Elfrida

Elfrida, drame héroïque en trois actes, en vers, mêlé d'ariettes, paroles de Guillard, musique de Le Moine, 17 décembre 1791.

Théâtre Italien.

Titre :

Elfrida

Genre

drame héroïque mêlé d’ariettes

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en vers

Musique :

ariettes

Date de création :

17 décembre 1792

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

Guillard

Compositeur(s) :

Le Moine

Mercure universel, tome 10, n° 290 du dimanche 18 décembre 1791, p. 286-287 :

[La pièce nouvelle, un « drame héroïque en 3 actes, en vers, mêlé d'ariettes », n'a guère réussi. Son sujet est tiré de l'histoire de l'Angleterre, et le critique en résume l'essentiel, avant de parler de la pièce, qui est semblable, à par le caractère des personnage et « la catastrophe ». Il précise en quoi elle innove par rapport à l'histoire de l'Angleterre. D'abord, le rôle du père, « mal rattaché à l'action ». Puis le changement du caractère de l'héroïne, de « coquette devenue une épouse fidèle et tendre ». Dès « la fin du second acte le dénouement est prévu ». La pièce n'a pas intéressé au public, malgré « les élans sublimes de madame Dugazon, et le charme puissant d'une musique écrite profondément, d'un style harmonieux et dramatique. La musique est ce que la pièce a de meilleur, et le critique signale plusieurs airs, et « en général le chant a de l'explosion ». Le critique donne ensuite des conseils aux auteurs pour améliorer leur pièce : le musicien doit supprimer un morceau d'ensemble à la fin, inutile puisque le dénouement (« le pardon du roi ») est connu, et le style du poëme est parfois incorrect, deux exemples en forme de « on ne dit point ». Les auteurs sont nommés : « Guillard pour les paroles, et Lemoine pour la musique ». Pas de chute donc.]

Theatre Italien.

Elfrida, drame héroïque en 3 actes, en vers, mêlé d'ariettes, donné hier pour la première fois, n’a obtenu qu'un foible succès.

Le sujet est puisé dans l’histoire d'Angleterre, voici le trait :

Edgar, roi d’Angleterre , sur le bruit de la beauté d'Elfride, charge Athelwold, son favori, d’examiner si la réalité répondoit au bruit public. Les charmes d'Elfride touchèrent si vivement Athelwold, que, résolu d’épouser lui même Elfride, il dissuada le roi sur sa prétendue beauté, épousa Elfride, et la cacha à tous les yeux ; mais ses envieux découvrirent au roi son bonheur, le prince dissimula, voulut voir par lui-même Elfride ; charmé de ses appas, il poignarda Athelwold, et bientôt après il épousa sa femme.

Tel est le fonds de l’histoire, c'est aussi celui de la pièce, si on excepte le changement que l'auteur a apporté au caractère de ses personnages, et à la catastrophe ; voici en peu de mots la marche du drame :

Elfrida regrette et attend son époux, il arrive, elle vole dans ses bras, mais une crainte mortelle l'agite, le roi veut voir son épouse, il découvre à celle-ci le secret de leur union, Elfrida ne sent que l’amour et le courage de lui tout sacrifier ; mais son père, homme ambitieux médite une vengeance contre Athelwold son gendre : il instruit le roi qui voit Elfrida sans être connu ; cette entre vue ne sert qu’à lui pousser son amour pour Athelwold ; le père provoque la vengeance du roi, le monarque s'irrite, menace, et finit par pardonner.

L’on voit que ce père est maladroitement attaché à l’action ; que l'auteur n’a pas tiré tout le parti qu’il auroit pu d'un sujet peut-être intéressant, et que vers la fin du second acte le dénouement est prévu ; il a changé le caractère de son héroïne ; ce n’est plus une coquette qui cherche à étaler ses charmes pour captiver le cœur du roi, c’est une épouse fidèle et tendre qui ressent tout le feu de l'amour et tout le courage de la vertu. Mais la pièce a produit peu d'effet, et eût encore bien moins intéressé, sans les élans sublimes de madame Dugazon, et le charme puissant d’une musique écrite profondément, d’un style harmonieux et dramatique. La finale du premier acte est énergique ; le[s] deux trio du second acte, et celui du troisième, sont bien dessinés, en général le chant a de l’explosion.

Nous invitons l’auteur (M. Lemoine) à retrancher le morceau d’ensemble de la fin, qui fait longueur, et devient inutile, puisqu’après le pardon du roi, tout est fini.

