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Les Décemvirs

Les Décemvirs, drame héroïque en 5 actes en prose, par M. Sanchamau, non représenté, an 3 [1794].

Le nom de l’auteur est parfois écrit « Sanchaman ».

Titre :

Décemvirs (les)

Genre

drame héroïque

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

non représenté ?

Théâtre :

non représenté ?

Auteur(s) des paroles :

Sanchamau

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez l’auteur :

Les décemvirs, drame héroïque, en cinq actes, Par Sanchamau.

La brochure est lisible sur le site Gallica de la BNF.

Le texte de la pièce est précédé d'une longue dédicace :

[Il s'agit de rendre hommage à ceux que Sanchamau considère comme les victimes de la Terreur – les Décemvirs...]

AUX MÂNES DES

INNOCENTES VICTIMES

DES MODERNES DÉCEMVIRS,

L'horizon de la France est un peu moins sombre ; la philosophie sociale s'efforce de déchirer le crêpe funèbre dont le farouche vandalisme a long-tems couvert le génie des arts ; et la terreur, sœur des Euménides, ne fait plus retentir nos cités de ses cris sinistres; il est permis enfin à l'être pensant et sensible, d'arroser de pleurs et d'orner de rameaux de cyprès les tombeaux des hommes célèbres que les modernes Décemvirs ont sacrifiés à leurs passions désordonnées. Mânes des victimes innocentes de ces atroces gouvernans, recevez l'expression sincère du vif intérêt que vous m'avez inspiré.

Tu te présentes d^abord a mon souvenir, étonnant Vergniaud, homme franc et candide, dont l'éloquence foudroyante ne cédait en rien aux talens oratoires de Démosthène et de Périclès,

Savant Condorcet les amis des sciences et de la vertu n'oublieront jamais que dans le tems même de ta proscription, tu cultivais paisiblement, dans l'azile de l'amitié, les champs de la littérature et de la philosophie, et que le seul acte de vengeance que tu méditais contre tes ennemis, était de faire naître le bonheur dans la société qu'ils désolaient par leurs principes anarchiques.

Austère Rolland, ta passion dominante était, j'aime à le croire, l'amour de la gloire, le désir de l'estime des gens de bien : tu avais des intentions louables ; mais tu n'as pas observé avec assez de perspicacité la phalange menaçante des désorganisateurs ; tu n'as pas su analyser leur affreux caractère ; tu leur as donné le tems de miner le terrein sur lequel tu t'amusais à rédiger des proclamations morales; et tu as péri victime de ton inaptitude en administration (1).

Femme Rolland, la sérénité constante que tu as fait paraître au milieu des ouragans de l'infortune, était digne des grands hommes dont tu admirais les actions, dans les écrits du bon Plutarque.

Camille Desmoulins, le courage avec lequel tu as brûlé de l'encens sur l'autel de la Clémence, dans un tems où les haines dégoûtantes de sang, avaient aboli le culte de cette Déesse, est digne du plus grand éloge ; et c'est avec beaucoup de peine que mon souvenir s'arrête sur les erreurs qui ont échappé à ton effervescente jeunesse durant les premières scènes du drame révolutionnaire.

Infortuné Bailly, dont l'existence était si paisible, lorsque tu ne voyageais sur les ailes de la pensée que dans les vastes contrées de l'espace, et que tes hommages ne s'adressaient qu'à la sublime Uranie, tu as payé bien cher l'honneur de l'écharpe tricolore ; une tourbe délirante t'a fait boire le calice de la douleur jusqu'à la lie ; mais j'ôse le dire, tu n'étais pas un être malfaisant ; tu es mort comme Phocion, et tu n'étais pas étranger à ses vertus.

On doit aussi graver ton nom sur le char de la Renommée, honnête Malesherbes, condamné par les suppôts des furies, pour avoir été le défenseur officieux d'un homme dont le plus grand tort, peut-être, était d'exercer un métier pour lequel il n'était nullement propre (2).

