Esther, mélodrame en trois actes à grand spectacle, de Plancher-Valcour, musique de Leblanc, 1793. 27 brumaire an 11 [18 novembre 1802] ?
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, « se vend au Théâtre de l'Ambigu-Comique », an 11 (1802) :
Esther, malodrame en trois actes, à grand spectacle, mêlé de chants et de danses Par les citoyens Plancher Valcour et Leblanc. Représenté pour la première fois, sur le théatre de l'Ambigu-comique, le 27 brumaire an 11.
Courrier des spectacles, n° 2084 du 29 brumaire an 11 [20 novembre 1802], p. 3 :
[Un premier paragraphe paraît être à la gloire du théâtre où cette nouvelle Esther est jouée et une pièce qui, reprenant un sujet traité par Racine, permet de voir combien le mélodrame est proche de la tragédie, le plus prestigieux de tous les genres dramatiques. Le deuxième paragraphe commence aussi sur le mode de l'éloge : la pièce a été magnifiquement monté, « les costumes sont nombreux, choisis avec goût et d’une grande fraîcheur ». Mais ensuite, le ton change du tout au tout : la pièce est mauvaise : le plan est très mauvais, et les détails ne rachètent pas « les défauts de l'action ». Un exemple suffit pour le montrer, celui de ce ballet des « prisonniers fers aux pieds ». La fin de l'article est consacré au résumé de l'intrigue, non sans un soupçon d'ironie. Ce mélodrame censé être si proche de la tragédie est raconté comme un mauvais roman, plein de hasards et d'invraisemblances (la bague qui rend invisible, c'est le moyen de souligner l'arbitraire de l'enchaînement des événements dans la pièce). De même, le rôle d'Aman est peu glorieux : il condamne tous les Juifs à périr, mais c'est simplement un moyen de se débarrasser d'Esther et de Mardochée. Quant à Wasthy, la première épouse d'Assuérus, elle est surtout caractérisée par son aptitude à apparaître où on ne l'attend pas, comme par magie. Le dénouement est simple : Wasthy s'empoisonne, Aman est confondu : accusé par Wasthy, il est trahi par une lettre (les lettres, quel que soit leur support, sont un moyen facile de révéler tout ce qu'on veut. Et la dernière phrase, au lieu de donner les noms des auteurs, ou de parler des interprètes ou du style, évoque les « actions de graces […] rendues au Dieu des Juifs ». La condamnation de la pièce a été faite au début de l'article, in utile d'y revenir.]
Théâtre de l'Ambigu.
L’ancienneté de ce théâtre et les succès constans qu’il obtient lui méritent d’être distingué entre le grand nombre de ceux que compte la capitale. Le titre d'Esther rappelle aussi-tôt la pièce que Racine composa pour la maison de St-Cyr, et fait savoir jusqu’à quel point le mélodrame ressemble à la tragédie.
Nous reconnoitrons avec plaisir que le directeur n’a rien négligé pour monter cet ouvrage avec la somptuosité persanne. Les costumes sont nombreux, choisis avec goût et d’une grande fraîcheur ; mais l’ouvrage !.. Rien n’est plus mauvais que le plan imaginé par l’auteur, et rien dans les détails ne peut faire oublier les défauts de l’action. Pour ne citer qu’un ballet ridicule entre plusieurs autres nous demanderons comment il a pu venir dans l’idée d’un compositeur de faire danser une douzaine de prisonniers les fers aux pieds ?
Un simple exposé du sujet suffira pour faire appercevoir les défauts multipliés de l’ouvrage.
Assuérus est sur le point de faire célébrer son mariage avec Esther, la pompe est ordonnée, la cérémonie va avoir lieu. Mais Wasthy, première épouse du roi qu’il a répudiée et que l’on croit bien loin, est à Suze, que dis-je ? elle est dans le palais du roi. Il faut croire qu’elle porte au doigt une bague qui la rend invisible, car elle vient sans être vue de personne. Toutefois elle se présente impudemment devant Je favori du monarque ; elle fait connoitre à Aman ses projets de vengeance, lui déclare qu’elle a pour défenseurs Bagotho et Théoclès, chefs de la garde d’Assuérus, et l’engage â prendre lui-même parti dans sa querelle.
La fête commence et est interrompue par Mardoché qui vient avertir le roi du danger qu’il court. Ses soldats volent aux armes, Aman les suit, et le brave Assuérus, à la tête de ses danseurs et de ses danseuses ; enfin, ne voyant point paroitre d’ennemi, il rengaine, et bientôt Aman rentre après avoir tué Théoclès, et par ce coup appaise la sédition.
La furieuse Warthy vient accabler de reproches Aman qui l’assure de nouveau de son attachement â ses intérêts ; pour le lui témoigner, il obtient de son maître un édit qui prononce la mort de tous les Juifs : cependant Assuérus pour reconnoitre le service que lui a rendu Mardochée lui fait rendre tous les honneurs mentionnés dans l’histoire.
Esther à la fin d’un repas donné dans ses jardins à Assuérus et à Aman fait connoitre au roi qu’elle et Mardochée sont de la nation juive et que le coupable favori a trahi le prince en lui faisant prononcer l’arrêt d’une nation entière, elle dévoile ses complots avec Wasthy qui, par un pouvoir qu'il faut croire sur naturel s'est introduit dans le jardin, et paroit devant le roi après avoir fait couler du poison dans ses veines.
Elle accuse Aman d’être son complice ; et celui-ci qui veut se défendre est confondu par une lettre que lui avoit écrite Théoclès avant de mourir. Des actions de graces sont rendues au Dieu des Juifs.
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