Le style du poëme n’est pas exempt d'incorrections. On ne dit point : donner des rênes, les charmes de son cœur.... Le public a demandé les auteurs ; ce sont MM. Guillard pour les paroles, et Lemoine pour la musique.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 2 (février 1792), p. 338-339 :

[Le compte rendu emprunte à un certain abbé Millot le récit de l’anecdote qui sert de point de départ à la pièce, tout en disant que l’auteur l’a profondément transformée, du moins pour le dénouement, qui ne pouvait être conservé tel quel (pour quelle(s) raison(s) ?). Mais le dénouement transformé ne plaît pas au critique, qui suggère de le modifier, en le rapprochant de ce qu’il était à l’origine (sens du compromis ?). La critique s’achève sur les jugements habituels, sur la versification (« élégante & noble »), sur la musique, dont on entend qu’elle est « d’un compositeur très-distingué », sur l’interprétation (une actrice sort du lot).]

On a donné, samedi 17 décembre, la premiere représentation d'Elfrida, drame héroïque en trois actes, en vers, mêlé d'ariettes, paroles de M. Guillard, musique de M. le Moine.

Cette piece est un véritable opéra ; le sujet a été traité par Masson, poëte anglois, qui en a fait une tragédie. L'anecdote historique sur laquelle il est fondé est ainsi racontée par l'abbé Millot : « Edgar, roi d'Angleterre, succéda á son frere Edwin en 959. Elfrida étoit la fille & devoit être l'héritiere de Davon, l'un des plus grands seigneurs du royaume. Quoiqu'elle n'eût jamais paru à la cour, le bruit de sa beauté la rendoit célebre. Edgar pensa sérieusement à l'épouser ; mais ne voulant rien faire au hasard, il charge Athelwold, son favori, d'aller vers le comte sous quelque prétexte, & d'examiner si la réalité répondoit au bruit public. Les charmes d'EIfrida frapperent si vivement Athelwold, qu'il résolut de l'enlever à son maître. Il revient ; il la représente comme une femme sans beauté, & dégoûte le prince par des rapports infideles. Il lui insinue ensuite adroitement que ce parti, indigne d'un roi, conviendroit assez à la fortune d'un sujet, & qu'un riche héritage le rendroit moins difficile sur le désagrément de la figure. Edgar consent volontiers aux projets de son favori : le mariage se conclut. Le nouvel époux a grand soin de tenir sa femme cachée en province  ; mais ses envieux ou la renommée découvrirent bientôt la perfidie. Le roi, dissimulant sa colere, dit à Athelwold qu'il vouloit lui rendre visite dans son château & faire connoissance avec son épouse. Celui-ci prend les devans, sous prétexte des préparatifs nécessaires, révele tout le secret à Elfrida, & la conjure d'employer son esprit & son adresse à paroître telle qu'il l'avoit dépeinte. C'étoit lui demander un effort des plus héroïques. Elfrida, avec l'envie de plaire & peut-être de se venger, ne manque pas d'étaler toute sa grace. L'amour, la fureur, s'emparent du roi. II engage Athelwold dans une partie de chasse, le poignarde de sa propre main, & épouse sa femme bientôt après. »

Dans la piece françoise, la femme d'Athewold n'est point coquette ; elle aime passionnément son mari, partage toutes ses craintes, & finit par obtenir que le roi lui pardonne. On ne s'intéresse pas très-vivement pour lui : car on ne sait pas s'il le mérite, & le voyant aimé, on prévoit qu'il se tirera du mauvais pas où il est engagé. Il est vrai que le dénouement de l'anecdote pourroit difficilement être transporté tel qu'il est. Mais Elfrida pouvoit conserver un reste de coquetterie, être un peu piquée contre un homme qui lui avoit fait manquer une telle fortune ; étaler tous ses charmes aux yeux du roi ; réussir au-delà de son attente; en être effrayée quand elle en auroit vu les conséquences, & réparer le mal par son ascendant sur l'esprit d'Edgar. Cette maniere d'envisager le sujet auroit jetté plus de diversité dans le ton & la couleur. Quoi qu'il en soit, sans avoir un très-grand succès, la piece a été écoutée favorablement.

La versification est élégante & noble. Pour la musique, on s'est promptement apperçu qu'elle étoit d'un compositeur très-distingué. Plusieurs morceaux ont obtenu de grands applaudissemens, entr'autres un excellent trio au second acte. Madame du Gazon a contribué beaucoup à soutenir l'ouvrage ; elle a joué le principal rôle avec sa supériorité ordinaire ; & les autres ont été bien remplis par MM. Michu, Philippe & Chénard.

D'après la base César, la pièce a été jouée 6 fois, du 17 décembre 1791 au 12 janvier 1792 (moins d'un mois après sa création...).

La pièce du poète anglais Mason s’intitule aussi Elfrida (1752).

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