Édouard et Adèle, ou l'Indifférence par amour

Édouard et Adèle, ou l'Indifférence par amour,  comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de Jean-Baptiste Dubois, créée sur la scène du Théâtre du Vaudeville le 18 floréal an 12 [8 mai 1804].

Almanach des Muses 1805

Titre:

Édouard et Adèle, ou l'Indifférence par amour

Genre :

comédie en un acte, mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers/prose :

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

18 floréal an 12 (8 mai 1804)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Jean-Baptiste Dubois

 

Parfois appelée Adèle et Edouard.

 

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Cavanagh, an XII (1804) :

Édouard et Adèle, ou l'indifférence de l'amour, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles ; Par J.-B. Dubois ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 18 Floréal an 12.

 

Courrier des spectacles, n° 2629 du 19 floréal an 12 (9 mars 1804), p. 2-3 :

[Dans un monde théâtral sans originalité, comment se distinguer ? En faisant un couplet d'annonce qui n’annonce rien, et le procédé réussit auprès d’un public assez complaisant. Le résumé de l’intrigue ne surprend guère : encore un père qui veut faire épouser à son fils une femme dont il ne veut pas, et un couple qui réussit à tromper le vieillard : le fils épouse celle qu’il aime. La pièce a plu, mais son action n’est pas assez vive, et son dénouement est à la fois trop brusque (reproche classique) et « trop prévu » (mais quel vaudeville échapperait à un tel reproche ?). Une bonne note aux couplets, spirituels et favorables aux femmes, ce qui est peut-être plus rare, et serait al cause d eleur succès. La revue des interprètes est rapide (ils ne sont que trois) et ne ménage pas les éloges. L’auteur est nommé sans commentaire.]

Théâtre du Vaudeville.

Première représentation d’Edouard et Adele.

Les auteurs à ce théâtre sont dans l’usage de disposer le public à l’indulgence par un couplet d’annonce, celui d'Edouard et Adele n’a point eu recours à ce moyen, et Arlequin afficheur est venu en témoigner en ces vers son mécontentement :

Notre auteur m’a refusé
De faire un couplet d’annonce ;
Mais s'il croit que |’y renonce,
Notre auteur s’est abusé,
Dans un coin , avec adresse,
Je veux, entendant sa pièce,
En faire un plein de finesse
Qui puisse tout retracer ;
Et lorsque sa comédie
            Sera finie,
Je viendrai vous l’annoncer.

Cette manière neuve de se concilier le public a été très-applaudie, et cette faveur s’est étendue jusqu’à la pièce qui a été vue avec plaisir.

Le jeune Bellecour sous le nom d’Edouard a rencontré mad. de Merville, jeune veuve qui n’est connue dans les sociétés que sous le nom d’Adèle, et tous deux ont éprouvé en même tems le besoin de s’aimer ; mais le père du jeune homme malheureux dans un premier hymen contracté par inclination, et plus heureux dans un second où la passion n’étoit pour rien, a juré que son fils ne prendrait jamais femme par amour ; aussi désapprouve-t-il le penchant d’Edouard pour l’inconnue qui l’a charmé. Il l’a emmené à la campagne, et là il fait venir la fille d’un de ses anciens amis qu’il destine à son fils. Tandis qu’il va au-devant d’elle, Mad. de Merville qui a suivi un chemin détourné, arrive et présente Adèle aux yeux d’Edouard. Tous deux savent l’intention de M. de Bellecour qui, s’il connoit leur attachement mutuel, s’opposera à leur union. Que faire ? La veuve imagine de feindre qu’elle n’a jamais vu Edouard, et qu’elle ne ressent que de l’aversion pour lui. Le jeune homme de son côté promet d’en faire autant. Le père est dupe du stratagème ; mais une lettre d’un rival d’Edouard le prévient que la femme qu’il se propose de faire épouser à son fils est son amante. Les jeunes gens, déconcertés d’abord par cette indiscrétion, sont dans un ambarras que redouble encore l’ordre de M. de Bellecourt qui, voulant s’assurer de la vérité, veut renvoyer la jeune veuve à son père. Celle ci, sans se déconcerter, feint de quitter sans regret son amant. Edouard lui fait à son tour des adieux très-froids. M. de Bellecourt n’y conçoit plus rien, et soupçonnant que la lettre ne lui a donné qu’un faux avis, il retient Mad. de Mervilie, la force, ainsi que son fils, à signer le contrat ; et n’est détrompé que par l’aveu que les amans lui font alors de l’amour qu’ils ont conçu depuis long-tems l’un pour l’autre.

Ce vaudeville offre quelques scènes très-agréables , mais l'action en a paru quelque fois languissante, et le dénouement trop brusque, et aussi trop prévu. Les couplets en sont tournés avec esprit, et comme plusieurs sont à la louange des femmes, ils ont obtenu de nombreux applaudissemens. Il n’y a que trois personnages dans cette pièce. MM. Vertpré et Henri ont bien rendu les rôles de MM. Bellecourt père et fils, et Mad. Hervey a réuni tous les suffrages dans celui d’Adèle, qu’elle a joué avec beaucoup de grâce, de gaité et d’intelligence. Cette actrice, depuis peu au Vaudeville, est déjà une de celles qui jouissent la plus de la faveur du public, et elle le mérité à tous égards. L’auteur est M. Dubois.                  F. J. B. P. G***

 

Mercure de France, n° CL (22 Floréal an 12, Samedi 12 Mai 1804), p. 374-376 :

Théâtre Du Vaudeville.

