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Les deux Edmon[d]

Les Deux Edmon, comédie-vaudeville en 2 actes, de Barré, Radet et Desfontaines, 18 avril 1811.

Théâtre du Vaudeville.

Ou les Deux Edmon[d].

Titre :

Deux Edmon (les)

Genre

comédie-vaudeville

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

18 avril 1811

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet et Desfontaines

Almanach des Muses 1812 (qui donne la date du 13 avril, au lieu du 18 donné par la brochure).

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1811 :

Les deux Edmon, comédie en deux actes et en prose, mêlée de vaudevilles ; Par MM. Barré, Radet et Desfontaines ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 18 avril 1811.

La date donnée par la brochure est confirmée par le Journal de Paris qui annonce la première représentation dans son numéro du 18 avril.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, seconde édition, tome sixième (Paris, 1825), p. 44-46 :

[Article du 21 avril 1811.

Geoffroy, pour une fois, ne boude pas son plaisir (et celui du public) : il raconte la pièce avec précision, sans critiquer le caractère conventionnel d’une intrigue reposant sur le déguisement (encore une fois). Son jugement, exprimé ensuite, est positif : si la pièce est romanesque (ce n’est sans doute pas un compliment), c’est qu’elle adapte au théâtre un roman, elle n’en est pas moins riche de qualités : « elle est conduite avec art, dialoguée avec gaîté », et le couplets sont remarquables (Geoffroy souligne qu’ils valent mieux que l’habituel compliment d’être spirituels) : « il y a du naturel, du comique, de bonnes scènes ». La revue des acteurs, tous jugés très bons, permet aussi la revue des personnages, bien dessinés. La couronne d’éloges s’achève par le vaudeville final qui « a paru faire encore plus de plaisir que la pièce ».]

LES DEUX EDMON.

Tout roule sur le déguisement du comte de Saint-Elme, jeune colonel. Le déguisement a un double motif;: affaire d'honneur, affaire de cœur ; un duel et une passion. Le colonel se déguise en soldat ; il se retire dans une terre dont il vient d'hériter, et où il n'est pas connu ; il s'y cache chez le fermier du château. Le bon fermier a un neveu soldat qu'il n'a jamais vu ; il consent que l'inconnu reste dans sa ferme sous le nom de ce neveu qui s'appelle Edmon : c'est un petit roman. Le fermier, jaloux de son naturel, ne tarde pas à se repentir de s'être donné un neveu si bien tourné ; la tante, qui a du goût, prodigue à ce neveu de nouvelle fabrique des caresses qu'on ne peut pas mettre toutes sur le compte de la parenté. La jalousie du fermier a tort : le faux Edmon est amoureux, mais ce n'est pas de la fermière. Il y a dans le pays une veuve ruinée, mais dont le mari était un militaire distingué : elle a une fille charmante qui s'appelle Clara. Le jeune colonel en est épris; mais il rougirait de devoir à sa fortune le succès de son amour ; il veut se faire aimer comme soldat, avant d'épouser comme colonel. Il écrit donc à la belle Clara, et fait remettre la lettre par la fermière. Clara n'ouvre pas la lettre ; elle la montre à sa mère et la rend à la fermière avec une réponse verbale qui découvre les dispositions de son cœur. Le renvoi de la lettre n'afflige point le colonel ; la connaissance des sentimens de Clara le transporte : d'après ce triomphe, il pourrait même se dispenser de remporter le prix de l'arquebuse. Ce prix lui fournit l'occasion de donner une marque de reconnaissance à la bonne fermière, d'obtenir un baiser de Clara, et de se faire connaître lui-même : ce prix est bon à bien des choses.

Le légitime neveu du fermier, le véritable Edmon, que ses parens ne connaissaient pas, arrive par hasard au pays. Sa présence pourrait gêner le faux Edmon ; on envoie à quelque distance le nouveau venu pour goûter du vin : il accepte la commission de grand cœur ; c'est un ivrogne : il s'en acquitte avec tant de zèle, qu'il revient très-mal assuré sur ses jambes. Il entend proclamer Edmon vainqueur de l'arquebuse : il croit que c'est de lui qu'il s'agit ; il prétend recevoir le prix, et quand il voit qu'on le donne à un autre, il s'emporte ; mais, malgré son ivresse, il reconnaît dans le vainqueur son colonel, et le fait reconnaître à tout le monde ; en même temps il lui remet une lettre qui lui apprend que son affaire d'honneur est arrangée. Plus de motif de déguisement ; le comte de Saint-Elme épouse Clara ; le fermier se rassure ; la fermière se désole d'avoir perdu un si joli neveu, et le véritable Edmon se fait connaître à son oncle et à sa tante pour un garçon qui aime mieux le vin que les femmes.

