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Les Deux ménages

Les Deux ménages, comédie en un acte mêlé de vaudevilles, 4 vendémiaire an 9 [26 septembre 1800].

Théâtre du Vaudeville

Almanach des Muses 1802

Courrier des spectacles, n° 1302, 5 vendémiaire an 9 [27 septembre 1800], p. 2 :

[Pas de suspens : le critique dit d’emblée que la pièce est allée à son terme, et que le public n’a montré sa désapprobation qu’à la fin, lors du dénouement et de la tentative avortée de nommer l’auteur, qui restera donc inconnu. L’intrigue ne pose que quelques problèmes de vraisemblance (cette porte de communication entre les appartements qui n’a pas été condamnée...), jusqu’à la fin, où la façon dont la situation est dénouée est jugée inacceptable (un père qui permet à son fils de choisir celle qu’il va épouser, sans qu’on sache bien pourquoi le père de la jeune fille devrait accepter ce gendre sans fortune). Mariage que le public n’approuve pas plus que le critique, et la représentation finit dans le vacarme des sifflets, après une écoute bienveillante, et des couplets qui avaient été redemandés.]

Théâtre du Vaudeville.

Le nouveau vaudeville les Deux Ménages, donné hier pour la première fois, quoique trés-foible par le plan, a été écouté jusques à la fin, souvent avec plaisir, quelquefois avec indulgence; mais les murmures se sont élevés contre le dénouement, à la vérité un peu singulier, comme on va le voir. L’auteur a été foiblemcnt demandé ; le citoyen Carpentier étant venu pour le nommer, des sifflets trop sévères ont empêché qu’on ne l’entendit.

Dorval a fait en fort peu de tems une fortune considérable. Adam a totalement perdu la sienne. Ils occupent deux logemens mitoyens, à tel point qu’Armand, fils de ce dernier, amant aimé de Lise, fille de Dorval, non-seulement a la facilité de causer avec elle à travers la cloison, mais, ce qui passe un peu la vraisemblance, au moyen d’une porte qui n’a pas été condamnée, s’introduit à .volonté auprès de sa maîtresse. L'illégalité des fortunes n’est pas le seul obstacle que nos amans ayent à vaincre. Il existe un différent entre leurs pères. Dorval qui, ainsi que sa famille, ne dormant pas, grâce à la mode, aux mêmes heures qu’Adam, trouve en lui un voisin incommode, et veut le faire sortir du logement qu’il occupe. Ils ont consenti de s’en rapporter à des arbitres ; et Griffon, ancien procureur et de plus gascon, nanti de l’affaire, s’est chargé de se nommer des collègues, avec l’intention de tripler ses honoraires, en prononçant tout seul sur cette affaire. Lise a cherché à le gagner, en faveur du père de son amant, en lui donnant une bourse ; mais Dorval, chez qui l’on dîne fort bien, lui a recommandé sa cause, et l’a prévenu qu’à travers la cloison il écouteroit la discussion des arbitres. D’après ce petit avis, Griffon, dans une scène fort plaisante, et très-bien jouée par le citoyen Carpentier, feint de recevoir chez lui maître Martin et maître Fausset, contrefait leurs voix, leur prête des opinions opposées, et vient au moment du dîner lire le jugement. Il condamne Adam à quitter le logement, mais lui donne le droit d’exiger l’indemnité qui lui conviendra. Armand, à qui son père laisse vraisemblablement l’exercice de ce singulier droit, exige la main de Lise , et l’obtient.

Le public n’a pas approuvé ce mariage aussi facilement que Dorval ; il a oublié dans ce moment l’opposition agréable que lui avoient offert la première scène, le comique de celle que nous venons de citer, quelques jolis couplets, qu’il avoit fait répéter ; et ne se rappelant plus que des invraisemblances, il a sifflé l’ouvrage.                                  Lepan.

 

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, VI. année (an VIII, 1800), tome III, p. 412-414 :

Les deux Ménages.

Le couplet d'annonce de cette pièce, jouée le 5 vendémiaire, avoit bien disposé le public en sa faveur. Le voici :

Air du vaudeville de la Fille en loterie.

Deux voisins ont des différends ;
Entre voisins, c'est l'ordinaire.
Oui, mais l'amour des deux enfans
Des parens termine la guerre.
Pour vous la paix a tant d'appas,
Après tant de troubles, d'orages,
Que vous ne voudrez même pas
Troubler celle des deux ménages.

Ce couplet avoit déja le défaut d'apprendre au public le dénouement de la pièce. La froideur des scènes, la nullité d'intrigue et de couplets, quantité d'entrées et de sorties sans motif, indisposèrent le public, qui ne voulut pas entendre le nom de l'auteur, qu'avoient demandé quelques voix. Voici le sujet :

Dorval, riche fournisseur, et Adam, pauvre rentier, logent près l'un de l'autre. Leurs appartemens ne sont séparés que par un mur mitoyen, dans lequel il existe une porte de communication par laquelle la fille de Dorval et le fils d'Adam se voient à l'insçu de leurs parens. Dorval, qui se couche à l'heure où Adam se lève, se plaint du bruit de son voisin, qui l'empêche de reposer. Un expert, nommé pour juger si on peut condamner le pauvre voisin à la moitié des frais de l'élévation d'un mur de séparation, feint de s'adjoindre deux autres experts. Il s'enferme, et, contrefaisant les voix de ceux qu'il suppose avec lui, il tire triple honoraire de Dorval ; mais après avoir reçu son argent, il déclare qu'Adam peut exiger telle somme qu'il voudra en réparation. Pour tout accorder, on marie les deux jeunes gens, et on ne fait plus qu'un seul ménage.

L'exposition seule étoit heureuse : d'un côté, Dorval rentroit et prenoit sa robe de chambre pour se reposer ; de l'autre, Adam s'habilloit pour sortir, et tandis que l'un faisoit l'énumération de ses profits immenses, l'autre calculoit ses pertes. Voilà le seul trait qu'on peut remarquer dans cet ouvrage. On ne peut s'en prendre, de sa chûte, aux acteurs, qui ont tous fort bien joué. Le C. Carpentier, surtout, a été très-comique dans la scène où il joue les rôles de ses deux confrères. Le C. Hippolyte, qui jouoit le rôle de fournisseur, auroit dû remarquer qu'un habit brodé n'étoit pas convenable pour son rôle. Cette légère faute est aisée à réparer, si la pièce se rejoue.

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