L'École des juges, drame en trois actes et en prose, de Jean-Baptiste Dubois, 7 mai 1808.
Théâtre de l’Impératrice.
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Titre :
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École des juges (l’)
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Genre
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drame
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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7 mai 1808
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Jean-Baptiste Dubois
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1808 :
L’Ecole des Juges, drame en trois actes, en prose, Par M. Dubois ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Impératrice, le 7 Mai 1808.
Mercure de France, littéraire et politique, tome trente-deuxième (1808), n° CCCLVI (samedi 14 mai 1808), p. 325-326 :
[Le théâtre de l’Impératrice ouvre son répertoire aux drames, et plus seulement aux comédies. La pièce nouvelle, un drame est présenté comme intéressant. Une rapide analyse est censée le montrer (mais la rapidité de cette analyse fait disparaître bien des invraisemblances). La pièce comportait des longueurs qui ont disparu à la seconde représentation. Succès donc, bonne interprétation de Closel.]
Théâtre de l'Impératrice. — Première représentation de l'Ecole des Juges, drame en trois actes et en prose.
La nouvelle administration de ce théâtre semble vouloir lui communiquer une vie plus active ; le répertoire sera désormais plus varié : on ne s'en tiendra plus aux seules comédies, on jouera aussi des drames. Ce genre n'est pas le meilleur, mais il a de nombreux partisans, et il est du devoir de sages entrepreneurs de chercher à contenter tous les goûts.
Le drame intitulé l'Ecole des Juges, est en ce genre le coup d'esssai de M. Dubois : cet ouvrage ne manque pas d'intérêt, et l'analyse que je vais en donner, le prouvera mieux que toutes mes réflexions.
Lord Belton, président du banc du roi, a pour ami lord Edouard amant de la belle Jenny, fille de lady Arson, irlandaise à laquelle il a rendu, sans se faire connaître, d'importans services : lord Selmond, son rival, se les attribue, et à la faveur d'une reconnaissance usurpée il est près d'épouser Jenny, lorsque lady Orson découvre que lord Edouard est le véritable bienfaiteur ; elle promet de l'unir à Jenny. Lord Belton découvre un projet formé par lord Selmond pour perdre lord Edouard dans l'esprit du roi, il se bat avec lui et le tue : lord Edouard, soupçonné d'être l'auteur de la mort de lord Selmond, est conduit devant le banc du roi ; toutes les apparences sont contre lui, les juges le condamnent à l'unanimité ; lord Belton qui a écrit la sentence de sa propre main, y substitue son nom à celui de lord Edouard, fait lire le jugement à haute voix et se déclare coupable : tant de dévouement étonne, mais dans le même moment un fidèle serviteur apporte la grâce accordée à lord Beiton par le roi à qui il avait avoué sa faute.
A la première représentation on avait remarqué des longueurs ; l'auteur les a fait disparaître, et la seconde représentation, dégagée de quelques phrases que le parterre avait désapprouvées, a confirmé le succès de là première.
Closel a joué d'une manière distinguée le rôle de lord Belton.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VI, juin 1808, p. 281-284 :
[Début de compte rendu assez polémique : il y est question de hiérarchie entre les genres (drame, mélodrame) et les théâtres (théâtre de l’Impératrice mis au niveau du théâtre de la Porte Saint-Martin). On sent que le critique n’approuve pas ce qu’il voit comme une décadence de la part d'un théâtre qui joue une pièce, l'Ecole des Juges, pleine de sentences sur tous les sujets faciles, avec lesquelles on ne risque pas de froisser le public. Action froide, style peu correct, présentation du système judiciaire anglais surprenante. Le résumé de l’intrigue, fort long, en montre autant le caractère dramatique (on peut comparer la situation à celle d’une tragédie comme Artaxerce), qu’ennuyeux. Le critique ne se prive pas du plaisir d’en souligner l’arbitraire et l’invraisemblance, dans la répétition des scènes où un personnage entend un autre qui croit parler seul, ou dans l’absence d’avocat à un procès. Le sommet de l’invraisemblable lui paraît dans le dénouement, qualifié ironiquement de « petite surprise ». Un double renversement fait que personne n’est condamné pour le crime commis, ni l’accusé (à tort), ni le coupable. Pas de jugement : on signale seulement que l’auteur a été demandé et nommé, ce qui est gage de son succès.]
