Les Deux journalistes

Les Deux journalistes, ou Erreur n’est pas compte, comédie en un acte avec vaudevilles, par les Cs Leger et Chazet. 7 pluviôse an 7 [26 janvier 1799].

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Deux journalistes (les), ou Erreur n’est pas compte

Genre

comédie avec vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

7 pluviôse an VII [26 janvier 1799]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Chazet et Léger

Almanach des Muses 1800

Un journaliste a vu une pièce annoncée sur l'affiche, il ne va point au spectacle, et le lendemain rend compte du succès de la représentation de l'ouvrage, lorsqu'une circonstance imprévue en a fait jouer une autre. Voici l'anecdote qui a donné lieu à la pièce, dans laquelle les auteurs ont introduit deux journalistes, se copiant, s'injuriant, etc.

Du succès.

Courrier des spectacles, n° 705 du 8 pluviôse an 7 [27 janvier 1799], p. 2 :

[Le sujet de la pièce rend sa critique difficile : le journaliste est amené à parler d’une satire de son propre métier, et il s’en tire en commençant par rappeler que nul n’échappe à l’erreur, avant de dire que la pièce « a obtenu un succès flatteur et mérité ». Il peut ensuite en résumer l’intrigue, qui mêle une histoire d’article sur une représentation qui a été annulée et une histoire d’amour sans originalité. Le jugement porté est positif : la pièce a fait rire, et les couplets ont été redemandés en grand nombre. Retour sur la situation particulière du journaliste parlant des journalistes malmenés dans la pièce. Le critique s’en sort honorablement en rappelant que c’est la vérité seule qui offense, et en citant le dernier couplet du vaudeville, qui invite à s’en remettre au jugement du public. Dernier point : la qualité de l’interprétation : la pièce a été jouée avec ensemble, et un seul interprète est mis en avant, l’actrice qui joue le rôle de la jeune femme. Mais rien pour les acteurs masculins...]

Théâtre du Vaudeville.

Qui ne fait pas de fautes ! Les jeunes gens font des dettes, les fripons font des dupes, les flagorneurs font des complimens, les auteurs font de mauvaises pièce , et les journalistes font des bévues, tout cela arrive... quelquefois ; mais il y a bévues et bévues : par exemple, le journaliste qui fort tranquillement au coin de son feu, et se reposant avec confiance sur l’excellent jeu des artistes, vous dit le lendemain dans sa feuille que la pièce a été jouée avec un ensemble parfait, etc. Quelle épithète donner à cette espèce de bévue, un homme juste et sévère dira tout bonnement que c’est de l’effronterie ; mais comme le journaliste a eu l’esprit de rejetter sa bévue sur le compte d’un collaborateur infidèle, nous nous bornerons à dire que ce n’est que de l’impudence. Cette petite gentillesse a fourni aux cit. Chazel et Léger le fond de la com. des deux Journalistes, ou erreur n'est pas compte. Elle a obtenu un succès flatteur et mérité.

Dubreuil et Fadin, journalistes, aspirent à la main de Caroline, qui n’aime ni l’un ni l’autre, et leur préfère Florimond son tuteur. Celui-ci est auteur d’une pièce qu’on doit donner le soir même au théâtre du Vaudeville, mais la rep. est différée et remise au lendemain. Dubreuil, qui s’est fié sur l’affiche, a fait son article, il a rendu de la pièce de Florimond un compte très-avantageux, il a même, à charge de revanche, obligé son confrère Fadin, en lui communiquant son article, dont celui-ci avoit grand besoin, n'ayant rien pour remplir son journal des belles.

Florimond, au récit que lui a fait Dubreuil, du jeu des acteurs, s’est bien douté qu’il a rendu compte de sa pièce sans l’avoir vue ; il s’en est assuré au théâtre, et il vient féliciter les deux journalistes de leurs éloges prophétiques. Caroline consultée par son tuteur sur son penchant, se déclare en faveur de Florimond.

On a beaucoup ri à une scène où les deux journalistes se disent de dures vérités, et l’on a fort applaudi à un grand nombre de couplets, dont quelques-uns ont été redemandés. Les voici :

Air : Nouveau.

