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Le Dîner d'emprunt, ou les Lettres de Carnaval

Le Dîner d'emprunt, ou les Lettres de Carnaval, comédie-vaudeville en un acte, de Pain et Dupin, 9 février 1811.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Le Dîner d'emprunt, ou les Lettres de Carnaval

Genre

comédie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

9 février 1811

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Joseph Pain et Dupin

Almanach des Muses 1812.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Martinet, 1811 :

Le Dîner d'emprunt, ou les lettres de Carnaval, vaudeville en un acte, par MM. Joseph Pain et Henri Dupin, Représenté pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville, le 9 février 1811.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1811, tome III (mars), p. 289-293 :

[Une bonne part du compte rendu est consacrée à appeler les auteurs de vaudeville au respect de la loi qui veut que les personnages doivent employer le langage de leur condition. Et d'appeler à la rescousse Horace, puis Boileau. Tout cela parce qu’un personnage marchand de gâteaux tient dans un couplet des propos dignes « du secrétaire de l'Athénée de son endroit », et pour finir par dire que c’est une peccadille « pardonnable ». Les personnages de la pièce sont, par ailleurs trop peu originaux : « ils ressemblent si fort à tant d'autres originaux dont on a peuplé et dont on peuple encore tous les jours les petites villes ». Ils tombent trop facilement dans tous les pièges qu’on leur tend, et la pièce n’est plus qu’« un salmigondis qui finit, comme à l'ordinaire, par un mariage ». En jouant à fond avec la comparaison gastronomique, le critique insiste sur l’absence d’apport personnel des auteurs (leur pièce est bien « un Diner d’emprunt », et tout le monde sait

« Qu'un dîné réchauffé ne valut jamais rien. »

Le succès a été disputé : c’est sous les sifflets que leurs noms ont été donnés, et déformés en un lapus inquiétant.]

Le Diner d'Emprunt.

Ce qu'il y a peut-être de plus choquant pour les connaisseurs, dans la plupart de nos vaudevilles du jour, c'est le peu d'accord qui règne entre l'état des personnages et le langage qu'on leur prête. Cette première loi que prescrit le bon sens à tout auteur dramatique, est la moins respectée, et les chansonniers surtout se font un devoir de la méconnaître ou de la braver : ils paraissent intimement convaincus que ce n'est pas pour eux qu'Horace a donné ce précepte fondé sur la raison et sur la nature :

Intererit multum, Davusne loquatur, an heros, etc.

Et franchement je pense comme eux qu'Horace s'occupait fort peu des desservans de la chapelle du Vaudeville ; mais je pense aussi que ces messieurs ne pourraient que gagner beaucoup à s'occuper un peu plus d'Horace. D'ailleurs, le législateur du Parnasse français, qui devrait être pour eux une autorité encore plus respectable, puisqu'il a daigné dicter des lois au léger vaudeville, le judicieux Boileau n'a-t-il pas dit le plus clairement du monde :

Il faut, même en chansons , du bon sens et de l'art ?

