Le Devoir et la nature ou le Conseil de guerre

Le Devoir et la nature ou le Conseil de guerre, drame en cinq actes et en prose, de Benoit Pelletier-Volméranges, le 31 janvier 1807. ? 16 fructidor an 5 ? = 2 septembre 1797 ou an 6 ?

Théâtre de la Porte Saint-Martin.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Cailleau, an 7 :

Le Devoir et la nature ou le Conseil de guerre, drame en cinq Actes et en Prose ; Représenté avec succès à Paris sur le Théâtre de l'Odéon, le 16 fructidor, de l'an 5. Par le C. Benoit Pelletier-Volméranges.

Loin de moi ces esprits venimeux et mal faits,
Qui n'ont que le talent de trouver tout mauvais.
Si l'on verse des pleurs en lisant mon ouvrage,
Du critique attendri, j'obtiendrai le suffrage.

PERSONNAGES, COSTUMES ET EMPLOIS:

M. DE LUZINCOURT, Gouverneur de l'île. Habit bleu brodé en or, veste et culotte rouges, une écharpe de satin ponceau, chapeau bordé, bottes et éperons.

Premier rôle.

LAUREVAL fils, Colonel d'un régiment des Colonies. Frac bleu, boutons jaunes, épaulettes et dragonne d'or, gilet et culotte de drap blanc, épée d'uniforme, ceinturon noir avec une plaque dorée au milieu, et des bottines.

Jeune premier.

LAUREVAL père, Sous le nom d'Edmond. Habit gris, veste et culotte noires, et des bas gris roulés sur les genoux.

Père noble.

Mme, DE LOSANGES, robe très-riche, Mère noble. coeffure en plumes et des diamans.

Mère noble.

ROSALIDE, belle-fille de Mme, de Losanges. Vêtement très-pauvre.

Jeune première.

LA PIERRE, valet de Laureval fils. Frac écarlatte, veste et culotte jaunes, et chapeau bordé en argent. Au quatrième acte, une veste de postillon, des bottes et un fouet à la main.

Premier comique.

LA FLEUR, domestique de Mme. de Losanges. Grande livrée.

Second comique.

CHARLES, domestique de M. de Luzincourt. Habit vert, veste et culotte rouges.

Annonce.

LE GEOLIER, habit brun, veste verte, culotte brune, une petite perruque noire, et un chapeau à trois cornes.

Financier.

LE FOURRIER, faisant les fonctions de greffier au conseil de guerre. L'uniforme qu'il voudra.

Troisième rôle.

L'AIDE-DE-CAMP, costume anexé à ce grade.

Accessoire décent.

L'OFFICIER, qui conduit les grenadiers dans la prison. Uniforme quelconque

Troisième amoureux.

12 GRENADIERS, l'uniforme de leur officier.

Des militaires instruits.

3 LAQUAIS de Laureval fils. Costumes de la Pierre.

Accessoires.

3 DOMESTIQUES de Mme, de Losanges. Livrée de la Fleur.

Accessoires.

Composition du Conseil de Guerre.

Laureval fils, Président ; trois Capitaines, deux Lieutenans, et un sous-Lieutenant. Tous ces personnages seront représentés par des artistes qui auront la bonté de vouloir bien observer la plus grande tenue dans leur costume. Des figurans ne completteraient pas l'illusion.

La Scène se passe dans une île de l'Amérique, en l'année 1780.

On trouve un résumé de l'intrigue dans la page consacrée à la pièce par la section guillaume Budé d'Orléans

https://www.bude-orleans.org/Theme-Orleanais/Pelletier-Devoir-résumé.html

Comme souvent, la pièce s'achève sur une morale édifiante : «Une mère peut être faible, un enfant peut s'égarer ; mais, dans les belles âmes, le sentiment ne s'éteint jamais et, tôt ou tard, le Devoir et la Nature les rendent à la vertu ». Belle union du devoir, de la nature et de la vertu...