      Le bien qu’un juge érudit
                  Dit
            Nous encourage ;
Mais pour le sot, toujours l’esprit
                  Rit
            De son suffrage.
      Le compte qu’un ignorant
                  Rend
            Ne peut que nuire,
            Et l’éloge qu’il contient
                  Tient
            De la satyre.

Les mêmes gens qui font le vil métier de flagorner indistinctement tous les artistes, et dont les éloges sont tellement prodigués qu’ils ne peuvent jamais flatter l’homme d’un vrai talent ; ces mêmes gens vont se récrier aujourd’hui contre la foiblesse du plan et de l’action des deux Journalistes ; ils se trouvent fortement lésés et intéressés à clabauder contre une pièce qui les tourne en ridicule. Laissons-les se lamenter, et appliquons leur ce vieux proverbe : Il n'y a que la vérité qui offense. Les auteurs ont si bien senti tout ce qu’ils peuvent leur objecter, qu’ils y ont fait une réponse par anticipation par ce dernier couplet du vaudeville.

      Air : Bannissez toute inquiétude.

Par bonté plus que par justice,
Applaudissez ce rien nouveau,
Et ne jugez pas une esquisse
Comme l'on juge un grand tableau.
Nous ne craignons pas de connoitre
Votre arrêt que nous attendons :
L’écolier qui chérit son maitre,
Doit aussi chérir ses leçons.

Cette bluette a été jouée avec ensemble ; la cit. Henry a sur-tout mis beaucoup d’expression et de finesse dans le rôle de Caroline.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an 7, 2e trimestre, n° 14 (20 Pluviôse), p. 306-307 :

Au Vaudeville : les Deux Journalistes, des CC. Léger et Chazet. Des plaisanteries connues enchâssées dans des couplets spirituellement tournés. Un fonds qui paraîtrait invraisemblable s'il n'était appuyé sur une anecdote récente et connue.

Un journaliste de théâtre, par la faute d'un de ses collaborateurs, a fait paraître dans son journal l'extrait et le jugement d'une pièce qui n'a pas été jouée.

Pour ajouter au ridicule du fait, les auteurs ont voulu rendre aussi les personnages ridicules, et ils ont peint deux Journalistes rivaux se copiant et s'injuriant comme Trissotin et Vadius ; et dans leur débat, l'un a bien soin d'appeler son adversaire Geai paré des plumess du Pan. C'est mettre les noms au bas des portraits.

Ce serait peut-être une question importante à traiter que celle de savoir jusqu'où, chez un peuple éclairé et dans un état policé, la satire personnelle et la désignation des personnes vivantes peut être permise par les bienséances sur le théâtre ; mais le C. Léger me citerait sur-le-champ Aristophane, et. le C. Chazet s'appuierait sur Molière. On sent bien que je n'ai rien à répondre, du moins pour le moment. Je crois pourtant que le Vaudeville doit être un espiègle malin, et non pas un satirique mordant.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-huitième année, volume VI, ventôse an 7 [février 1799], p. 180-183 :

[Compte rendu ouvert par le résumé de l’intrigue, qui n’est originale que par le triomphe du tuteur, qui écarte ses deux rivaux, plutôt maladroits. Mais « la pièce se termine par un mariage », ce qui ne surprend personne. Le critique ne se prive d’ailleurs pas pour critiquer cette intrigue, jugée très faible, et sauvée par des couplets. Comme la pièce met en scène des journalistes et se moque d’eux, le critique (lui-même journaliste) ne se prive pas pour souligner la nullité de certaines plaisanteries sur cette honorable profession. Ce qui n’empêche que ce soit une « production fort agréable ». Le public en a reconnu le émrite, et a ovationné les auteurs. Bonne interprétation. Deux couplets sont cités comme remarquables, et le critique regrette ne n’être pas en mesure d’en citer un troisième, en forme de logogriphe.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Les deux Journalistes.

