Encore des Savoyards, ou l'École des parvenus

Encore des Savoyards, ou l'École des parvenus, comédie en deux actes, en prose, de M. Pujouls, 25 septembre 1789.

Théâtre Italien.

La comédie de Pujoulx a reparu sur le Théâtre italien sous forme d'un opéra comique en un acte, avec une musique de Devienne.

Titre :

Encore des Savoyards, ou l'École des parvenus

Genre

comédie

Nombre d'actes :

2 (1 en 1792)

Vers / prose ?

prose

Musique :

non / oui en 1792

Date de création :

25 septembre 1789

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

M. Pujouls

Compositeur(s) :

M. Devienne (pour la version en 1 acte de 1792)

Mercure de France, tome CXXXVII, n° 46 du samedi 14 novembre 1789, p. 39-40 :

[Avec retard, le Mercure rend compte d’une pièce qui a réussi, la suite des Deux petits Savoyards. D'abord « une courte analyse », puis un jugement habilement balancé : bien sûr la pièce a des longueurs qui avaient nui à la première représentation, mais elles ont disparu, « & la Pièce a beaucoup gagné » : « un intérêt aimable, des détails gais & attachans, une morale pure & vraie », voilà qui font de belles qualités pour une pièce comique.]

COMÉDIE ITALIENNE.

Nous avons tardé à rendre compte de l'Ecole des Parvenus, ou Encore des Savoyards, Comédie en deux Actes & en prose, jouée pour la première fois le Vendredi 25 Septembre : mais nous n'avons pas oublié cet Ouvrage intéressant, qui fait suite aux Deux Petits Savoyards, & dont voici une courte analyse.

Michel & Joseph sont à Paris chez M. de Verseuil leur oncle, avec la veuve Michelli leur mère. L’état d'aisance ou ils se trouvent n'a point chargé leurs mœurs, & la bonté de leurs cœurs est toujours la même. M. de Verseuil s'est promis de faire chercher un homme sage qui soit dans sa maison une espèce d'Intendant , une femme de charge & un jeune homme qui serve à ses neveux de compagnion d'étude. Michel & Joseph se proposent de procurer deux de ces places à deux de leurs compatriotes, qu'ils cngagent à se présenter chez leur oncle, Madame Michelli, de son côté, propose une femme de son pays. Les trois protégés, mis en regard, offrent le père, la mère & le fils. Comme les enfans ont fait habiller dans le costume de la ville les deux Sujets qu'ils présentent, M de Verseuil, pour leur donner une double leçon, fait d'abord ouvrir une armoire où sont conservés les habits savoyards avec lesquels il est venu à Paris, ainsi que le portrait de son frère sous des habits semblables. Il feint ensuite d'avoir disposé des trois places. Enfin, quand il a contemplé quelques instans ic chagrin de ses neveux, il leur rend tout leur bonheur, en leur faisant doucement sentir leur indiscrétion, & en acceptant la famille que la sienne a rassemblée.

Des longueurs, & un peu trop d'esprit d'urbanité avoient, en quelque façon, altéré l'effet de la première représentation de cet Ouvrage. L’Auteur a fait disparoître ce superflu, & la Pièce a beau coup gagné. Un intérêt aimable, des détails gais & attachans, une morale pure & vraie : telles sont les principales qualités de cette Comédie, dont l'Auteur est M. Pujoulx.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome X (octobre 1789), p. 329-331 :

[Le compte rendu insiste beaucoup sur le caractère profondément moral de l’intrigue et des personnages. Quelques défauts de détail (dont l’habituelle longueur...), l’incohérence du choix du langage de la mère (où a-t-elle appris à parler avec distinction ?), une intrigue trop évidente. Mais «  il y a de l'esprit, de la grace & de l'intérêt dans les détails; & l'on y remarque sur-tout une succession & un développement de sentimens honnêtes & délicats », et c’est ce qui l’emporte...]