La pièce est romanesque ; cela devait être, puisqu'elle est tirée d'un roman ; mais elle est conduite avec art, dialoguée avec gaîté. Les couplets sont bien faits : je ne dirai pas qu'il y a de l'esprit ; c'est l'éloge qu'on donne à ceux dont on n'a rien de mieux à dire ; mais il y a du naturel, du comique, de bonnes scènes. Le caractère de la fermière est digne de Dancourt ; et madame Hervey le joue avec une franchise, une aisance, une verve, dignes d'une bonne comédienne du Théâtre-Français. C'est un rôle de paysanne ; mais la grâce et le bon ton percent encore au travers des manières villageoises que l'actrice est obligée de prendre : une telle paysanne vaut mieux que bien des dames. Henry laisse apercevoir le colonel sous le costume de soldat ; il a une politesse et une dignité naturelle : son jeu est fin et ses manières distinguées.

Le fermier est joué très-rondement et d'une manière comique par Saint-Léger. Joly est excellent dans le rôle d'Edmon ; et non-seulement ses lazzi d'ivrognerie sont très-plaisans, mais dans les premières scènes, où il n'est pas ivre, il est original par ses naïvetés et la manière piquante dont il rend les mots heureux dont son rôle est semé. La petite Clara est pleine d'ingénuité, de décence et de sensibilité ; ce rôle fait d'autant plus d'honneur à l'actrice, mademoiselle Rivière, qu'il ne ressemble point à ceux où elle a coutume de briller par un enjouement très-vif et par une aimable folie : cette facilité à se prêter à divers caractères opposés, est ce qui constitue le vrai talent de comédie. La pièce porte sur un déguisement, et c'est aussi le déguisement qui a fourni le refrain du vaudeville : les couplets sont coupés d'une manière originale par ces deux préceptes, déguisezvous , ne vous déguisez pas : la plupart ont été redemandés. Ce vaudeville final a paru faire encore plus de plaisir que la pièce, laquelle est des trois auteurs Radet, Barré et Desfontaines. (21 avril 1811.)

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome II, p. 398-399 :

[L’intrigue sans surprise de la pièce est résumée sans commentaire, avant le constat du succès, attribué en bonne part à un vaudeville final qui a « fait grand plaisir ». Les auteurs : le trio habituel du Théâtre du Vaudeville, cités sans commentaire. La date indiquée n’est ni celle de la brochure (18 avril, la bonne date), ni celle de l’Almanach des Muses (13 avril).]

Les deux Edmon, vaudeville en deux actes, joué le 16 avril.

Le comte de Saint-Elme, colonel de dragons, a été obligé de se cacher à la suite d'une affaire d'honneur ; il est dans sa propre terre, déguisé sous l'habit de soldat ; il passe pour Edmon, neveu de son fermier Germain ; et, sous ce déguisement, il soupire pour l'intéressante Clara, fille d'un officier général, et retirée dans le village avec sa mère. Arrive le véritable neveu Edmon, qui opère le dénouement en reconnoissant son colonel à qui il annonce qu'il peut reparaître. Saiut-Elme épouse Clara, qui a été déclarée la fille la plus sage du hameau, et que l'on a chargé de couronner le colonel Saint-Elme, qui, sous le nom d'Edmon, a été vainqueur à l'arquebuse.

Cette pièce a eu beaucoup de succès. Le vaudeville final a surtout fait grand plaisir.

Les auteurs sont MM. Barré, Radet et Desfontaines.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome V, mai 1811, p. 288-291 :

[Encore une pièce avec déguisement, dans laquelle un militaire prend une autre identité (et le costume qui va avec pour échapper à « une affaire d’honneur ». Difficile d’innover dans ce genre de pièce. Il faut des gens aussi expérimentés que l’illustre trio du Vaudeville pour « réveiller l’appétit » des spectateurs avec une pareille intrigue qui « rappelle une foule de situations dramatiques déjà connues ». Mais « le principal est évidemment étouffé sous les accessoires ». Tout en soulignant l’inutilité d’une analyse du sujet, le critique la fait. Tout finit bien sûr par le mariage prévu, et la pièce est égayée par un moyen classique, un soldat ivrogne excellemment joué par Joly, qui « rend avec beaucoup de vérité » l’ivresse du peuple : « les auteurs n'auraient peut-être pas mal fait de la rendre un peu plus spirituelle ». Beau succès pour les couplets, dont ceux du vaudeville d ela fin. Le critique nous en donne un exemple. La pièce a réussi, et les auteurs ont été nommés sans opposition.]

