Les Deux francs-maçons, ou les Coups du hasard, fait historique en trois actes et en prose, par M. Pelletier de Volméranges ; 25 mai 1808.
Théâtre de l'Impératrice.
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Titre :
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Deux francs-maçons (les), ou les Coups du hasard
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Genre
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fait historique
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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25 mai 1808
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Pelletier-Voméranges
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Almanach des Muses 1809.
Drame qui a obtenu des représentations assez suivies.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Hénée, Avec Approbation. 1808 :
Les deux Francs-Maçons, ou les coups du hasard ; fait historique en trois actes et en prose, Représenté pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de S. M. l'Impératrice et Reine, le 25 mai 1808. Par Mr. Pelletier-Volméranges.
Obliger son semblable est de l'argent bien placé, et le plus grand parmi nous, est celui qui fait le plus d'heureux.
Scène dernière.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome VI (juin 1808), p. 285-288 :
[Un long commentaire pour éreinter une pièce dont on ne sait quel est le tort : être simplement mauvaise, ou être franc-maçonne. Quelle que soit la cause, l’effet est le même : tout est sur le ton de la plaisanterie et de l’ironie. Inutile de détailler : la pièce est présentée comme un tissu d’absurdités, la franc-maçonnerie étant largement ridiculisée. L’intrigue est racontée par le menu, avec de nombreuses interventions du critique qui montrent son opinion défavorable. La première a été un beau combat entre siffleurs et applaudisseurs, ces derniers ayant gain de cause : ils étaient chez eux !]
J'ai entendu raconter qu'avant la suppression des petits spectacles, un auteur avait été porter un drame à la Comédie Française. Les acteurs, après avoir entendu quelques scènes, lui observèrent que c'était au théâtre des boulevards qu'il aurait dû porter son ouvrage. Eh ! j'en viens, dit-il ; ils n'ont pas voulu le recevoir. Ce drame ne serait-il pas celui qu'on nous a donné à Louvois ?
Si ce n'est lui, c'est donc son frère.
Il peut y en avoir beaucoup, cette famille là n'est pas difficile à élever : elle pourrait l'être un peu plus à soutenir dans le monde ; mais le drame avait de bons amis ; les francs-maçons tenaient loge à Louvois ; il y en avait sûrement dans tous les coins de la salle, qui d'ailleurs était pleine, et qui, à chaque sentence en l'honneur des francs-maçons, retentissait d'applaudissemens à double et triple reprise ; et Dieu sait si on leur a fourni des occasions ! La pièce est toute à l'honneur des francs-maçons ; l'amant est franc-maçon ; le père, qui est le plus honnête homme du monde, est franc-maçon ; un juif nommé Melchior, qui est le mauvais cœur et le fripon de la pièce, car il en faut un dans les drames comme un Cassandre dans les parades, est un homme qui n'a pas pu se faire recevoir franc-maçon ; le notaire, qui est un honnête homme, obtient à la fin la promesse d'être reçu franc maçon : j'ai vu le moment où l'on allait le proposer à toute la salle. Si cependant l'une des conditions de l'engagement est d'applaudir toutes les pièces des frères, cela peut avoir de l'inconvénient : mais il faut convenir aussi que les dédommagemens sont bien grands Un chevalier portait autrefois l'écharpe que lui avait brodée sa dame ; un franc-maçon portera un tablier de peau peint ou brodé des mains de sa maîtresse. Elisabeth a tracé sur celui qu'elle donne à son amant Fonfrenne une rose et une croix ; eile ne comprend pas bien le sens de cet emblême, mais elle en est toute attendrie, et cela se conçoit. Fonfrenne, en le recevant, s'écrie avec transport : brodé par les mains de l'innocence, il me servira dans le temple de la vertu, c'est-à-dire, dans sa loge de francs-maçons. Ce trait a excité le plus vif enthousiasme. Il faut tout dire cependant : dans ces temples de la vertu on donne par fois de grands soupers, par fois des bals, des concerts, par fois même on y joue ; et soit là, soit ailleurs, Fonfrenne a perdu au jeu cent mille écus de rente ; mais aussi c'est tout ce qu'il a gagné à cela ! Comme franc-maçon il avait déjà de la vertu ; comme homme ruiné, il a maintenant beaucoup de philosophie, quantité d'idées libérales, et un beau recueil de sentences sur la vile puissance de l'or.