Le vendredi 25 septembre, on a donné une premiere représentation de : Encore des Savoyards, ou l'Ecole des parvenus, comédie en deux actes, en prose, faisant suite aux deux petits Savoyards.

Les deux petits Savoyards de M. Marsollier, ont trop intéressé, pour qu'on ne soit pas charmé de les retrouver : par-tout où l'on rencontrera ces deux jolis enfans, on les accueillera avec empressement, pourvu qu'ils aient conservé cette tournure originale & naïve, qui a contribué à les faire aimer de tout le monde. Il ne faut donc pas s'étonner du succès qu'a obtenu la piece nouvelle.

On en connoît la plupart des personnages. C'est Michel & Joseph , non plus en Savoyards, mais sous des habits brillans, qui, avec leur mere Michelli, coulent des jours heureux auprès de M. de Verseuil. Cet oncle bienfaisant a besoin de trois domestiques, dont une femme. Les deux enfans & leur mere, toujours portés à faire du bien, jettent les yeux, chacun séparément & secrétement, sur Antoine, sa femme & son fils, tous trois Savoyards, honnêtes, & grands amis autrefois de la famille Micheli, & ils travaillent à leur faire occuper ces trois places. C'est de la maniere dont ils s'y prennent, & du secret qu'ils y mettent , que sort l'intérêt de l'ouvrage. Au dénouement, qui a le défaut d'être un peu trop prévu , ils sont étonnés de s'être si fort rapprochés dans leur choix. Mais un détail suspend la conclusion, & amene la moralité par laquelle l'auteur a voulu finir. Les deux Savoyards protecteurs ont fait changer de costume à leurs protégés ; leur oncle, toujours bon & honnête, piqué de ce que ses neveux ont cru que les rustiques habits de leurs anciens camarades pourroient les desservir en se présentant chez lui, se venge par une leçon. Il fait ouvrir une armoire où sont renfermés les anciens habits de ses neveux, le sien propre, avec le portrait de son frere dans le même costume ; en leur montrant cette intéressante garderobe, il leur dit que c'est toujours avec plaisir qu'il la contemple, & il feint d'avoir déja donné les trois places sollicitées ; mais il tire bientôt de peine tout le monde, en acceptant la vertueuse famille qu'on lui a présentée.

Il y a quelques longueurs dans cet ouvrage. On a été surpris que l'auteur ait donné les manieres & le langage du monde choisi, à la mere, qui, n'ayant jamais quitté ses enfans, doit, ou n'avoir pas reçu une si bonne éducation, ou leur en avoir donné une meilleure. Nous aurions désiré aussi une combinaison un peu moins apparente dans l'intrigue. Voilà quelques taches sans doute ; mais il y a de l'esprit, de la grace & de l'intérêt dans les détails; & l'on y remarque sur-tout une succession & un développement de sentimens honnêtes & délicats. Cet ouvrage est de M. Pujouls, & il est digne en effet du Souper de Famille, très-justement accueilli sur ce même théatre.

Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 45 du mercredi 15 février 1792, p. 188 :

[Après avoir raconté les aventures de la pièce, passant de comédie en deux actes à opéra comique en un acte doté d'une musique de Devienne, transformation peu réussie aux yeux du critique, l'article analyse les raisons de ce qui paraît un échec : « la musique ne fait que distendre ce sujet déjà faible », ce qui est loin de combler « ce vide d'action » ; et elle rend difficile la compréhension de la pièce. A ces défauts, s'ajoute un vice plus grave (et souvent soulevé par ailleurs) : « le chant est un peu trop sacrifié à la partie instrumentale ». Le critique en profite pour rappeler que la musique de théâtre doit privilégier le chant sur la musique « de symphonie ». L'auteur de la musique est nommé, tout comme l'auteur du texte, mais le morceau le plus remarqué n'est pas de Devienne, mais de Gluck : c'est un emprunt à une pièce antérieure de Gluck donnée sans succès deux ans auparavant. L'article s'achève par un jugement positif sur le travail de Pujoulx, auteur de nombreux « traits d'esprit et de sentiment », et sur les interprètes  : la pièce « est parfaitement jouée ».

