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Eugénie

Eugénie, drame en cinq actes et en prose, de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, 29 janvier 1767, repris le 29 octobre 1791 au Théâtre du Marais.

Comédie Française (1767).

Théâtre du Marais (1791).

Titre :

Eugénie

Genre

drame

Nombre d'actes :

5

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

29 janvier 1767 (reprises nombreuses)

Théâtre :

Comédie Française

Auteur(s) des paroles :

Caron de Beaumarchais

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 46 du samedi 12 novembre 1791, p. 63-65 :

[La pièce de Beaumarchais n’est certes pas une nouveauté, elle a déjà été abondamment jouée sur divers théâtres en province et à l’étranger, elle a été créée à la Comédie Française en 1767, et il s’agit ici d'une reprise sur un des nombreux théâtres qui se créent à Paris à ce moment, le Théâtre du Marais. Le critique commence d’ailleurs par évoquer cette prolifération de scènes éphémères, pour distinguer le Théâtre du Marais, qu’il croit capable de durer, à condition que les habitués des théâtres consentent à s’éloigner du centre pour aller voir ce théâtre excentré. De la pièce, bien connue de tous, il ne veut rien dire, sinon que c’est un « Drame si intéressant & si moral, qui parle tant à l'esprit & au cœur, qui arrache tant de réflexions & de larmes ». L’auteur a fait des modifications heureuses à sa pièce. La fin de l’article est consacrée aux acteurs, chacun ayant droit à un paragraphe laudateur. Leur intérêt est de faire saisir ce qu’on attend alors d’un interprète. L’un d’eux est ainsi crédité d’une sagesse qui lui permet de régler ses mouvements de façon toujours opportune, il est aussi très habile dans l’art subtil des aparté. Le Théâtre du Marais semble, aux yeux du critique doté d’une troupe dont on peut attendre beaucoup.]

SPECTACLES.

Nous avons promis de parler indistinctement de tous les Théâtres ; cependant nous ne nous pressons pas d'entretenir le Public de tous ceux qui s'élevent chaque jour ; ce serait courir le risque d'annoncer aujourd'hui le début de celui dont il faudrait dans un mois annoncer la chute. Le Théâtre du Marais, rue Culture Sainte-Catherine, est loin d'avoir à craindre ce revers ; il a lieu d'espérer, au contraire, que mieux connu des véritables Amateurs, ils oublieront l'éloignement où il est du centre, pour aller y voir jouer la Comédie avec un ensemble bien rare ; & y jouir de talens qu’on ne se douterait pas d'y rencontrer.

On vient d'y donner la premiere représentation d'Eugénie, Drame de M. Beaumarchais ; c'est sur-tout cet Ouvrage qu’il est bon d'y voir, parce qu'il a été très-bien établi ailleurs, & qu'on ne juge jamais aussi bien que par comparaison .Nous ne dirons rien de la Piece ; de ce Drame si intéressant & si moral, qui parle tant à l'esprit & au cœur, qui arrache tant de réflexions & de larmes. Nous remarquerons seulement que l'Auteur a nourri davantage les scènes, qu'il a restitué ou refait plusieurs passages retranchés pour satisfaire à l'impatience Française, mais dont la suppression donnait au dialogue un air sec & décharné. Mais c'est sur-tout des Acteurs dont nous avons à rendre compte.

Nous ne croyons pas qu'on ait l'idée d'un Acteur plus parfait que M. Batiste, chargé du rôle du Comte Clarendon. Taille, figure, maintien, noblesse ; organe intéressant & sonore ; diction pure, intelligence, sagesse & profondeur, il a tout ce qu’on peut désirer à la Scène. Nous avons mis la sagesse au nombre de ses qualités ; & en effet, malgré la chaleur de son ame, à laquelle il sait se livrer quand il le faut, cette sagesse regle toujours ses mouvemens : avantage bien rare au Théâtre, où l'on connaît peu de milieu entre l'emportement & la froideur. Nous n'avons vu personne dire les à parte d'une maniere aussi sublime & aussi vraie. N'ayez pas peur qu'il tourne le dos au personnage avec lequel il se trouve en Scène, pour l'empêcher entendre ce qu'il ne doit dire qu'à lui même, ou qu'il s'avise de l'adresser au Public. L'extrême vérité qu'il a dans ces momens, il la transporte dans toutes les parties de son rôle. En un mot, nous croyons qu'il n'est point de Théâtre dont M. Batiste ne fît la gloire, & où il ne tînt le même rang qu'à celui du Marais.

Madame Batiste y joue Eugénie avec infiniment de grace, d'intérêt , de sensibilité , & dans le grand pathétique avec une force que le rôle exige & qu'on y a souvent desirée. Sa figure & son organe ajoutent encore au plaisir que fait son talent.

Ce serait faite à Madame Forgeot, ci-devant Mad. Verteuil, une sorte d'injure que de s'étendre sur les éloges qu'elle mérite. Ce n'est pas à ce Théâtre que le Public de Paris la voit pour la premiere fois. Elle s'est montrée à celui des Italiens, & s'y est fait une réputation qui n'est point altérée ; mais nous osons croire qu'ici son talent se développe davantage, en parcourant un Répertoire mieux composé. Les bons rôles ne font pas seuls les bons Acteurs ; mais ils ne nuisent pas au talent de ceux qui en ont.

Nous dirons la même chose de M. Valeroy, qu'on a vu aussi au Théâtre Italien, mais dont le talent, sur celui du Marais, montre des ressources bien plus étendues. L'Acteur qui joue le pere d'Eugénie, quoiqu'accoutumé aux rôles comiques. montre dans celui-là une parfaite intelligence & une profonde sensibilité. Tous les Acteurs de cette Troupe, que nous ne connaissons pas encore, sont dignes de paraître avec ceux que nous venons de citer ; nous n'avons plus qu'à former un regret, c'est que ce Théâtre ne soit pas encore connu autant qu'il mérite de l'être.

La base César connaît bien sûr la pièce de Beaumarchais, mais la liste des représentations qu’il donne n’est pas très satisfaisante. Les premières représentations connues, de 1765 à 1789, ont lieu à l’étranger (Bruxelles, Gand, Maestricht) ou en province (Lorient, Toulouse). On peine à y trouver, le 29 janvier 1767, la date de création à la Comédie Française, placée au Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain, alors que la base La Grange de la Comédie Française la situe au Jeu de paume de l’Etoile. Et il faut attendre 1789 pour voir apparaître une représentation parisienne, le 28 mai 1789, au Théâtre de la Nation (2 représentations en 1789, 5 en 1790). Les représentations au Théâtre du Marais commencent le 29 octobre 1791 (6 représentations en 1791, 6 en 1792, 2 en 1793). Pièce populaire, elle a été jouée encore dans de nombreux autres théâtres tout au long de la décennie, dont bien sûr le Théâtre français de la rue de Richelieu. Et elle a continué à être jouée après 1799  la Comédie Française (base La Grange) lui connaît 192 représentations de 1767 à 1863.

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