 

Courrier des spectacles, n° 240 du 17[3 septembre 1797], p. 2-4 :

[Le compte rendu de ce qui est bien un drame se limite largement à résumer une intrigue bien compliquée, et dont le critique souligne volontiers le caractère profondément moral. Après avoir suivi minutieusement les aventures de Lorval et de Rosalie, il se contente d'un court jugement sur chaque acte et sur les interprètes. Il a aussi souligné d'emblée le succès de la pièce, et donné le nom de l'auteur.]

Théâtre de l’Odéon.

Un drame en cinq actes, ayant pour titre le Devoir et la Nature, fut donné hier pour la première fois à ce théâtre, et y obtint le plus grand succès. L’auteur a été demandé avec enthousiasme, M. Patrat est venu nommer M. Volmeranges, premier acteur du théâtre de Brest.

Lorval a passé sa jeunesse dans le désordre et dans l'oubli de ses devoirs. Accablé de dettes, poursuivi par ses créanciers, il alloit être conduit en prison, lorsque son père sacrifiant tout pour lui s’est rendu sa caution. Lorval père n’ayant pu lui-même satisfaire aux obligations qu’il avoit contractées pour son coupable fils, s’est vu réduit à la captivité, dont il l’avoit préservé, et à la douleur d’être abandonné de cet enfant dénaturé.

Dix ans se sont passés depuis que Lorval n’a entendus parler de son père. Pendant ce temps ce jeune homme revenu de ses erreurs, a tâché de réparer les torts de sa jeunesse. Arrivé dans une colonie Française, il a su par sa bonne conduite parvenir à un grade élevé dans le militaire, et il vient tout récemment d’être nommé juge et président du conseil de guerre. Au milieu de sa fortune il est déchiré de remords. Déjà il a acquitté toutes ses dettes envers ses créanciers. Il a inutilement cherché à avoir des nouvelles de l’auteur de ses jours ; tout ce qu’il a pu en apprendre, c’est qu’il s’est sauvé de la prison où ses créanciers le tenoient enfermé.

Les torts de Lorval envers son père ne sont pas les seuls tourmens qu’il éprouve, il a aussi des torts envers l'amour, et Rosalie est toujours présente à sa pensée. Cette jeune personne, fille de M. Delosanges, a perdu sa mère en venant au monde, et son père, en mourant, l’a confiée à sa seconde femme, de qui il a eu une autre fille, et a consenti que cette dernière succédât à tous ses biens, si Rosalie venoit à mourir. Mme Delosanges voulant accroître la for tune de son propre enfant aux dépens de celui de son époux, a éloigné Rosalie, en la remettant entre les mains d’un homme à qui elle a donné une somme médiocre qui assurât son existence. Le scélérat qui s’est chargé de cette commission est péri après avoir donné du poison à Rosalie qui, sauvée par le père de Lorval est restée depuis ce temps avec son libérateur.

Mme Delosanges n’entendant plus parler de son complice, croit Rosalie morte, et regarde sa fortune comme acquise à sa fille. Elle veut la marier à Lorval, de qui même elle a une promesse de mariage, avec un dédit de cent mille livres. Elle lui rappelle son engagement, mais Lorval n’hésite pas à payer le montant du dédit, plutôt que d’être infidèle à sa première amante.

Le gouverneur de l’isle vient apprendre à Lorval qu’on a arrêté un vieillard qui est accusé d’avoir reçu chez lui un capitaine d’escadre anglaise qui a levé le plan de la ville, et l’a fait passer à l’amiral anglais qui se dispose à l’assiéger. Ce vieillard est le père de Lorval, qui, sous le nom d’Edmond, habite dans cette isle avec Rosalie depuis trois jours, et qui étant avec elle sur le bord de la mer, a eu le bonheur de sauver la vie au capitaine anglais au moment qu’il la défendoit contre les flots prêts à l’engloutir.