Deux journalistes nommés Dubreuil & Fadins sont amoureux d'une jeune femme qui a pour tuteur & pour amant un auteur dramatique ; celui ci a fait une pièce qu'on a dû jouer pour la première fois, le jour même où se passe l'action ; mais la crainte de voir tomber son ouvrage l'empêche d'assister à cette représentation ; dix heures du soir sont déjà sonnées, & il n'a pas encore appris son sort. Dubreuil, qui vient rendre visite à son ami Fadins, lui annonce affirmativement, & avec des détails circonstanciés, que la nouveauté a réussi ; & Fadins, qui ne sait comment remplir la dernière page de son journal, y insère avec confiance le récit apologétique de son confrère. Le jeune auteur, enchanté de son succès, va avec empressement au théâtre pour y recevoir les félicitations des comédiens ; quelle est sa surprise, en y apprenant que la pièce n'a point été représentée & qu'on a jugé à propos de la retarder jusqu'au lendemain ! Il revient chez lui, au moment où les deux journalistes se disputent leurs droits sur la main de sa pupille, & il les met facilement
d'accord, en se moquant également de l'un & de l'autre. La jeune personne ajoute à leur juste punition, en faisant devant eux un aveu d'amour à son tuteur ; & la pièce se termine par un mariage.

Tel est le sujet des deux Journalistes, ou Erreur n'est pas Compte, petite pièce en un acte, dont la première représentation a obtenu un succès complet. Une anecdote récente & véritable en a fourni le sujet ; mais comme elle ne suffisoit pas pour remplir le cadre d'un ouvrage dramatique, on a été obligé d'y coudre une espèce d'intrigue, dont la foiblesse inévitable est heureusement compensée par un grand nombre de jolis couplets. Il y a beaucoup d'esprit & de gaieté dans cette bluette, mais quelques traits nous y ont paru un peu durs, & l'on a cru remarquer certaines plaisanteries connues, dont les journalistes pourroient tirer parti contre l'auteur, s'ils étoient assez mal-adroits pour récriminer. Nous indiquerons, entre autres, une épigramme sur les plagiaires, dont les muses sont filles de mémoire, & une sur les gazetiers, qui, en dispensant la gloire, font présens de ce qu'ils n'ont pas, &c, &c. Quoi qu'il en soit, nous le répétons, cette nouvelle production est fort agréable, & elle ne peut que soutenir la juste réputation des CC. Chazet & Léger, qui viennent de l'ajouter à la série de leurs succès. Le public les a demandés, & ils ont été nommés au milieu des plus vifs applaudissemens.

La pièce a été jouée avec beaucoup d'ensemble & d'intelligence, par les CC. Carpentier,
Léger, Henry, & par la jeune épouse de ce dernier.

Parmi les couplets dont le public a été le plus satisfait , nous avons retenu les suivans :

AIR nouveau.

Le bien qu'un juge érudit
                                        Dit,
      Nous encourage ; -
Mais pour le sot, toujours l'esprit
                                        Rit
      De son suffrage ;
Le compte qu'un ignorant|
                                        Rend,
      Ne peut que nuire,
Et l’éloge qu'il contient,
                                         Tient
      De la satyre.

AIR : La pitié n'est pas de l'amour. : !

Quand on aime, rien n'est frivole,
Un
rien sert ou nuit au bonheur ;
Un
rien chagrine, un rien console,
Il n'est pas de
riens pour le cœur.
Un
rien peut aigrir la souffrance,
Un
rien l'adoucit de moitié ;
Tout n'est
rien pour l'indifférence, -
Un
rien est tout pour l'amitié-

Nous regrettons que le défaut de mémoire nous empêche d'ajouter à cette citation, celle d'une déclaration en logogriphe, qui a paru neuve & qu'on a couvert d'applaudissemens.

Dans la base César : le titre complet est Les Deux journalistes, ou Erreur n'est pas comptée. Auteur inconnu. 11 représentations au Théâtre du Vaudeville (du 26 janvier au 16 février 1799) ; 2 représentations au Théâtre Molière (les 21 et 23 mai 1799) ; 11 représentations au Théâtre des Troubadours (du 25 mai au 20 août 1799).

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