Les Deux Edmond.

Les déguisemens sont une source féconde de combinaisons dramatiques que les auteurs ne paraissent pas devoir épuiser de sitôt ; nous avons déjà vu cent fois des militaires qu'une affaire d'honneur oblige à prendre le nom et l'habit d'un autre ; mais avec du talent on rajeunit les plus vieilles intrigues ; et lorsque l'on a, comme nous, le malheur de venir un peu tard, il faut savoir se contenter de renouvellemens à défaut de nouvautés [sic]. Si l'on en croit un vieux proverbe latin, les derniers venus sont condamnés à faire assez mauvaise chère : Tarde venientibus ossa. Depuis long-temps en effet, nos auteurs dans tous les genres n'ont guère que des os à ronger. Prenons donc notre parti de bonne grace, et partageons leurs maigres repas, sous peine de mourir de faim. Des artistes exercés ont d'ailleurs à leur disposition mille petits moyens pour ranimer, le goût le plus blâsé, et pour rendre quelque saveur à des mets assez fades par eux-mêmes, et le trio, depuis long-temps en possession, de contribuer aux plaisirs des amateurs du Vaudeville, possède plus que personne le secret de réveiller l'appétit de ses convives. L'ouvrage des trois inséparables ne peut que perdre à l'analyse, et cependant il faut bien en donner une idée. Mes lecteurs diront probablement qu'un colonel réduit à prendre le nom et l'habit d'un soldat de son régiment, pour éviter les suites d'une affaire d'honneur, et profitant de ce déguisement pour se faire aimer d'une jeune personne sans fortune, rappelle une foule de situations dramatiques déjà connues, et j'en conviens avec eux ; mais ici le principal est évidemment étouffé sous les accessoires, et les jolies scènes que les acteurs ont liées avec beaucoup d'adresse à ce sujet un peu bannal, n'ont pas médiocrement contribué au succès qu'il a obtenu. Le colonel St.-Elme, par exemple se fait passer pour le neveu de Germain, honnête paysan d'un village dont la seigneurie vient de lui écheoir par succession ; mais Germain a une femme encore fraîche et jolie, que l'on n'a pas mise dans la confidence ; elle prend le faux Edmond pour son véritable neveu, qu'elle n'a jamais vu, et s'abandonne pour lui, à une amitié sans réserve, qui ne tarde pas à paraître un peu trop vive au bon Germain. St.-Elme a confié à Germaine ses sentimens secrets; mais Germain qui les voit sans cesse se parler à l'oreille, ne peut supposer que sa femme n'agisse pas pour son propre compte, et s'en tienne au rôle de confidente. Enfin, sa jalousie ne peut plus résister à une pareille épreuve, et il découvre publiquement tout le mystère au moment où St.-Elme n'a plus rien à çraindre, et n'a rien de mieux à faire qu'à reprendre son nom, son grade de colonel, et à offrir sa main au véritable objet de son amour. Cette pièce est encore égayée par un rôle de soldat ivrogne, le véritable Edmond, que Joly rend avec beaucoup de vérité. Son ivresse est bien celle du peuple, et malgré l'avis de Figaro , qui prétend que c'est la meilleure, les auteurs n'auraient peut-être pas mal fait de la rendre un peu plus spirituelle. On a d'ailleurs applaudi plusieurs couplets assez joliment, tournés, et l'on a fait répéter presques tous ceux du vaudeville de la fin. Voici, je crois, celui qui méritait le plus cette distinction, et le seul que j'aie retenu : c'est un couplet bachique ; il n'est pas nécessaire d'observer qu'il est placé dans la bouche de l'ivrogne, et que le vaudeville entier fait allusion aux divers déguisemens que l'on rencontre à chaque instant dans le monde :

Vins de Surêne, vins de Brie,
Vins de Beauce, de Normandie,
Vins du crû toujours aigre-doux,
Déguisez-vous, déguisez-vous ;
Vins de Bordeaux, vins de Champagne,
Vins de Bourgogne, vins d'Espagne,
Vins forts, vins fins, vins délicats,
        Ne vous déguises pas.

Les marchands de vin ne tiendront pas sans doute grand compte de cette invitation ; mais les gourmets du parterre l'ont vivement applaudie.

Les auteurs de cette pièce ont été demandés et nommés sans réclamation : ce sont MM. Radet, Barré et Desfontaines.

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