L’Ecole des Juges est un drame ou mélodrame, tout ce qu’on voudra. Louvois hérite de la Porte Saint-Martin ; il y a des héritages qui ruinent, il faut prendre garde à celui-ci. Heureusement qu'on a eu affaîre à des créanciers bonnes gens, ils ont pris d'abord patience, ont un peu murmuré ensuite, puis se sont accommodés ; tout s'est terminé à l'amiable et dans les formes accoutumées : il ne tient qu'à nous de croire que tout le monde est content, et on redonnera l'Ecole des Juges pour qui voudra courir la chance de l'entendre. Cette chance est un peu hasardeuse, il faut songer qu'il y a trois actes, pleins à la vérité de belles sentences sur la justice, sur les duels, sur les portraits d'amateurs qui valent mieux que ceux des peintres, sur les aveugles qui ont l'ouïe plus fine que les gens qui voient clair ; enfin sur-tout et par-tout. Et comme les sentences sont applaudies de droit, celles-ci arrivaient toujours à temps pour ranimer la bonne volonté du public que l'action refroidissait beaucoup et que le style n'aurait pas réchauffée, On pourra juger de ce style quand on saura que milord Édouard vient d'essuyer une querelle avec mylord Selmours. L'auteur a pensé sans doute que ses personnages étant Anglais, il fallait, pour l'exactitude du costume, ne les pas faire parler français très-correctement, et il aura jugé aussi que, comme les spectateurs étaient Français, on pouvait leur dire tout ce qu'on voudrait sur la jurisprudence criminelle de l'Angleterre. Ainsi, on voit un président du tribunal du banc du roi, qui, décidé à descendre du pouvoir supréme, c'est-à-dire, de sa fonction de président, pour défendre son ami accusé devant ce tribunal, fait demander au roi cette permission ; le roi la lui refuse. Et puis un des juges de ce tribunal fait arrêter des femmes qui refusent de témoigner dans l'affaire ; un autre juge ordonne qu'on les fasse sortir : mais il arrive un autre ordre, toujours du roi, pour qu'elles restent en prison et qu'elles portent témoignage. Ainsi, elles témoigneront bon gré, malgré, et le roi fera dire encore au tribunal qu'il veut qu'on fasse un exemple ; mais n'ayez pas peur, personne n'en mourra.
Il faut savoir, pour l'intelligence de la chose, que milord Edouard est accusé devant le tribunal du banc du roi d'avoir tué en duel milord Selmours ; mais l’auteur de la mort de Selmours est milord Belton, président de ce tribunal ; ainsi le voilà, comme dans Artaxerce, obligé de juger le crime qu'il a lui-même commis. Dans Artaxerce, l'accusé est le fils du juge coupable ; ici il est son ami. Artaban a conspiré pour son fils : Belton s'est battu pour son ami, car c'est pour prévenir les projets de Selmours contre Edouard, dont il est le rival, que Belton l'a appellé en duel : à cela près qu'Edouard ne sait pas le secret de Belton, la situation est la même ; ce qui prouve l'admirable variété des esprits, dont l'un sait tirer un drame ennuyeux du sujet qui a fourni à l'autre une tragédie intéressante. Belton s'est sauvé après avoir fait le coup ; Edouard, qui passait par-là, a trouvé Selmours prêt à mourir et a reçu ses derniers soupirs : on l'a rencontré près du cadavre ; on savait sa rivalité avec Selmours amoureux comme lui de Jenny, fille de lady Alton : on le présume coupable, et il est conduit, pour être interrogé, chez lord Belton, son juge, qui, comme de raison, se trouve avoir du monde chez lui, parce que c'est le jour de sa fête, quoique les Anglais ne célèbrent pas le jour de fête, mais le jour de naissance : on sait bien que, soit fête ou naissance, ou mariage, il faut nécessairement que, dans un drame, un duel tombe sur un jour de réjouissances. Celles-ci, à la vérité, ne sont pas très-brillantes ; on voit trois Anglais boire au fond de la chambre, pendant que, sur le devant de la scène, lady Belton s'inquiète de ce que son mari ne rentre pas, et qu'un vieux domestique fait répéter aux enfans le compliment qu'ils doivent dire à leur