Lorsque Sénèque fit ce chapitre éloquent,
Il avait comme vous perdu tout son argent.
Mais comme Sénéque n'avait pas perdu cent mille écus de rente, il n'a pas fait son chapitre aussi long que la tirade de M. Fonfrenne. Je suis sûr qu'elle aurait au moins trois pages d'impression, et il y en a beaucoup dans la pièce de cette force-là. La mauvaise habitude que celle de faire des drames parlés ! Mais songe-t-on bien à tous les avantages qu'aurait un drame en pantomime ? Beaucoup d'événemens, beaucoup de mouvemens de scènes et de changemens de décorations, et pas une sentence ! Il est vrai qu'on y perdrait de beaux effets pathétiques, principalement celui que produit le nom de M. ou de Mme. Oudin, les principaux personnages de la pièce, répété dans les momens les plus chauds et au milieu des tirades les plus éloquentes, comme lorsque Fonfrenne, chassé par la mère de sa maîtresse, s'écrie, au désespoir : Et c'est Mme. Oudin qui prononce un arrêt si cruel ! Ce rpprochement fait fendre le cœur. Ce n'est pas que Mme. Oudin, dont je serais très fâché qu'on prît d'après cela une mauvaise opinion, ne soit au fond une fort bonne femme ; mais Fonfrenne est ruiné et Mme. Oudin n'a pas le sou à donner à sa fille, et cela l'effraie un peu pour la prospérité du ménage. Ce qui fait que Mme. Oudin est si pauvre, c'est que M. Oudin, qui savait faire les plus beaux moulins du monde, s'est avisé, au lieu de cela, de jouer aussi, de perdre son argent, et ensuite de quitter sa femme un beau jour, sur ce qu'elle l'avait querellé pour s'être fait recevoir franc-maçon ; car Mme. Oudin n'a qu'un petit travers, c'est qu'elle déteste autant les francs-maçons que son mari les révère. Elle les croit sorciers. Il faut convenir que Mme. Oudin n'est pas sorcière. A cela près, elle travaille fort bien en dentelle ; et si ce n'était qu'elle veut marier sa fille Elisabeth au vieil usurier Melchior pour acquitter son loyer qu'elle lui doit, nous n'aurions rien à lui reprocher. Mais Elisabeth qui a pour Fonfrenne une amitiée [sic] née dans l'enfance, augmentée dans la jeunesse, épurée par le sentiment, se défend vigoureusement, comme on le pense bien. Elle dit même des injures à Melchior, ce qui ne le dispose pas à donner quittance à Mme. Oudin ; et tout finirait assez mal, sans l'arrivée de M. de Moulin-Neuf, c'est-à-dire, de M. Oudin qui rentre d'Amérique, où il a fait fortune à construire des moulins, et d'où il rapporte tant de millions qu'il n'en sait pas le compte. C'est comme cela qu'on fait fortune dans les drames. Dans les drames aussi, on se présente à ses meilleurs amis sans qu'ils vous reconnaissent. M. Oudin compte bien là dessus, d'autant plus qu'il a eu depuis son départ cette cruelle et contagieuse maladie qui défigure les humains. Aussi, Mme. Oudin lui dit-elle tout le mal qu'elle sait de. son mari, ce qui n'empêche pas qu'il ne lui propose de se raccommoder avec M. Oudin et de partager ses millions, à moins qu'elle n'aime mieux se contenter de quatre cent mille francs qu'il lui envoie, à condition seulement qu'Elisabeth viendra tous les matins, déjeûner avec lui; encore lui enverra-t-il sa voiture. Mme. Oudin aime autant se servir elle-même de la voiture, et pardonne à son mari, qui d'ailleurs n'a pas autant de tort qu'on le dirait bien, car il a envoyé de l'argent à sa femme ; mais le traître Melchior, qui était chargé de le remettre , a tout gardé pour lui. Quand la chose lui est prouvée, il se trouve un peu embarrassé, et M. Oudin, toujours moralisant comme un vrai franc-maçon, s'écrie : Te voilà couvert de honte, misérable, c'est le fruit du crime ; tu me rendras mon argent avec les intérêts , ajoute-t-il sur-le-champ sur le même ton tragique On sent ce que doit produire ce mélange des détails familiers de la vie et des hautes idées de la morale. C'est ce que Boileau appelle
Passer du grave au doux, du plaisant au sévère.
