Les Deux espiègles, vaudeville en un acte, de Chéron de la Bruyère et Bellin de la Liborlière ou de Roger et Creuzé de Lesser,8 janvier 1810.
Théâtre du Vaudeville.
Attribué à
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J. F. Roger et Creuzé de Lesser d'après Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes (d'après le Catalogue général de la BNF),
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Chéron de la Bruyère et Bellin de la Liborlière d'après la bibliothèque de Soleinne et Charles Beaumont Wicks, The Parisian stage : alphabetical indexes of plays and authors, première partie, p. 19.
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Titre :
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Deux espiègles (les)
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Genre
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vaudeville 1
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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8 janvier 1810
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Chéron de la Bruyère et Bellin de la Liborlière ou à Creuzé de Lesser et Roger
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mlle. Le couvreur, 1810 :
Les Deux espiègles, comédie-vaudeville en un acte ; par MM. ***. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville, le 8 janvier 1810.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome I, p. 207 :
[Une comédie pas comique : c’est le bilan que le critique fait d’une pièce très peu originale à ses yeux, avec une seule idée comique, ce qui est bien peu. Longueur de la pièce, étrangeté des couplets (« sur des termes de chicane ». Heureusement un des acteurs a fait rire par « ses travestissemens ». Mais c’est tout.]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Les Deux Espiègles, vaudeville en un acte, représenté le 8 janvier 1810.
Rien n'est moins gai que ces deux prétendus espiègles. L'un est un amant qui se travestit en plaideuse, en juif, et en gascon, pour parler à sa maîtresse, pupille d'un vieux procureur. L'autre est cette même pupille qui se déguise en commissaire pour s'enfuir avec son amant.
On force le vieux tuteur à rendre ses comptes et à consentir au mariage. On voit qu'il n'y a pas là de grands efforts de conception. La seule idée un peu comique est d'avoir donné à la maison du tuteur deux portes gardées l'une par un valet niais, l'autre par une vieille servante : comme l'amant se travestit dans l'intérieur de la maison, chaque gardien croit toujours qu'il est entré par l'autre porte.
Cette pièce est longue, et renferme une très-grande quantité de couplets, qui roulent presque tous sur des termes de chicane. Le style de cet ouvrage prouve que l'auteur est très au fait des affaires, et doit lui faire grand honneur au palais. Joly a été comique dans ses travestissemens.
L'Esprit des journaux français et étrangers, 1810, tome 3, p. 287-292 :
[Long compte rendu d’une pièce à l’intrigue convenue, ce que le critique ne laisse pas ignorer : tout y est comme dans toutes les pièces, une pupille avec un amant, un tuteur qui n’aimerait pas rendre ses comptes. Une fois l’histoire racontée par le menu, il faut conclure : pièce comique, même si l’exposition est un peu longue; dialogue franc et naturel, les caractères ne sont pas si loin de « la bonne comédie » (c’est un grand compliment pour un vaudeville). Son succès est pourtant fragile, et c’est le vaudeville final qui la sauve avec ses couplets « pleins d’esprit ». L’auteur a préféré l’anonymat, et sa pièce est d’ailleurs plus une comédie qu’un vaudeville. Occasion de différencier les deux genres. Mais la pièce peut être amendée en supprimant ses longueurs. L’acteur Joly a droit à des conseils, puisqu’il « s'est entièrement trompé dans la manière dont il joue la fausse comtesse ». On termine par un couplet « vivement applaudi » (à la gloire des Français : « En tous lieux le Français doit plaire »).
On pourrait retourner le compliment au critique : dans sa critique, on retrouve à peu près tous les traits de tous les comptes rendus de comédies... Plainte contre les longueurs, des couplets qui sauvent la pièce, la savante distinction entre deux genres d’un niveau différent, un acteur qui a besoin de conseils. On a déjà lu tout cela !]
Théatre du Vaudeville.
Les Deux Espiègles, comédie-vaudeville en un acte.
Quelque difficile: qu'il soit de garder un secret, dit Albert dans les Folies amoureuses, la garde d'une fille est bien plus difficile. Si cela était vrai pour Albert, vivant à la campagne dans un château bien grillé, quel devait être l'embarras de M. Griffard, procureur au présidial de Reims, habitant la ville, et, qui pis est, une maison à deux portes, donnant sur deux rues, ce qui l'obligeait à employer deux domestiques à les garder ! Adèle, sa pupille, avait d'ailleurs un amant comme toutes les pupilles ; M. Griffard lui devait des comptes comme tous les tuteurs ; et, ce qui est moins ordinaire, l'avarice l'emportant chez lui sur la prudence, il s'était servi d'Adèle, pendant plusieurs mois, comme d'un clerc, et l'avait ainsi initiée dans les secrets de la chicane ; Adèle connaissait ses droits et paraissait disposée à les faire valoir. Malgré toutes ces difficultés, notre procureur se croyait cependant parvenu au terme de ses inquiétudes. Il avait réussi à écarter Sainville de sa maison ; il attendait dans la journée Varsac, son neveu, tout récemment pourvu d'un emploi d'huissier ; il devait le marier, dès le lendemain, à sa pupille, et envelopper ainsi dans le contrat de mariage ce compte de tutelle si embarrassant. Pour être plus sûr de son fait, il aurait été prudent de défendre, pour le reste du jour, l'entrée de sa maison à tout le monde ; mais outre son neveu, Griffard attend encore une comtesse de Fierbois, vieille plaideuse, et un juif, Abraham, qui fait valoir son argent. Comment éconduire deux pareils personnages ? Griffard ordonne à son valet Jasmin et à sa vieille gouvernante de les recevoir, et crainte de méprise, il leur dicte le signalement de la plaideuse, du juif et de son neveu. Par malheur, Adèle vient de se glisser dans l'étude ; elle écrit aussi les signalemens et les jette par la fenêtre à Sainville qui se tenait aux aguets.