Cela est positif : mais on n'en traite pas moins Horace et Boileau comme deux radoteurs ; peut-être même ne leur fait-on pas l'honneur de les lire ; et nos modernes troubadours ne doutent pas, j'en suis sûr, qu'une épigramme ou même une fadeur enchâssée dans un couplet ne vaille mieux que toutes les leçons des deux arts poétiques. Aussi voyons-nous chaque jour une foule de gens qui, par état, sont condamnés à ignorer presque tout, se permettre de traiter toutes sortes de sujets, et disserter à perte de vue sur des choses dont il n'est même pas probable qu'ils aient jamais entendu le nom. Le valet parle de poésie ; la soubrette se perd dans les abstractions de la métaphysique ; le rustre critique le ton de la bonne compagnie, et il n'est pas jusqu'au niais qui ne s'avise de tirer à bout portant sur l'académie. Tout cela n'est pas fort naturel sans doute ; la vraisemblance n'y trouve pas son compte ; mais qu'importe la vraisemblance ? Ce sont des applaudissemens qu'il faut ; et je dois reconnaître, à la justification de nos faiseurs de couplets, que c'est une denrée qui ne leur manque guères. Ces réflexions, un peu sérieuses peut-être, à propos d'une pièce de carnaval, m'ont été inspirées par un certain marchand de gâteaux de Pithiviers, passablement sot de son métier, et qui ne s'en permet pas moins de chanter, dans la pièce nouvelle, un couplet sur la nouveauté, qui serait beaucoup mieux placé sans doute dans la bouche du secrétaire de l'Athénée de son endroit. Je ne suis pas bien sûr que le couplet soit bon ; mais, ce qu'il y a de certain, c'est que le marchand de gâteaux aurait dû se contenter de mettre de la fraîcheur dans sa marchandise, sans en mettre encore dans ses propos. Au reste, si le désir de faire de l'esprit a emporté les auteurs un peu trop loin dans cette circonstance, il faut convenir que la peccadille est d'autant plus pardonnable, qu'ils se sont amplement amendés dans le reste de leur ouvrage. On sait déjà que la scène est à Pithiviers ; mais ceux qui ne connaissent cette ville que par l'excellence de ses pâtés et de ses gâteaux d'amandes, ne seront pas fâchés d'apprendre que les habitans de cette ville, fameuse dans les annales de la gastronomie, valent, pour le moins, les productions de leur industrie. Il est fâcheux seulement qu'ils ressemblent si fort à tant d'autres originaux dont on a peuplé et dont on peuple encore tous les jours les petites villes. Ces espèces de caricatures commencent à perdre leur sel à force de se multiplier ; et les auteurs du Dîner d'Emprunt ne se sont pas donnés beaucoup de peine pour le rajeunir. Un notaire avare, un mauvais poëte, une Nina-Vernon, qui ne rappelle sa patrone que par le costume ; un fat de province, un merveilleux de la capitale, tels sont les différens personnages que l'on s'amuse à mystifier sur la place publique de Pithiviers. Comme tous ces braves gens sont de la meilleure composition, il n'est pas nécessaire de faire jouer des fils bien déliés pour les faire donner dans tous les panneaux qu'on se plaît à leur tendre. Les ruses les plus grossières, les moyens les plus rebattus ont paru de bonne prise aux auteurs, et ils ont fait de tout cela un salmigondis qui finit, comme à l'ordinaire, par un mariage. Il n'y a de bien pensé, dans cet ouvrage, que le titre ; c'est bien véritablement un Dîner d'Emprunt ; et si les ordonnateurs du festin n'avaient eu recours aux provisions de leurs connaissances, ils auraient couru grand risque de mourir de faim. Mais on sait aussi quel est le sort de ces plats servis deux fois, et l'on peut appliquer, surtout en cette occasion, le fameux axiôme :

                         Souvenez vous bien
Qu'un dîné réchauffé ne valut jamais rien.

Cependant on a demandé les auteurs ; et malgré le son aigu de quelques vigoureux sifflets, un acteur a nommé MM. Dupin et Henry Dupin. Quelque mauvais plaisant n'aura pas manqué sans doute une si belle occasion de faire un brillant calembourg.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome I, 404-405 :

[Le compte rendu est pour l’essentiel consacré au résumé d’une intrigue plutôt convenue, et le critique se contente de noter son succès, « grâce au Carnaval » et malgré « quelques longueurs » qui déparent « cette bluette ».]

Les Lettres de Carnaval, ou le Dîner d'emprunt, vaudeville en un acte, joué le 9 février.

La scène est à Pithiviers ; Auguste, clerc de notaire, et Saint-Firmin, jeune médecin, forment le projet de mystifier les originaux de leur petite ville : M. Capon, notaire, M. Lecoq, petit maître ridicule, M. Miolan, maître de musique de la cathédrale et auteur d'un grand opéra qu'il a envoyé à l'Académie Impériale de Musique. Des lettres leur sont remises. Elles persuadent à Miolan que son opéra est reçu, à Lecoq qu'il hérite d'un riche parent ; ces deux nouvelles mettent tout Pithiviers en mouvement : Lecoq veut acheter une terre que Capon est chargé de vendre, et se promet d'épouser Joséphine, nièce du notaire, quoique depuis longtemps il ait fait une promesse de mariage à Mademoiselle de Morterose. Capon, qui croit gagner de l'argent, invite beaucoup de monde à dîner. Sur ces entrefaites, M. Granville, le propriétaire de la terre en question, arrive de Paris ; Saint-Firmin fait accroire à ce fat que Capon est sourd, et persuade à Capon que Granville a la même infirmité. Il en résulte, entre les deux prétendus sourds, une scène assez gaie, Auguste et Firmin rient de l'esclandre dont on ignore qu'ils sont les auteurs. De son côté, Capon se réjouit ; il va faire uu contrat de mariage et un contrat de vente : il voit arriver ses convives qui apportent différens mets pour le repas. Lorsque tons ces personnages ridicules sont rassemblés, de nouvelles lettres arrivent et les désabusent. Auguste épouse Joséphine, Mademoiselle de Morterose devient Madame Lecoq. Les mystifiés, qui sont fort bonnes gens, oublient le tour qu'on leur a joué et vont se mettre à table.

Cette bluette a réussi, grâce au Carnaval, quoique l'on y ait remarqué quelques longueurs. Elle est de MM. PAIN et Henri DUPIN.

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