Les amis des arts te regretteront long-tems, savant Lavoisier, qui ne demandais
aux prescripteurs que trois jours d'existence, pour avoir le tems de terminer des expériences chimiques, qui t'annonçaient un résultat utile à ton pays (3). Ton sort rappelle celui du Romain Quintus Aureilius, qui, sous la dictature de Sylla , apperçevant son nom sur la liste des proscrits, s'écria : c'est ma maison d Albe qui me fait mourir.

Intéressante Cécile Renaud, toi dont l'amabilité aurait fait le bonheur d'un honnête patriote, la véritable cause de ton dévoûment n'est pas facile à dévoiler ; mais tout français admire la hardiesse du reproche que tu as adressé au chef des Décemvirs, lors même qu'il se trouvait à l'apogée de sa puissance.

Jeune Ducos doué d'un talent précoce, et qui n'as paru qu'un moment sur l'horizon du monde politique, comme un léger météore dans l'athmosphère ; Thouret homme d'un mérite rare et d'une profonde dialectique ; Phélippeaux, qui as été sacrifié pour avoir eu le courage de signaler les hommes perfides qui se fesaient; un jeu d'entretenir le feu de la guerre civile dans la Vendée, et qui as bravé le crime, paré du plumet de juge, et lançant sur ses victimes des sarcasmes et des arrêts de mort ; et vous tous hommes intéressans, sous le double rapport des talens et des vertus, qui avez été immolés par les compagnons des Furies, et que les bornes de cet écrit ne me permettent pas de nommer ; les bons français se font un devoir de parer de guirlandes vos tombeaux. Puisse la douce consolation entrer dans le sein de vos familles.

Je crois vous voir dans les Champs-Élisées conversant ensemble sur les destinées de la République ; je crois entendre Condorcet, adressant ces mots à l'Aréopage français,

» Que faites vous, mes anciens Collègues ? Hatez-vous d'entrer dans le port. Ne voyez-vous pas que le vaisseau de la République fait eau de toutes parts ? Que des moyens efficaces de police publique compriment les haines séditieuses dans vos cités. Que l'harmonie sociale, semblable à la divine Astrée, paraisse enfin sur votre territoire.

» La paix est nécessaire à l'Europe : faites tout ce qui est raisonnablement en votre pouvoir, pour jouir de ses bienfaits réparateurs. Il ne suffit pas que vos institutions soient sanctionnées par la froide raison ; il faut qu'elles captivent le sentiment.

» Les Législateurs célèbres de l'antiquité, pour rendre leurs institutions plus durables, en les étayant du respect public, se disaient inspirés des Dieux, Licurgue recevait ses décrets de l'Oracle de Delphes, Numa de la Nimphe Égérie. Pour vous, mes anciens Collègues, la Divinîté qui doit vous concilier le respect dans vos travaux, c'est la sagesse dans les délibérations. Votre code est beaucoup trop volumineux : souvenez-vous que le grand nombre et l'incohérence des loix, sont le signe infaillible de la faiblesse d'un gouvernement. »

Tel est le discours que je crois entendre de la bouche de Condorcet, au milieu des ombres des victimes des modernes Décemvirs.

Mânes illustres, c'est à vous que je dédie le tableau dramatique des Décemvirs de Rome. Ces anciens tyrans ont un grand nombre de traits de ressemblance avec vos proscripteurs. Comme eux, les Décemvirs de Rome établirent un gouvernement provisoire, et se couvrirent du masque populaire, pour arriver plus sûrement à la puissance illimitée. Puisse le souvenir de vos malheurs, et le tableau que je présente, contribuer à l'affermissement des vertus sociales, et inspirer aux peuples la prudence qu'il est nécessaire d'employer dans la répartition des pouvoirs !