On peut déjà prévoir une partie de ce qui va suivre. A peine Griffard est-il sorti, sur un faux avis, pour toucher de l'argent chez un confrère ; à peine Jasmin et la gouvernante ont ils été prendre leurs postes que celle-ci reparaît avec Sainville sous le costume de Mme. de Fierbois. Mais à peine aussi s'est-il fait reconnaître d'Adèle, que la véritable plaideuse arrive conduite par Jasmin. Sainville ne se déconcerte pas ; il soutient son personnage : Jasmin est d'abord très-embarrassé ; mais la comtesse disant qu'elle veut arranger son affaire à l'amiable, et Sainville assurant qu'il veut plaider, un valet de procureur ne pouvait pas hésiter à reconnaître en lui la véritable cliente de son maître, et il éconduit Mme. de Fierbois.
Une scène du même genre, quoiqu'entièrement différente pour les détails, succède à celle-ci. Sainville a bien prévu qu'il ne serait pas sûr pour lui de garder long-temps le même costume ; il se dépouille de sa douillette et reste vêtu somme le juif Abraham ; mais celui ci ne se fait pas attendre. Nouvel étonnement de Jasmin à l'aspect des deux nouveaux Sosies ; nouvelle ruse pour éconduire le véritable Abraham. C'est Adèle qui l'imagine ; elle feint de lui faire des signes, de recevoir un billet de lui, et le. pauvre Abraham est chassé comme un émissaire de Sainville.
De trois personnages qu'attendait Griffard, en voilà donc déjà deux de mis à la porte. Pour assurer le même traitement au troisième, Sainville se sert du même moyen. Il laisse tomber la lévite et la barbe d'Abraham, et paraît sous le costume qu'il sait être celui de Versac. Griffard revient alors de chez son confrère, mais il n'est pas si prompt à reconnaître son prétendu neveu ; il lui demande ses papiers, et tandis que Sainville cherche des défaites, le véritable Versac arrive, muni de tous les titres que Sainville ne peut exhiber. Voilà donc notre amant découvert. Griffard prend l'affaire au tragique ; il enferme le pauvre Sainville, et va chercher un commissaire pour instrumenter.
Les affaires de nos amans seraient désespérées, si Adèle ne s'avisait fort à-propos de mettre à profit la belle éducation qu'elle a reçue de son tuteur. Elle sait que le commissaire a un fils très-jeune qui vient d'être nommé son adjoint; et tandis que Griffard va chercher le père, elle se revêt de sa robe et vient jouer le rôle du fils. Versac est complettement sa dupe ; elle dresse, en termes du palais, une ordonnance qui lui commande de conduire Sainville en prison, et ils sortent ainsi tous les trois. Les amans évadés, la pièce pourrait finir comme dans les Folies amoureuses ; mais on a voulu rendre le dénouement plus complet. Sainville revient avec Adèle ; il se découvre à Griffard, lui offre de signer ses comptes s'il veut lui donner sa pupille en mariage, et Griffard est bien forcé d'y consentir.
Cette pièce offre des scènes comiques ; à l'exposition près. qui est peut-être un peu longue, elle marche rapidement ; le dialogue est franc et naturel ; on y remarque plusieurs traits de caractère et des mots dignes de la bonne comédie. Son succès, cependant, n'a pas été complet ; elle a essuyé quelques échecs ; elle a chancelé au dénouement ; le vaudeville de la fin, dont tous les couplets sont pleins d'esprit, l'a relevée. L'auteur a été demandé faiblement, mais sans opposition ; il a gardé l'anonyme ; beaucoup d'autres, à sa place, auraient été moins discrets. Au reste, le talent qu'il a déployé dans ce petit ouvrage appartient plutôt à la comédie qu'au vaudeville. Il a paru un peu étranger sur ce terrain : il n'a cherché à y capter la bienveillance ni par des couplets fleuris, ni par des airs à prétention, et il a donné à ses scènes plus de développement qu'on n'en désire à ce théâtre. Des coupures faites à propos, et que le public a lui-même indiquées, pourraient acquérir plus de faveur à la pièce, et peut-être ne tient-il qu'à Joly, qui y joue le principal rôle, d'en assurer le succès. Cet acteur a assez de talent pour mériter et écouter des conseils. Nous croyons qu'il s'est entièrement trompé dans la manière dont il joue la fausse comtesse. Il la fait de vingt ans trop jeune ; il se tient droit au lieu de se courber, ce qui laisse juger de sa taille et ôte tout prétexte à l'illusion ; au lieu de casser sa voix, il prend un fausset criard très-désagréable et qui ne permet pas d'entendre un mot de ses couplets. Cette scène, la meilleure peut-être de la pièce, n'a produit que l'effet d'une caricature, et tout le mérite en a été perdu.
Nous terminerons cette analyse en citant un couplet du vaudeville, qui a été vivement applaudi :
Amant et guerrier tour-à-tour,
En tous lieux le Français doit plaire ;
Car il rit en faisant l'amour,
Comme il rit en faisant la guerre.
Quand il aime ou quand il combat,
Jamais son humeur ne varie ;
Il fait une action d'éclat
Comme il fait une espièglerie.
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