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Le Double divorce ou le Bienfait de la loi

Le Double divorce ou le Bienfait de la loi, comédie en un acte, en vers , de Forgeot, 5 vendémiaire de l'an trois [26 septembre 1794].

Théâtre de la rue Feydeau, ou des Comédiens françois

Titre :

Double divorce (le), ou le Bienfait de la loi

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

5 vendémiaire an 3 [26 septembre 1794]

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau, ou des Comédiens françois

Auteur(s) des paroles :

Forgeot

Almanach des Muses 1796.

Effort de générosité assez extraordinaire ; une femme se sépare d'un jeune époux qu'elle aime, pour l'unir à une autre femme dont elle le sait épris.

Scènes bien liées entre elles et qui naissent les unes des autres. Style pur et naturel : de l'esprit.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Prault, an 3 :

Le double divorce, ou le bienfait de la loi, comédie en un acte et en vers, Représentée pour la première fois sur le théâtre de l'Egalité, fauxbourg Germain, le 5 Vendemiaire, l'an IIIeme de la République. Par Forgeot.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 10 (octobre 1794), p. 282-284 :

[Pièce issue de l’instauration du divorce, elle en présente une application étonnante que ce double divorce qui pourrait aboutir sur un double remariage. Le critique n’y trouve pas à redire : la pièce a mérité son succès, en raison de ses qualités : l’ouvrage est « écrit avec infiniment d’esprit, de graces & de délicatesse : il offre un intérêt doux & nouveau », le critique s’émerveille de la générosité de Lucinde. Certes, il souhaite que l’auteur accourcisse une scène où un des personnages « frise un peu le bas comique », ce qui ne peut pas être accepté « dans une piece écrite d'un si bon ton » ; le public ne s’y est d‘ailleurs pas trompé. La fin du compte rendu est consacrée à vanter l’interprétation par les quatre principaux acteurs, et au triomphe de l’auteur.]

THÉATRE DE L'ÉGALITÉ, SECTION MARAT.

Le Bienfait de la loi, ou le double Divorce, comédie en- un acte.

Dorlis & Cécile s'aimoient ; mais un pere intéressé ayant uni Cécile au vieillard Belmont, à cause des grands biens dé ce dernier, Dorlis a trouvé des consolations dans l'hymen de Lucinde, femme de 50 ans, aimable encore, & remplie de délicatesse. Cependant le pere de Cécile étant mort, Belmant, qui a 60 ans, a senti la disproportion de son âge avec celui d'une jeune femme de 16 ans, dont il a toujours été plutôt le pere que l'époux : Belmant a formé le projet de divorcer ; & de son côté, Lucinde, pour rendre la liberté à son jeune époux. dont elle a deviné l'amour secret, a recours au même moyen. Il est décidé que Lucinde épousera Belmont. Ce dernier paroit avare, intéressé ; Lucinde l'attend à une certaine clause de son contrat, pour le juger & se dédire, s'il ne l'épouse que pour ses grands biens. Cependant Dorlis, qui ignore les desseins généreux de son épouse, va partir ce jour même pour défendre sa patrie : il lui fait ses adieux dès ce moment. Lucinde l'engage à différer jusqu'au lendemain, & se sert de Cécile pour donner plus de poids à sa priere. Lucinde encourage les deux amans, & jouit de leur embarras. Le moment décisif arrive : Dorlis-apprend que le divorce va rendre aussi la liberté à sa chere Cécile ; mais Belmont veut tout rompre : il a vu, dans le contrat qui le notaire de Lucinde vient de dresser, que cette femme généreuse donnoit la moitié de son bien à Dorlis: Belmont veut avoir tout, ou préfere ne point divorcer avec sa jeune épouse : les denx amans sont consternés ; mais Lucinde arrive de la municipalité, où .elle a pressé cette affaire. Les deux divorces viennent d'être prononcés.... Belmont ne peut plus s'en dédire. Lucinde ajourne son mariage avec lui, & unit Dorlis à Cécile, en dotant cette derniere de l'autre moitié de son bien, qu'elle n'a point donnée à Dorlis : elle engage ensuite cet heureux amant à voler aus frontieres pour défendre la république, afin de revenir vainqueur auprès de sa jeune épouse. Voilà le François, lui dit-elle :

C'est quand il a vaincu qu'il pense. à son bonheur.

