L’ Eau anti-scorbutique, vaudeville, de Bellin de La Liborlière et Bonel, 7 fructidor an 8 [25 août 1800].
Théâtre des Troubadours.
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Titre :
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Eau anti-scorbutique (l’)
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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7 fructidor an VIII (25 août 1800)
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Théâtre :
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Théâtre des Troubadours
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Auteur(s) des paroles :
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Bellin de La Liborlière et Bonel
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Courrier des spectacles, n° 1270, 8 fructidor an VIII, p. 2 :
[Le propre du vaudeville, c’est de s’inspirer de tout ce qui fait l’actualité, et d’en faire le sujet d’une pièce hésitant entre dérision et sérieux plus ou moins grave. Ici, c’est l’invention de l’eau anti-scorbutique qui est moquée, mais aussi la crédulité de ceux qui croient possible « un spécifique universel » (bel oxymore !). Comme souvent au Vaudeville, les couplets sauvent le fond, et c’est dans l’un d’eux qu’on trouve une allusion à l’exécution de Lavoisier (moyen de critiquer la Terreur qui en est responsable), tandis qu’un autre affirme que les habits de militaires ne portent jamais de tache (comprenne qui voudra).]
Théâtre des Troubadours.
Il est donc écrit que rien ne pourra échapper aux traits du malin vaudeville. L’eau anti-scorbutique, cette eau prônée comme un spécifique universel n'a pas eu assez de vertu pour guérir deux jeunes disciples de Momus de la manie d'écrire contre elle et son auteur : ces deux jeunes gens sont les cit. Bonel, auteur de la Nouvelle inattendue, et Bellin.
Derval aime la fille de d'Auberval, qui a désigné pour son gendre un certain Droguet apothicaire, son associé. Dorval, pour obtenir le consentement du père, a recours à son ami Floricourt, qui le présente chez d'Auberval, en qualité de chimiste, et lui vend la possession d!une eau qu'il assure être le spécifique universel. D'Auberval et Droguet spéculent sur le produit de cette eau. Floricourt se présene successivement chez lui en petit-maître et en dégraisseur, et emporte des bouteilles de spécifique. Bientôt il revient crier à la friponnerie, et menace de la justice. Droguet goûte l'eau : il s'apperçoit qu'il est dupe, et pour ne point partager la perte, il .renonce à la main de la fille de d'Auberval. Derval revient, et rendant au père de celle qu'il aime les fonds qu'il avoit donnés pour la prétendue découverte, il est accepté pour gendre et avoue la ruse et les déguisemens de son ami.
Quel fonds ! que cela est pauvre, disait quelques intéressés ! Mais que cela est riche en couplets ! la plupart ont été redemandés. On distingue celui-ci : d'Auberval demande à Floricourt s'il ne craint pas que l'on ne découvre sou secret.
D'Auberval.
Air : du Panorama.
Mon cher, dans le siècle où nous sommes,
Je crains peu cet événement :
La science parmi les hommes
N'est pas commune assurément.
En vain à remplacer Voltaire,
On vit maint auteur s'essayer ;
Tous nos chimistes ont beau faire,
Nous pleurons encor Lavoisier.
C'est le premier hommage rendu sur le théâtre au célèbre et malheureux Lavoisier...
Le rôle du dégraisseur en offre plusieurs, parmi lesquels nous avons retenu celui-ci :
D'Auberval. à Savonet.
On vous confie beaucoup d'habits?
Derval.
Air: Vaudeville de l’Isle des femmes.
J'ai ceux de plus d'un élégant,
Mais l’étoffe en est trop légère,
Ceux des belles, quoiqu'à présent
La gaze en soit souvent bien claire.
A décrasser les usuriers
C'est vainement que je m'attache.
D'Aubervai.
Vous ne parlez pas des militaires.
Derval.
Ah ! sur l’habit de nos guerriers
Je ne trouve jamais de tache.
La meilleure preuve du succès mérité de cet ouvrage, c'est les ris universels qu'il excitoit à chaque instant ; eu un mot, c'est un vrai spécifique contre la mélancolie. F. J. B. P. G***.
Courrier des spectacles, n° 1272, 10 fructidor an VIII, p. 2 :
[Retour sur l’Eau anti-scorbutique, pour dire qu’elle a été améliorée après la première représentation (elle en avait donc besoin ?). Ces modifications ont porté sur les couplets, où il y a eu des suppressions et des jeux verbaux « qui n'avaient pas eu l'approbation générale ». Le critique en profite pour citer les noms des acteurs (notons que le personnage unique de l’Ami (Floricourt) est traité comme quatre rôles différents), et pour citer un nouveau couplet, où les différences de taches permettent de critiquer les utilisateurs de l’encre (les jounralistes ? les écrivains ?) et de se féliciter que le sang ne coule plus (la paix est donc revenue dans la société).