Les Pélerins de La Mecque ou la Rencontre imprévue est une pièce de Dancourt, musique de Gluck, créée en 1764 à, Vienne, et dont la base César ne connaît que des représentations données au Grand Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, entre 1766 et 1776. Mais pas trace d'une représentation parisienne. La version sous forme d'une « comédie mêlée d'ariettes » s'inspire d'une pièce antérieure de Lesage.

Le site Gallica de la BNF en reproduit une partition manuscrite.]

Théatre Italien.

L'Ecole des Parvenus, ou la Suite des petits Savoyards, avait déjà été donnée à ce théâtre, sous la forme d'une comédie en deux actes. On y avait applaudi des détails charmans, pleins d'intérêt et de sensibilité; mais on avait trouvé la piece un peu longue pour le peu d'action qui sert à la fonder. L'auteur a imaginé de la réduire en un acte, et d'y ajouter de la musique, comme un nouveau moyen de corriger ce défaut de mouvement. Nous croyons qu'à cet égard il s'est trompé : la musique ne fait que distendre ce sujet déjà faible ; elle absorbe les détails qui le vivifiaient, et ne sert qu'à rendre plus sensible ce vide d'action qu'elle aggrandit encore. Elle a un autre défaut, c'est qu'elle empêche d'entendre des explications très-essentielles, notamment vers la fin, de maniere que le plus grand nombre des spectateurs peut à peine, par le secours de la pantomime, deviner le dénouement. Est-ce la faute du poëte, ou celle du musicien ? C'est peut-être celle de tous deux. Le premier devait éviter de livrer à la musique des éclaircissemens nécessaires ; mais l'autre surtout devait les ménager avec plus d'art, et ne pas les couvrir d'accompagnemens. En général, dans cette musique, qui a été fort applaudie parce qu'elle flatte agréablement l'oreille, le chant est un peu trop sacrifié à la partie instrumentale. Nous croyons pouvoir donner ce conseil à l'auteur, M. Devienne, dont on admire déjà plusieurs morceaux de symphonie qui annoncent un talent distingué, mais qui n'a pas encore beaucoup travaillé pour le théâtre. Le chant doit toujours être la partie principale; c'est à celle-là qu'il doit surtout s'attacher, car c'est elle, en général, qui se charge de l'expression des paroles.

Le morceau qui a été le plus applaudi, est un petit air délicieux, composé et chanté avec un goût et une adresse infinie par M. Sollier. Ce morceau avait déjà été entendu une fois dans les Pèlerins de la Mecque, opéra comique de Gluck, donné, il y a environ deux ans, sans succès ; mais ce petit air avait fait la fortune qu'il mérite. On l'a fort adroitement enchassé dans un morceau d'ensemble construit sur les mêmes motifs. Le public l'a fait répéter.

Au surplus cette piece, telle qu'elle est, est encore fort agréable. Elle fourmille de traits d'esprit et de sentiment. Elle est de M. Pujoulx, connu par diverses productions remplies de mérite. Elle est parfaitement jouée par mesdemoiselles Rosalie et Rose Renaud, par madame Gonthier, et par MM. Sollier et Chenard.

D’après la base César, la pièce est de Jean-Baptiste Pujoulx, avec une musique de François Devienne (dont le compte rendu de l’Esprit des journaux ne parle pas du tout... Mais c’est qu’elle n’existait pas en 1789). Elle a eu 27 représentations au Théâtre Italien du 25 septembre 1789 au 6 octobre 1792 (7 en 1789, 20 en 1792).

Les représentations de 1792 sont une sorte de recréation : la pièce a été réduite en un acte, et c’est là que la pièce est devenue un opéra-comique, avec la musique de Devienne...

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