père. Ainsi le temps se passe innocemment, sans avoir recours à des moyens forcés. C'est aussi par une invention très-simple que lady Belton apprend le secret de son mari : de même qu'en se promenant dans la campagne, Belton a entendu Selmours parler tout seul et tout haut de ses projets contre Edouard, de même Belton, qui sait maintenant combien cela peut être utile, se met à parler tout haut de ce qui lui est arrivé, et en instruit ainsi sa femme qui écoute à la porte ; alors celle-ci, qui voit bien que, si Edouard est condamné, Belton déclarera la vérité, conjure Jenny, la maîtresse d'Edouard, de faire sauver son amant, et lui donne de l'argent pour séduire les gardes Jenny leur présente l'argent, ils le prennent : elle se met à genoux devant eux, ils la regardent faire : elle leur parle, ils l'écoutent, mais sans répondre un mot et sans paraître s'émouvoir en aucune manière ;enfin, entraînés par un mouvement d'éloquence plus oratoire et plus pathétique que les autres, ils font un demi-tour à droite, ce qui veut dire évidemment qu'Edouard peut paraître devant Jenny : Jenny enchantée appelle Edouard ; il paraît en effet. Elle lui dit qu'il faut qu'il se sauve ; il répond qu'il n'en fera rien ; elle réplique qu'elle va se tuer : alors Edouard, à son tour, entreprend de prouver à ses gardes qu'il ne faut pas qu'ils laissent Jenny se tuer. Ce second discours est un peu long ; mais enfin les gardes font un demi-tour à gauche, signe non équivoque de leur sensibilité et de leur consentement. Au moment où, pour le rendre encore plus clair, un des gardes étend la main du côté de la porte, elle s'ouvre, et un officier vient chercher Edouard pour le conduire au tribunal ; c'est-là qu'on nous conduit aussi au troisième acte, et nous voyons un procès criminel en règle, excepté qu'on a oublié de donner un avocat à l'accusé, qui ne pense pas davantage à en demander. Ainsi, après quelques conversations, il est condamné à mort; mais Belton, qui, sans faire semblant de rien, lui ménageait une petite surprise, a écrit son propre nom à la place de celui d'Edouard, en sorte que, lorsqu'on lit l'arrêt signé de tous les juges, ils se trouvent avoir prononcé la condamnation à mort de lord Belton, absolument de la même manière que dans les comédies ordinaires on fait signer à un père ou un tuteur un contrat de mariage où l'on a substitué le nom de l'amant à celui du prétendu : toute la différence, c'est que dans ce cas-là on tient les amans pour mariés, au lieu qu'ici on ne tient pas Belton pour pendu. Le roi lui fait grace, et les juges conviennent qu'il l'a bien méritée pour l'excellente leçon qu'il leur a donnée. On ne s'est pas soucié d'en donner une à l'auteur de la pièce ; il a été demandé et nommé, c'est M. Dubois.
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome III, p. 171 :
[L’article se limite à une analyse du sujet assez générale (rien de précis, pas de noms propres, pas de lieu, etc.). La pièce, dont l’auteur est nommé a eu du succès et les deux rôles principaux ont été bien joués.]
L'Ecole des Juges, drame en trois actes et en prose, joué le 7 mai.
Le sujet est connu. Un homme accusé d'avoir assassiné son rival, fut conduit au tribunal et condamné universellement. Un seul juge s'obstinoit à le déclarer innocent ; mais toutes les probabilités pesant sur l'accusé, il sembloit lui devenir impossible de le sauver, lorsqu'il se déclara lui-même auteur du meurtre. Il s'étoit battu en duel, et avoit tué le rival de son ami. Celui-ci avoit rencontré le mourant sur le chemin, et lui prodiguoit tous les soins de l'humanité, lorsqu'il fut arrêté et pris pour le coupable. Le juge alloit subir la peine à laquelle on condamnoit son ami, lorsque sa grâce lui fut accordée par le roi.
Tel est le trait mis en scène par M. Dubois et joué avec succès. M. Clozel et Madame Delille ont été justement applaudis dans les rôles principaux.
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