Mme Delosanges reconnoit Rosalie dans l’infortunée compagne d’Edmond, au moment où elle vjent chez le gouverneur pour implorer la grâce de son bienfaiteur. Lorval lui-même voit et reconnoit son amante, et apprend d’elle que c’est son père qu’il va être forcé de juger. L’espoir de pouvoir le sauver par les questions qu'il se propose de lui faire, l’empêche de se récuser pour son juge.

Edmond paroît devant le tribunal présidé par son fils, qu’il ne peut reconnoître, l’âge ayant presque éteint sa vue. Il prend le ciel à témoin de son innocence, mais le gouverneur produit contre lui une lettre écrite par l’amiral anglais au capitaine qui lui a envoyé le plan, et trouvée sur celui qui en étoit porteur, et qui a été arrêté à son retour. Cette lettre porte : « Assurez le viellard [sic] Edmond de ma reconuoissance.   .   .   .   .   .   .   . Si nous sommes vainqueurs, il sera seul épargné. »

Edmond ne pouvant détruire ce témoignage contre lui, est condamné à mort.

Mme Delosanges, après avoir fait d’inutiles efforts pour éloigner Rosalie, afin de conserver à sa fille les biens dont l’arrivée de cette orpheline la prive, après avoir même cherché inutilement à lui persuader que Lorval est infidèle, en lui remettant la promesse de mariage que celui-ci a faite à sa fille, cette barbare belle-mère veut la faire enlever. Rosalie est prête à succomber sous ses ravisseurs, quand ses cris attirent le gouverneur auquel elle se fait connoître. Il fait venir Mme Delosanges, à qui il reproche l’indignité de sa conduite. Celle-ci accablée de honte, et cédant aux remords, consent à rendre tout à Rosalie. Le vertueux gouverneur, satisfait de cette réconciliation se retire, et la tendre orpheline n’oubliant pas son bienfaiteur, engage Mme Delosanges à employer, s’il le faut, la totalité de la fortune qu’elle vient de lui rendre à sauver le malheureux Edmond. Lorval, après avoir rempli le rigoureux devoir d’un juge, n’écoute plus que la nature, et veut délivrer son père, en sacrifiant pour lui ses propres jours. Il gagne le geôlier, et parvient à obtenir de ce dernier de lui laisser prendre la place d’Edmond. Celui-ci est ramené devant son juge, qui se fait bientôt reconnoître pour son fils. Les reproches les plus vifs échappent d’abord à ce père infortuné, mais bientôt leur succèdent des expressions de tendresse. Edmond refuse de fuir et de laisser son fils à sa place, mais il est obligé de céder, et va gagner un vaisseau qui doit favoriser sa fuite.

Lorval, pour mettre le geôlier à l’abri de toutes recherches, l’a persuadé de l’aller dénoncer, comme lui ayant enlevé le prisonnier par force. Sur ce rapport, on procède contre Lorval, il va être condamné. Le gouverneur, auparavant son ami, vient l’accabler de tous les reproches qu’il lui semble mériter. Lorval lui apprend que le condamné est son père. Le gouverneur désabusé, sort pour aller implorer sa grâce devant les juges, en leur apprenant le motif qui l'a fait agir.

Rosalie ignorant la délivrance d’Edmond, vient avec Mme Delosanges, pour gagner le geôlier ; celui-ci leur dit qu’il ne peut répondre à leur désir, et les met au comble de la joie, en leur faisant connoître que ce viellard [sic] est libre, mais elles se livrent bientôt à la plus vive douleur, en apprenant à quel prix il a obtenu sa liberté. Elles veulent en vain l’engager à fuir, le geôlier lui-même se jette à ses pieds ; l’honneur le retient.