Théâtre des Troubadours.
D'après la seconde représentation de l’Eau anti-scorbutique, nous avons remarqué divers changemens utiles opérés dans cet ouvrage. On y a supprimé quelques couplets, quelques calembourgs et jeux de mots qui n'avaient pas eu l'approbation générale.
Nous saisissons avec plaisir cette occasion de payer le tribut d'éloges que méritent, chacun dans leur rôle, les cit. Bellement, Delpech, Huet, Mlle Delporte, et sur-tout, le cit. Frédérick qui, dans les rôles d' Ami, de Petit-maître, de Chymiste et de Dégraisseur, fit preuve de talent et d'intelligence. Les couplets que nous avons cités furent encore hier vivement redemandés : et celui-ci excita entr'autres un enthousiasme universel :
D'Auberval au Dégraisseur.
Air du Vaudeville d’Abufar.
Dans l'état que vous professez,
Vous avez beaucoup de besogne :
Taches de vin ?
Le Dégraisseur.
J'en vois assez;
Mais il est permis d'être ivrogne.
D'Auberval.
Taches d'encre ?
Le Dégraisseur.
Pour celles-ci
Elles sont encor trop communes.
D'Auberval.
Taches de sang ?
Le Dégraisseur.
Ah ! Dieu merci !
Je n'en rencontre plus aucunes.
Journal de Paris, n° 339 du 9 fructidor a n 8 [27 août 1800], p. 1687 :
[L'eau anti-scorbutique est à la mode, et le vaudeville propose une pièce où elle est évidemment objet de plaisanterie. Le critique ne cache pas qu'il s'agit d'une « petite pièce à tiroirs, dont le fond est tout-à-fait nul », et dont on ne peut sauver que les couplets. Il en donne un exemple qui chante les vertus de la fameuse eau, en réussissant l'exploit d'accumuler tous les mots en -if de la langue, ou peu s'en faut. Il n'y a plus qu'à citer les auteurs, qui ne sont pas des inconnus, du moins au théâtre des Troubadours.]
Troubadours.
La 1.re représentation du vaudeville intitulé : l'Eau anti-scorburique, a obtenu beaucoup de succès. Nous n'analyserons pas cette petite pièce à tiroirs, dont le fond est tout-à-fait nul ; il nous suffira de dire que les auteurs ont heureusement déguisé cette extrême foiblesse de canevas sous un grand nombre de très jolis couplets. Parmi les vaudevilles que le public a fait répéter, nous avons remarqué le suivant, qui est sur l'air de la Marche du roi de Prusse ; l'inventeur de l'eau anti-scorbutique fait l'éloge de ce spécifique merveilleux.
En homme expéditif,
Je vais au positif,
Sans moyen évasif,
Être expressif :
Cette eau renferme un sel actif,
Dont l'effet par fois purgatif,
Tient beaucoup de l'apéritif ;
Il peut devenir digestif,
Et même très-corroboratif,
Par l'astringent détersif ;
Souvent dépuratif,
Il est par correctif,
A propos émulsif,
Et lénitif,
A notre sang passif,
Donnant un cours plus vif,
Il est excitatif
Et réactif ;
Par l'humide confortatif,
Précipitant un pouls tardif,
Reláchant un muscle rétif,
Sur chaque vice maladif,
Il est en tout temps effecif;
Ce détail, qui n'est point fictif,
Peut aller à l'infinitif ;
Même le premier apprentif,
Diroit d'un ton affirmatif,
Que de tous les remèdes en if,
Voici le superlatif.
Les auteurs ont été demandés & nommés; ce sont les C.ns Bellin & Bonel, déjà connus par des succès à ce théâtre.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome III, p. 117 :
[On sent que le critique est un peu désabusé : pas de fond, mais des couplets comme on les aime alors, éloges et méchancetés (flatterie ou attaque, pour provoquer applaudissements ou ricanements). Et c’est, hélas, « le moyen sûr de réussir ». Le qualificatif de « bagatelle » paraît bien gentil dans ce contexte.]
THÉATRE DES TROUBADOURS.
L'Eau anti-scorbutique.
Ce vaudeville a été joué le 7 fructidor.
Le fond le plus pauvre est racheté par des couplets à la mode, c'est-à-dire, par des éloges et des méchancetés : c'est à présent le moyen sûr de réussir. Les auteurs de cette bagatelle sont les CC. Belin et Bonel.
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