ; il consent qu'on passe toutes les bornes en fait de haine, de jalousie, de vengeance, en fait de tout ce qui est atroce : et vous voulez qu'il soit moins indulgent pour une passion qui ne va jamais sans vertu, pour une passion qui exalte le cœur et modère les sens, pour cette illusion précieuse qui annoblit une moitié du genre humain aux yeux de l'autre, et la dédommage si éminemment de sa foiblesse !

Je conviens, dis-je, que le plan que j'ai adopté pèche gravement contre le caractère historique ou supposable des personnages, et j'avoue de plus qu'il est très-compliqué ; mais la conception en est ingénieuse, il donne lieu à des scènes intéressantes, et je soutiens que tout est bon au théâtre de ce qui peut plaire sans offenser la morale publique.

Que l'on fasse donc trève un instant à des lois trop sévères ; que l'on pardonne à l'auteur un vice de fond et d'origine qui n'est pas de lui ; il restera dans le détail assez de défauts qui lui sont propres. C'est un ouvrier inexpert qui s'est imposé une tâche au-dessus de ses forces, c'est une entreprise reconnue trop tard téméraire. Mais quelles que soient les imperfections que l'on doit nécessairement (2) trouver dans cet ouvrage, ceux qui connoissent la difficulté des choses ne lui refuseront pas quelque mérite.

(1) Lorsque je m'imaginai de m'approprier le Caton anglais, je ne savais pas que Voltaire avait condamne d'avance tout ce qu'on pouvait faire d'après ce modèle, et prononcé que le bon goût s'opposait chez nous à ce l'on souffrît de l'amour dans un sujet aussi sévère. L'autorité d'un si grand maître a prévalu et prévaudra sans doute contre toutes mes raisons : j'en ai pourtant une assez spécieuse et qui va droit à ceux qui s'opposent à ce que j'obtienne les honneurs de la representation. Ils se plaignent, que le mauvais goût domine dans le public d'aujourd'hui ; si ce même mauvais goût domine aussi dans ma pièce, il n'y a pas là de quoi lui ôter l'espoir du succès. Le spectateur, aussi ignorant que l'auteur, ne serait pas plus informé que lui de la décision de Voltaire contre la tragédie d'Adisson, il se laisserait aller à l'intérêt dont elle n'est pas tout-à-fait privée, il se laisserait élever et échauffer l'ame par la vertu de Caton : il admirerait, il connoîtrait, il sentirait le noble amour de la patrie dont elle est pleine, et dont l'autre n'est ici que le passe-port.

(2) Une piéce qui n'a pas été jouée a un désavantage immense. Outre les observations des comédiens qui sont assez bons juges, du moins pour les mots, n'y a que la répétition qui puisse faire sentir à l'auteur l'effet et l'enchaînement des scènes, qui puisse lui faire apercevoir les endroits où le dialogue languit, et rendre frappant ce qu'il peut y avoir de faux dans le langage de la passion.

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