Un grand bruit se fait entendre, c’est Edmond qu’on vient réintégrer dans sa prison. Les gardes le maltraitent ; Lorval veut s’opposer à leur violence. La pointe d’un sabre le menace ; Rosalie veut le garantir du coup. Le gouverneur arrive ; Edmond est reconnu innocent. Le capitaine anglais a été arrêté, et a déchargé ce vieillard.

La joie prend la place du désespoir, tous les torts s’oublient, et Lorval va s’unir à Rosalie.

Le premier acte de cette pièce offre une exposition claire, et inspire le plus grand intérêt. La morale s’y déploie naturellement dans la bouche du gouverneur, qui n pour principe, « que lorsqu'une place offre les occasions de faire du bien, y manquer seroit ne pas la remplir  »

Le second acte soutient parfaitement l'intérêt, le gouverneur y fait un tableau vrai, et fait pour effrayer des mariages contractés par intérêt. M.e Delosanges indique pour remède le divorce autorisé par les loix. Il répond : « L'homme sans mœurs abuse des loix ; l'honnête homme les respecte, mais n’en profite pas. »

Le troisième acte nous a paru plus foible.

Le quatrième a des situations fortes.

Le cinquième un peu foible d'abord, se relève et finit assez heureusement. Le style est généralement facile, souvent éloquent. Les pensées ne sont pas toujours justes. Lorval dit en parlant de son père. « Eh ! pour quel autre sacrifierai-je ma vie ? » Il est très possible que l’on sacrifie sa vie pour un autre que pour son père.

Les acteurs ont tous bien joué ; les principaux rôles sont rendus par MM. Dorsan, Patrat, Dugrand ; Mesdames Vazel et Legrand. Le petit rôle de Lapierre, valet de Lorval, a été bien saisi par M. Mayeur.

La base César connaît 13 représentation du Devoir et la nature, à partir du 2 septembre 1797 jusqu'au 19 mars 1798. Toutes ont lieu au Théâtre de l'Odéon, sauf celle du 25 octobre 1797.

Petite difficulté : la deuxième représentation aurait dû avoir lien le 4 septembre, mais Porel et Monval, dans leur Odéon, histoire administrative, anecdotique et littéraire du second Théâtre Français, p. 165-166, signalent que cette représentation a été empêchée par la réquisition de la salle par le Conseil des Cinq-Cents :

Le surlendemain 4, on devait donner la deuxième représentation ; mais à dix heures du matin une réunion du conseil des Cinq-Cents occupe la salle par ordre du Directoire. A huit heures, les membres du conseil s'étaient rendus au lieu ordinaire de leurs séances; ils en avaient trouvé les portes fermées et gardées par la force armée. La partie dévouée au Directoire se réunit dans la salle de l'Odéon, comme la majorité de l'Assemblée constituante s'était ralliée naguère au Jeu de paume de Versailles. La séance, ouverte à dix heures sous la présidence de Lamarque, dura jusqu'à cinq heures et fut reprise à sept heures du soir. Le bureau était à l'avant-scène ; les membres du conseil des Cinq-Cents occupaient l'orchestre; une foule de citoyens, placés là, dit un contemporain, pour applaudir à tout ce qui allait se faire, remplissaient les loges.

L'Odéon fut ce jour-là le théâtre du coup d'État du 18 fructidor. Le conseil y condamna à la déportation les directeurs Barthélemy et Carnot et cinquante-trois députés, dont Boissy-d'Anglas, Portalis, Quatremère-Quincy, Villaret-Joyeuse, Suard, Pichegru, Tronson-Ducoudray, etc.

Les séances continuèrent les quatre jours suivants, et un arrêté du 8 septembre décida que le conseil des Cinq-Cents reprendrait ses séances dans la salle ordinaire du palais des Tuileries.

Il y rentra le lendemain 9, et le théâtre fut rendu aux comédiens, qui ne furent jamais indemnisés de ce préjudice.

Et le préjudice en question a été estimé à 4188 francs pour la seule illumination de la salle.

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