Tel est le fonds de cette comédie, qu'on a donnée sur ce théatre, avec un succès mérité. Ce charmant ouvrage est écrit avec infiniment d’esprit, de graces & de délicatesse : il offre un intérêt doux & nouveau ; car rien n'est moins commun que de voir une femme se séparer d'un jeune époux qu'elle aime, pour l’unir a une autre femme dont elle le sait épris. Ce sacrifice, les soins qu'elle apporte pour que sa rivale jouisse du bienfait de la loi, comme son époux : les tête-à-têtes enfin, les tendres explications qu'elle ménage à ces deux amans, tout cela est d’une femme bien généreuse & bien rare !.... Nous engageons l'auteur à raccourcir beaucoup la scene de Belmont avec Cécile & Dorlis : ce personnage y frise un peu le bas comique ; &, dans une piece écrite d'un si bon ton, il ne faut laisser aucune tache. Le silence du public, à cette scene, l'aura d’ailleurs averti du conseil que nous lui donnons.

Cet ouvrage aimable est joué avec la haute supériorité de talens qu'on connoît à la citoyenne Contat,, qui met un caractere piquant de franchise & de bonté dans le rôle de Lucinde; au citoyen Benard Fleury, interessant & délicat dans le rôle de Dorlis ; au citoyen Albony-Dazincourt, plaisant & vrai dans, celui de Belmont ; enfin á la citoyenne Lange, qui joue Cécile arec une grace & une sensibilité touchante. Le public, que la perfection du jeu de ces quatre artistes ayoit monté au plus juste enthousiasme, a demandé l'auteur de cette jolie comédie,.le citoyen Benard Fleury est venu nommer le citoyen Forgeot, auteur des Dettes, des Rivaux amis, des Epreuves, &c.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 11 (novembre 1794), p. 236-237 :

[Un mois après une première critique, une deuxième, moins étendue, et qui insiste surtout sur « les avantages de cette sage institution » qu’est le divorce. L’intrigue est résumée très vite, avant que quelques lignes soient consacrées aux acteurs (remarquables) et à l’auteur.]

THÉATRE DE L'ÉGALITÉ.

Le double Divorce, comédie en un acte.

Tant que le mariage fut un lien indissoluble, l'intérêt & l'avarice dûrent former, & formerent en effet, les unions les plus mal assorties, sans craindre de les voir jamais rompues. L'amour, ce sentiment trop délicat pour esclavage, & qui tire de sa liberté le motif essentiel de son existence, dût souvent fuir un état où il devenoit un devoir ; & les loix, dont le but sembloit être le bonheur des époux, furent le plus souvent la cause de leur désunion & de leur malheur.

Le divorce a détruit tous ces maux dans leur source, en assurant aux époux le pouvoir de se quitter ; il sait de chaque instant de leur union la preuve de leur amour réciproque, & la liberté qu'ils ont de se séparer est pour eux une raison d'être toujours unis.

On voit assez, par le titre du double Divorce, comédie en un acte, donnée sur ce théatre, que le but de l’auteur a été de faire sentir les avantages de cette sage institution : les principes qui en sont la base, y sont exprimés avec force; des vers heureux, un dialogue facile & saillant assurent à cette piece un succès distingué.

Dorlis & Lucinde, qui s'aiment dès leur plus tendre enfance, ont contracté l'un & l'autre un mariage mal assorti, & que l'intérêt de leurs parens a dicté ; heureusement Dorlis a épousé une femme vertueuse, qui s'apperçoit de son amour pour Lucinde, & qui, préférant son bonheur au plaisir imparfait de posséder un époux qu'elle aime, sans en être aimée, forme le sage projet d'effectuer un double divorce, qui rende aux deux amans la liberté de s'aimer sans crime ; malgré la passìon que Lucinde a inspirée à son vieil époux, ce double divorce est heureusement exécuté, & les deux jeunes gens libres sont unis par un heureux mariage.

Le rôle de l'épouse de Dorlis est parfaitement rendu par la cit. Contat ; le talent si connu de cette actrice inestimable nous dispense d'en faire l'éloge ; les cit. Fleury & Dazincourt, & la cit. Lange, qui jouent aussi dans cette piece, ont été accueillis par les plus vifs applaudissemens.

On a demandé l’auteur : le cit. Fleury est venu nommer le cit. Forgeot, auteur des Dettes.

(Journal de Paris.)

