L'École des prêtres

L'École des prêtres, comédie en prose et en trois actes, d'auteur inconnu, 11 avril 1791.

Théâtre du Palais-Royal.

Mercure universel, tome 2, n° 43 du mardi 12 avril 1791, p. 191-192 :

[Après avoir vanté « la justesse de discernement » des directeurs du Théâtre du Palais-Royal, le critique passe au compte rendu de la pièce créée la veille, pour dire qu'elle donne « une nouvelle preuve de leur sagacité » : « elle est tombée à plat », et la description qu'il en donne explique bien cet échec : « un style commun, des redites sans nombre, des scenes incohérentes, et en général une mauvaise facture ». Certes, ils ont eu « un but louable, des intentions pures, de bons principes », mais ils ont aussi montré « une ignorance complette de la scene ». La pièce montre un bon prêtre, « un pasteur vénérable » qui fait le bien autour de lui. Mais cette « école » vient après une multitude d'autres écoles que le critique se plait à énumérer. Il passe ensuite au jugement des interprètes une actrice se voit conseiller de cesser « sa manière chansonnante », et deux acteurs prestigieux n'ont pas pu aller « contre l’écueil de rôles maltraités ». L'article s'achève sur une anecdote très morale concernant le deuxième de ces acteurs, Beaulieu, présenté comme un homme généreux qui part en tournée pour secourir financièrement les femmes dont frères et maris ont péri, soit « dans la catastrophe de Nancy, soit aux incendies de Limoges ».

La catastrophe de Nancy, c'est bien sûr la mutinerie de la garnison de Nancy, du 5 au 31 août 1790, au cours de laquelle Désilles est mort, victime de son courage : il s'est couché sur la bouche d'un canon pour tenter d'empêcher qu'il soit utilisé.

Les incendies de Limoges ont détruit en septembre 1790 tout un quartier de la ville, le quartier des Pousses : actif pendant au moins 36 heures, il a ravagé le Couvent des Ursulines et celui des Oratoriens, la salle du Jeu de Paume, la salle de spectacle et près de deux cents habitations.]

Nous avons eu plus d’une fois occasion de faire remarquer la justesse de discernement des directeurs de ce spectacle ; la pièce jouée hier sous le titre imposant l'Ecole des Prêtres, est une nouvelle preuve de leur sagacité.... C’est dire suffisamment qu’elle est tombée à plat.

Un but louable, des intentions pures, de bons principes n’ont pu la préserver du sort que lui préparoient un style commun, des redites sans nombre, des scenes incohérentes, et en général une mauvaise facture qui dénote une ignorance complette de la scene.

On ne peut que louer le motif de l’auteur, qui a été de présenter un pasteur vénérable, l’appui de ses paroissiens, le consolateur du pauvre, et le conciliateur des familles. Mais lorsqu’on a déjà donné d’aussi bonnes écoles aux pères, aux mères, aux femmes, aux maris, aux bourgeois, risquer d’en donner une semblable aux prêtres, c’est s’exposer à s’y faire renvoyer soi-même.

Nous invitons madame Roubeau à se défaire de sa manière chansonnante. Le talent de M. Monvel chargé du rôle du Prieur, et le comique de M. Beaulieu qui jouoit l'Engourdi y ont échoué contre l’écueil de rôles maltraités.

Mais puisqu’il est ici question de ce comédien original, nous croirions priver les âmes sensibles du plaisir d’apprendre un beau trait, si nous passions sous silence que cet acteur intéressant sous tous les rapports , va à Metz donner plusieurs représentations, dont il destine une partie au soulagement des victimes infortunées, qui ont survécu à des époux, à des frères morts dans la fatale catastrophe de Nancy , et l’autre aux incendies de Limoges. C’est ennoblir les talens que les employer ainsi !

Dans la base César, la pièce est présentée comme une comédie en 3 actes et en prose, d'auteur inconnu. Elle a eu quatre représentations au Théâtre du Palais-Royal, les 11, 12, 14 et 15 avril 1791.

Dans son Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, tome 2 [1892], p. xvii-xviii, Alexandre Tutey raconte une anecdote concernant la représentation du 12 avril, qu'il considère comme la première :

Parmi les spectacles du Palais-Royal, l'un des plus fréquentés était celui des Variétés-Amusantes, qui se trouvait dans le principe sur le boulevard Saint-Martin et fut transféré au Palais-Royal, le 1er janvier 1785. Gaillard et Dorfeuille, directeurs de ce théâtre, firent édifier, par l'entrepreneur Franc Castel, une salle provisoire sur l'emplacement du petit jardin des Princes, remplacée bientôt par une salle définitive, dont la construction fut confiée à l'architecte Louis et qui fut achevée le 15 mai 1790. Ce théâtre, où l'on jouait la comédie, prit une grande importance en 1791, lorsque Talma et Dugazon, à la suite de la scission entre les acteurs de la Comédie-Française, lui apportèrent le concours de leur talent, il devint le Théatre-Français de la rue Richelieu. Le 12 avril 1791, le théâtre des Variétés donnait la première représentation d'une pièce assez médiocre, l'École des prêtres, représentation qui fut troublée par un incident dont se gaussèrent les journaux, notamment le Courrier de Gorsas. Un perruquier de la rue Montorgueil se permit de siffler au moment où, dans la pièce, le maire paraissait sur la scène avec la garde nationale pour proclamer le curé évêque ; le siffleur fut immédiatement arrêté et conduit au comité de Saint-Roch par l'officier municipal de service, avec une ridicule escorte de six gardes nationaux.

[Il y a sans doute des sujets dont on ne doit pas se moquer.]

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