Les Dervis, comédie vaudeville en un acte, de Scribe et Germain Delavigne, 2 septembre 1811.
Théâtre du Vaudeville.
Dervis = derviches : des moines musulmans.
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Titre :
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Dervis (les)
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Genre
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comédie-vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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2 septembre 1811
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Théâtre :
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Théâtre du vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Eugène Scribe et Germain Delavigne
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Almanach des Muses 1812 (qui donne pour titre le Dervis).
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1811, tome V, p. 174 :
Les Dervis, vaudeville en un acte.
Lelio et son valet Arlequin, déguisés en Dervis, enlèvent Isabelle au vieux Taher, cadi de l'endroit. La ruse la plus piquante d'Arlequin est de se déguiser en Pacha, et de faire donner des coups de bâton à Taher. Il y a deux couplets passables dans toute la pièce, dont l'action est lente, et le dialogue insignifiant.
Les auteurs ont gardé l'anonyme : c'est, dit-on, leur coup d'essai.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1811, p. 295-298 :
[Le moins qu’on puisse dire, c’est que le critique commence son article par une digression assez confuse destinée à prouver que le bon peuple de Constantinople est resté bien crédule (mais avait-on besoin pour en arriver là de Mlle. Lenormand, illustre tireuse de cartes ?). Le résumé de l’intrigue transporte le lecteur dans un Orient de pacotille, où Arlequin et son complice Lélio se font devins pour tenter de sauver de l’esclavage la maîtresse de Lélio. Ils y parviennent, bien sûr, mais par des moyens que le critique n’approuve pas. Il s’étonne aussi qu’on renvoie en France des gens qui n’en sont pas originaires : ce scrupule géographique ou géopolitique est un peu surprenant. Le jugement critique porté ensuite est sévère : « « ni beaucoup de gaieté, ni beaucoup d'esprit ; encore moins de connaissance de la scène », mais « force longueurs et force lieux-communs ». Et les couplets ne compensent pas cette pauvreté. Il faut bien chercher pour trouver un couplet passable. L’auteur a donc eu bien raison de « garder l’anonyme ».]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Les Dervis.
Je ne sais si Mlle. Lenormand, qui jouit d'une si belle réputation parmi nos jolies femmes, grace à la perspicacité merveilleuse avec laquelle sa vue pénètre dans l'avenir; je ne sais si cette nouvelle sybille [sic], qui, dit-on , fait, avec tant de succès, le petit jeu pour douze fr., et, plus heureusement encore, le grand jeu pour un louis, trouverait parmi les Turques autant de prosélytes que parmi nos Françaises ; ce qu'il y a de sûr, au moins, c'est que cette philosophie, qui commence à éclairer les Musulmans d'un certain rang, n'a pas encore percé dans les classes subalternes de la société de Constantinople ; on en peut donc conclure que la masse du peuple y est encore grossière, ignorante, facile à tromper, et que des charlatans, des dervis, par exemple, sont tout aussi révérés, aujourd'hui, dans un des faubourgs de Byzance, que leurs prédécesseurs l'étaient dans les déserts de l'Arabie, quelques années après Mahomet : cette présomption, du moins, sert à fonder la vraisemblance de l'intrigue du vaudeville nouveau ; car l'action est établie toute entière sur la crédulité des habitans de Constantinople.
Arlequin et Lélio, tous deux échappés des galères, ou peu s'en faut, endossent l'habit de dervis pour se soustraire aux recherches ; et pour utiliser davantage encore leur déguisement, se mêlent de dire la bonne fortune aux gens du quartier. Les nouveaux devins se font bientôt une éclatante réputation ; c'est à qui viendra les consulter. Les avares, les maris, les femmes, les jeunes filles assiégent le sanctuaire, et chacun s'en va content. Arlequin et Lélio ont la talent de satisfaire tout le monde. Des trésors aux avares, des époux aux jeunes filles, des femmes fidèles aux maris, des amans constans aux femmes, telles sont les prédictions de rigueur au moyen desquelles ils embellissent l'avenir des autres, et rendent pour eux-mêmes le présent fort supportable. Il n'est pas jusqu'à certain cadi, vieillard imbécille, qui ne vienne à son tour mettre les talens des faux dervis à l'épreuve. Mais ici la scène change, et le vieux commissaire mahométan est le seul pour qui l'avenir ne soit pas couleur de rose. On commence par lui ordonner une flagellation, et lorsque cette cérémonie indispensable est accomplie, Arlequin, qui s'est déguisé en pacha, paraît tout-à-coup, et veut faire traîner en prison le cadi épouvanté. On demandera à quoi bon ces moyens violens ? Le voici : le cadi Taher est devenu propriétaire de la charmante Isabelle, maîtresse de Lélio ; il s'agit de recouvrer ce précieux trésor, et Taher se trouve encore trop heureux d'abandonner son esclave pour obtenir sa liberté. Cependant les dervis, qui redoutent, et non sans raison, de donner lieu à des recherches fâcheuses, se disposent à quitter Constantinople pour retourner dans leur patrie, et sur ce, je crois, l'auteur les envoie droit en France. Je ne sais pas précisément quelle est la patrie de Lélio ; mais il n'est pas permis d'ignorer qu'Arlequin est natif de Bergame.
Il n'y a, dans cette prétendue folie-vaudeville, ni beaucoup de gaieté, ni beaucoup d'esprit ; encore moins de connaissance de la scène. Mais en revanche on y trouve force longueurs et force lieux-communs. Les couplets ne dédommagent pas du peu de mérite du dialogue ; cependant, à toute rigueur, on peut citer celui-ci :
La vie est un banquet de fête,
Au genre humain il est donné ;
Mais souvent la mort indiscrète
Arrive avant qu'on n'ait dîné.
Il faut alors, au gré de son caprice,
Que chacun lève le couvert ;
Jouissons donc dès le premier service ;
Qui peut compter sur le dessert ?
L'auteur a voulu garder l'anonyme, et quoiqu'il ait obtenu ce qu'aujourd'hui ses confrères sont convenus d'appeller un succès, il faut plutôt louer sa discrétion que sa modestie.
Dans la Revue britannique, volume de 1865, numéro 3, p. 253, un compte rendu de l'ouvrage de Th. Muret, l'Histoire de France par le théâtre contient des informations sur les auteurs de la pièce, attribuée à Eugène Scribe, dont ce serait la première pièce jouée au Vaudeville (mais il est possible que sa première pive soit le Prétendu par hasard, joué le 13 janvier 1810 au Théâtre des Variétés, sous le pseudonyme d’Antoine, dont il n’a pas reconnu la paternité), et à Germain Delavigne. La pièce aurait été jouée au théâtre du Vaudeville « par la protection de M. Lambert Sainte-Croix, oncle des Delavigne ». Le succès a été plutôt mitigé. Elle figure en tête des Œuvres complètes de Scribe.
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