(1) Lorsque des hommes éclairés parlaient à Rolland des progrès alarmant du parti anarchiste, et l'invitaient à prendre les mesures nécessaires : « Laissez faire, répondaït-« il, la masse du peuple est bonne ; les principes triompheront d'eux-mêmes ».

Cette insouciance philosophique a été bien funeste à la France !.,.

(2) Louis XVI n'entendait nullement le métier de Roi. Si, à la place de Louis XVI, le célèbre Frédéric ou Joseph II, avaient tenu le sceptre de la Monarchie Française, croyez-vous qu'ils auraient eu le sort du dernier Roi des Français ?....

(3) Le lecteur se souvient, sans doute, de cette réponse du Président des juges assassins : La France n'a plus besoin de Chimistes.

_______________________________

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

Pourquoi ne faites-vous pas jouer vos Décemvirs, me disent plusieurs personnes ? J'observe à ce sujet que cette pièce a été présentée à une célèbre Tragédienne, qui m'a dit, après l'avoir lue, qu'on, s'empresserait de la jouer, dès qu'elle serait en vers. Comme j'ai la conviction que lorsqu'un ouvrage a été conçu en prose, on le détériore en le mettant en vers ; comme ma manière d'être ne me porte nullement à chercher à vaincre la difficulté que l'on m'a opposée, j'ai fait imprimer cette pièce, me souciant fort peu de l'honneur de la représentation.

Cette production, au reste, si l'on excepte le fonds du sujet puisé dans l'histoire, n'a rien de commun avec les ouvrages dramatiques, relatifs à la chute des Décemvirs, qui ont paru jusqu'ici. Mes vœux seront remplis, si cette production, en fécondant le domaine de la morale publique, échauffe le coeur de l'amant de la liberté, et fait verser une larme à la beauté sensible.

Liste des personnages :

ACTEURS.

VIRGINIUS, citoyen Romain.

VIRGINIE, fille de Virginius.

ICILIUS, ancien Tribun du peuple, amant de Virginie.

APIUS, chef du collége Décemviral.

NUMITOR, oncle de Virginie.

CLAUDIUS, client d'Apius.

Les Décemvirs.

Un Courtisan d'Apius.

Licteurs.

Citoyens Romains.

La scène se passe à Rome.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 1e année, 1795, tome IV, p. 432 :

[Compte rendu d’une pièce publiée, mais non représentée. Critique assez sévère : la comparaison d’un drame en prose avec une tragédie en vers tourne au désavantage du drame, d’autant que l’auteur connaît mal la société romaine et qu’il fait « parler ses interlocuteurs comme des personnages modernes » (anachronisme inacceptable !).]

Les Décemvirs , drame héroïque, en cinq actes, par SANCHAMAN. Paris, chez l'auteur, rue Jacques n.° 627, vis-à-vis le collége de l'Egalité, An III de la république. Prix, 10 liv. pour Paris, 13 l. 10 sols pour les départemens, franc de port.

Tout le monde connoît l'histoire de Virginie, qui fait le sujet de cette pièce : le citoyen Laharpe en a composée [sic] une tragédie en vers, qu'il est difficile d'effacer par un drame en prose. Nous croyons que l'auteur, avant de traiter un sujet de l'histoire romaine, auroit dû acquérir une connoissance plus approfondie des mœurs et des usages des Romains, et ne pas faire parler ses interlocuteurs comme des personnages modernes.

E. Jauffret, le Théâtre révolutionnaire (1789-1799) (Paris, 1869), p. 338-339 :

Le drame de Sanchamau, les Décemvirs, est encore une de ces pièces, dont le sujet n'était qu'un prétexte. La scène était à Rome, la pensée à Paris. L'application du décemvirat ancien au décemvirat moderne est souvent si littérale qu'on oublie et Virginie et Appius, pour ne voir que Robespierre et son affreux tribunal.

Il serait inutile, d'après cela, d'entrer dans le développement de la pièce. Nous en connaissons l'esprit comme nous connaissons l'intention de l'auteur.

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