Et il y a en effet beaucoup de choses plaisantes dans la drame. Mais afin que tout le monde puisse en rire ; il faut bien que Fonfrenne épouse Elisabeth : or, on se souvient que par bonheur Fonfrenne est franc-maçon. En cette qualité, ayant rencontré un soir, en Amérique, M. Oudin, dans un fossé où il était prêt à mourir de faim, il avait commencé par lui dire : qui est là ! A quoi l'autre avait répondu, et Fonfrenne, à certains signes, l'ayant reconnu pour un frère, lui avait donné non-seulement de quoi souper, mais de quoi commencer sa fortune. Il est donc bien juste que M. Oudin lui donne maintenant un million de cette fortune là avec sa fille Elisabeth, qui en aura un jour beaucoup d'autres.
Ce qui paraissait juste aussi, c'était que la pièce fût sifflée. Quelques spectateurs ont voulu faire leur devoir, c'étaient apparemment des profanes qui n'étaient pas dans le secret de la franc-maçonnerie; leurs sifflets ont redoublé les applaudissemens, les applaudissemens ont rendu les sifflets plus prononcés, en sorte que la conversation s'animait dans la salle en raison de ce qu'elle languissait sur la scène, et, somme totale, la représentation a été fort animée, mais le champ de bataille est demeuré à ceux pour qui se donnait la fête ; rien de plus naturel. L'auteur a été demandé : c'est M. Pelletier-Volmerange, connu, dit-on, par le Mariage du Capucin. P.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome III, p. 416-417 :
[Il est rare qu’une critique fasse preuve d’autant d’hostilité contre une pièce, dont rien n’a la moindre valeur : tout est critiqué, jusqu’au nom des personnages et au ton employé (« Le pathétique burlesque, l'enflure triviale, les mots, sentiment, nature et vertu »). L’intrigue est rebattue, et la pièce est mal jouée de surcroît, et c’est de la faute de la pièce, bien sûr. Cause de cette hostilité ? Le fait que ce soit un drame ? La franc-maçonnerie ?
Notons que le titre de la pièce ne semble pas être le bon : les autres sources l’appellent Les Deux Francs-Maçons, ou les Coups du Hasard.]
THÉATRE DE L’lMPÉRATRICE.
Les deux Francs-Maçons , ou un Coup du hasard, drame en trois actes joué le 25 mai.
On n'a jamais tant ri qu'à la première représentation de ce Drame. Le pathétique burlesque, l'enflure triviale, les mots, sentiment, nature et vertu ; les noms harmonieux de M. et madame Oudin, Foncréne, Moulin-Neuf, formoient un contraste si plaisant avec les situations, que jamais parade n'a plus amusé. Rien de plus rebattu que l'intrigue. Un Melchior, propriétaire, parodie de M. Vautour, aime une jeune fille pauvre, qui préfère, comme de raison, l'aimable Foncréne. Celui-ci a tout perdu au jeu, et va fuir pour jamais, quand M. Oudin, (père de la jeune fille) revient d'Amérique, et le reconnoît pour un franc-maçon, qui lui a jadis sauvé la vie. Ce M. Oudin, franc-maçon lui-même, le fait reconnoître à sa femme et marie sa fille à Foncrêne. La pièce a été aussi mal jouée que possible, et je ne crois pas que ce soit la faute des acteurs.
Les francs-maçons, qui remplissoient la salle, ont demandé l'auteur; c'est M. Pelletier-Volmeranges.
La pièce est considérée par François Cavaignac, Balades maçonniques en littérature (2014), comme la première pièce qui aborde le thème de la pratique de la bienfaisance par les francs-maçons. Il indique que Pelletier de Volméranges était franc-maçon.
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