L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-quatrième année, tome II (Mars & Avril 1795, Ventose & Germinal an 3), p. 184-186 :

[Nouvel article consacré au Double Divorce, à l’occasion de la publication de la brochure, ce qui permet au critique de citer abondamment la pièce. Occasion de citer de beaux vers, tout en regrettant une fâcheuse tendance à la généralisation (abusive) dans les sortes de sentences dont la pièce est riche. La pièce est jugée bien construite, dans le respect de l’unité d’action telle que Boileau l'a prescrite. Une dernière citation permet d’apprécier l’opinion de l’auteur sur le mariage républicain, qui « doit être heureux », et sur le divorce, qu’une meilleure manière de convoler devrait rendre inutile.]

Le double Divorce, ou le bienfait de la Loi, comédie en un acte & en vers; par Forgeot. Paris, chez Prault., imprimeur, quai des aurgustins , n°. 44.

Cet acte est un des plus agréables que nous avons au théatre. C'est une comédie véritablement françoise : l'urbanité s'y trouve jointe an patriotisme, & la gaieté y embellit la morale. Le sujet s'explique clairement ; l'intrigue est simple, & se résout d'elle- même ; quatre personnages occupent la scene. Tous sont nécessaires à l'action ; ils ne font rien, ils ne disent rien qui ne s'y rapporte ; & ce qu'ils disent, ce qu'ils font, convient toujours à leur caractere ; le style est aussi pur, aussi élégant que le dialogue est facile & naturel. Il y a dans la piece plusieurs de ces vers heureux qu'il est impossible de ne pas retenir, dès qu'on les a entendus, & qui, chaque fois qu'on les entend, ont le charme de la nouveauté. On peut cependant faire un reproche à l'auteur. C'est de généraliser trop souvent les pensées, & de mettre en maxime ce qui devroit être en sentiment. D'ailleurs ces sentences ont presque toutes la même forme : nous ne citerons que celles des deux premieres scenes.

Plus on est riche, & moins on obtient de retour :
On peut bien acheter les soins, mais non l'amour.

Souvent plus on est riche, & plus on aime l'or.

Quoiqu'on ait cinquante ans, ce train n'a rien qui plaise,
Et l'on prend un mari pour le voir à son aise.

Dans l'âge des plaisirs il faut que l'on s'amuse.

On ne peut pas guérir les maux que l'on ignore.

Le vieux Belmon craint d'être regretté de sa jeune épouse, avec laquelle il est sur le point de divorcer. Lucinde le rassure, en lui rappellant son âge. Elle ajoute :

On remercieroit presque un vieillard infidele.

Dorlis, à qui l'on demande sous quel prétexte il part pour l'armée, répond :

On n'en a pas besoin pour servir fa patrie.

Le même personnage s'étonne que Cécile qu'il aime, évite sans cesse sa présence. Lucinde lui dit :

On ne hait pas toujours ceux qu'on veut éviter.

Ce vers est une imitation de celui d'Hippolyte dans Racine,

Si je la haïssois, je ne la fuirois pas.

Il est inutile d'en faire sentir la différence.

Pour donner au lecteur une juste idée du double Divorce, il faudroit lui mettre sous les yeux des scenes entieres Mais elles naissent toutes les unes des autres, & sont tellement liées entre elles, qu'il n'y en a pas une feule qui puise être isolée, & qu'il ne fût même difficile de bien entendre, sans voir ce qui précede, & celle qui la suit. Cet enchaînement de toutes les parties de l'ouvrage n'en est pas un des moindres mérites ; & l'on sait combien il est rare aujourd'hui. La plupart de nos poëtes dramatiques abondent en morceaux ; mais ils s'embarrassent peu de ces préceptes de Boileau :

Que l'action, marchant où la raison la guide,
Ne se perde jamais dans une scene vuide.
Que jamais du sujet le discours s'écartant,
N'aille chercher trop loin quelque mot éclatant.

De ce tout, que l'art de Forgeot a su former de pieces heureusement assorties, on ne pourrait détacher qu'une tirade de neuf vers. Nous allons la citer, parce qu'elle fera connoître les principes de l'auteur relativement au divorce.

Le divorce est le droit de sortir d'esclavage.
Chez les républicains l'hymen doit être heureux.
L'amour & la vertu doivent choisir pour eux.
Bientôt tous les époux le sentiront sans doute.
Alors du vrai bonheur nous connoîtrons la route.
Notre félicité naîtra de notre choix.
Nous la mériterons pour conserver nos droits.
Par ses propres bienfaits la loi sera sans force,
Et nous ignorerons jusqu’au nom du divorce.

Dans la base César : 11 représentations, du 26 septembre 1794 au 25 février 1795.

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