Edouard et Adèle, ou l'Indifférence par amour, de M. Dubois.

Si l'on ne voulait que des occupations édifiantes et sérieuses ; s'il était possible que tout le monde s'y livrât, il faudrait sans contredit fermer tous les théâtres, et celui du Vaudeville un des premiers ; car rien n'est moins édifiant que ce qu'on y voit. Dans l'Indifférence par amour, c'est un père qui est, d'un bout de la pièce à l'autre, berné par son fils, et une femme qui va devenir sa bru. Il est vrai que ce père est un imbécille, et que les amans ne peuvent réussir qu'en le mystifiant. Si l'on objecte qu'il faut imaginer des situations qui ne compromettent pas l'autorité paternelle, les auteurs répondront que le Vaudeville n'est pas une école de mœurs, mais un rendez-vous de plaisirs ; qu'on n'y va pas pour entendre commenter le Décalogue ; que leurs bluettes ne peuvent causer d'incendie, et que personne ne s'avise de prendre leur badinage à la lettre et d'en faire la règle de sa conduite. Et peut-être faudra-t-il se contenter de cette excuse ; car il serait trop ridicule de juger le joyeux Vaudeville avec la gravité de l'aréopage. On pourrait cependant, sans un excès de rigorisme, exiger qu'il s'abstînt de livrer à la dérision ce qui ne saurait exister long-temps sans la croyance et la vénération publique.

M. Dubois a voulu s'affranchir du joug de l'usage qui semblait exiger un couplet d'annonce. Arlequin -y a suppléé par un lazzi, Quand la comédie aura été jouée, a-t-il dit, je viendrai vous l'annoncer. On s'est contenté de cette facétie qui ne me semble point très-saillante, quoi qu'on en dise.

M. de Belleconr a une aversion décidée pour les mariages d'inclination , parce qu'il y a été attrapé : il ne veut pas que son fils Edoaurd en contracte un de ce genre ; et la moindre sympathie entre lui et sa future épouse, suffirait pour que le père s'y opposât. Il lui destine, en conséquence, une dame de Murville, qu'il s'imagine qu'Edouard n'a jamais vue. Il se trouve au contraire que c'est une jolie veuve dont Edouard est épris, et qui partage son amour. Les deux amans jouent l'indifférence devant le père, et même l'aversion. Averti du stratagème, il leur annonce, pour les éprouver, que puisqu'ils répugnent l'un et l'autre si fort à ce mariage, il n'y songe plus. Le couple amoureux, instruit de l'avis donné à M. de Bellecour, reçoit cette nouvelle avec tant de joie, qu'il est complètement abusé. Alors il veut les unir de force, et on ne lui oppose que la résistance nécessaire pour entretenir son erreur.

Qu'il croie que son fils cède par complaisance, on le conçoit ; mais madame de Murville, maîtresse d'elle-même, comment peut-il penser qu'elle se prête à épouser an homme qui lui inspire plus que de l'indifférence ? II menace sa famille de toute sa colère. Ce motif est bien faible et bien vague pour déterminer la jeune veuve à un si grand sacrifice. On ne voit pas d'ailleurs, on ne dit point quel moyen aurait M. de Bellecour de se venger du refus qu'aurait fait madame de Murville d'épouser son fils, pour qui elle sent et à qui elle inspire un sentiment qui, dans la croyance du père, approche de la haine. Ce dénouement n'a aucune vraisemblance, et détruit toute illusion. M. de Bellecoar, d'ailleurs, se méprend au caractère du mariage d'inclination. Si je ne me trompe, on n'a coutume de donner ce nom qu'à ceux où quelque convenance est sacrifiée a l'amour ; car lorsqu'elles se joignent toutes à un goût réciproque, il me semble que ce n'est pas le cas d'un mariage purement d'inclination; et un père qui, comme M. de Bellecour, s'oppose à une alliance de cette espèce, figurerait mieux peut-être aux Petites-Maisons que sur un théâtre. Il y a un peu de langueur dans quelques scènes. Plusieurs couplets très-agréables ont soutenu la pièce et ont fait demander l'auteur.

Ce vaudeville est un hommage continuel au beau sexe, et quelquefois à sa prééminence sur le nôtre.

Si la femme écrit aussi bien,
C'est qu'elle écrit ce qu'elle pense.

Ces deux vers ont été vivement sentis. Il faut convenir que Voltaire écrivant contre les libelles, Rousseau contre les spectacles, Mercier contre la loterie, ont furieusement décrié la bonne foi du sexe masculin.

Beaucoup d'autres couplets ont été applaudis : je n'en ai retenu que ces vers :

Le premier plaisir est l'amour ;
Le premier bonheur, une femme.

et cette réponse d'Edouard à son père, qui lui dit qu'on se lasse bientôt d'une femme qu'on a prise par inclination :

L'hymen appuyé sur l'amour
N'éprouve point de lassitude.

Mais ce qui a plus contribué au succès de l'auteur, c'est madame Hervey , qui, naguère peu remarquée ou peu employée h ce théâtre, est se placer tout-à-coup entre madame Henri et mademoiselle Desmares, et soutient très-bien ce voisinage.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9e année, 1804, tome V, p. 564 :

[Une inversion du titre et un constat de réussite qui n’emporte pas l’adhésion du critique, « petit imbroglio », invraisemblances contre jeu de l’actrice.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Les nouveautés se sont succédées [sic] rapidement à ce théâtre. Adèle et Edouard, petit imbroglio à trois personnages, de M. Dubois, a réussi, malgré quelques invraisemblances, graces au jeu de madame Hervey.

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