L'Empire de la folie, ou la Mort, et l'apothéose de Don Quichotte, pantomime en 3 actes, à grand spectacle, mêlée de danse, exercice de chevaux, décors et costumes nouveaux, par J. G. A. Cuvelier, musique arrangée par Navoigille et Baneux, ballets de Gaston, 18 Prairial an 7 [6 juin 1799].
Théâtre Cité Variétés, et de la Pantomime Nationale
Almanach des Muses 1800
Sur la page de titre de la brochure, Paris, à l'Imprimerie à prix-fixe, an VII :
L'Empire de la folie, ou la Mort et l'Apothéose de Don Quichotte, Pantomime bouffonne, en trois Actes et à Spectacle, Représentée sur le Théâtre de la Cité, au mois de Prairial an 7 ; par J.-G.-A. Cuvelier ; Musique arrangée par Navoigille et Baneux, Ballets du citoyen Gaston, Décorations de Moench.
Courrier des spectacles, n° 836 du 19 prairial an 7 [7 juin 1799], p. 2-3 :
[Comme tout le monde connaît Don Quichotte, est-il utile de donner l’analyse de la pantomime tirée de ses aventures ? On se contentera d’un « extrait rapide » permettant de voir comment l’auteur a comprimé en trois actes toutes les aventures du chevalier errant et de son écuyer. Cet « extrait rapide » est plutôt détaillé, et permet de voir comment le roman est à la fois repris et trahi dans la pièce : on y trouve beaucoup d’éléments de l'œuvre de Cervantès, mais assez fortement modifiés. Dom Quichotte se bat courageusement, il meurt, et on lui construit un monument commémoratif. La pièce est un succès, puisque l’auteur a été nommé, et les acteurs ont joué « avec précision et ensemble ».]
Théâtre de la Cité et de la Pantomime Nationale.
Présenter aux yeux du public les actions romanesques et extravagantes de Dom-Quichotte et de son écuyer, l’entreprise étoit difficile ; les faire exécuter par les citoyens Francony, le succès étoit presque infaillible. Il n’est pour ainsi dire personne qui n’ait entre les mains l’histoire de Dom Quichotte, ainsi il seroit peut-être inutile de donner l’analyse de la pantomime jouée hier avec succès sur ce théâtre sous le titre de la Mort et l’Apothéose de Dom-Quichotte : mais nous croyons devoir en soumettre au lecteur un extrait rapide, afin qu'il puisse juger de quelle manière l’auteur de cette pantomime a sçu renfermer dans un cadre de trois actes, les faits principaux et les aventures les plus burlesques de la vie du héros de la chevalerie errante et de son écuyer Sancho.
Dom-Quichotte, jusqu'alors paisible dans sa maison, puise dans un livre de chevalerie des idées romanesques, son imagination s’électrise, et bientôt armé par une statue, il se fait suivre par Sancho-Pança, et se dérobant aux prières de tous ses amis, il va chercher au loin les aventures. Le premier objet qu’il rencontre est une servante d’auberge dont il fait sa Dulcinée : il lui rend hommage et s’offre à être son chevalier. Dulcinée rit de la folie de Dom-Quichotte, qui de concert avec Sancho l’enleve sur la croupe d’un cheval qui vient de sortir de terre ; mais un muletier, et les meûniers du moulin voisin la délivrent et l’emmenent avec eux. Dom-Quichotte alors s’en prend au moulin : il l’attaque, et les meûniers l’entrainent et 1e jettent dans une riviere, tandis que Sancho s’approchant trop du moulin, se trouve suspendu et emporté par une des ailes. Meurtris et se traînant à peine, nos deux héros arrivent près de l’hôtellerie où demeure Dulcinée. Sancho, qui précede son maître, ne pouvant y entrer et ne sachant où passer la nuit, s'endort sur son âne. Des brigands s’approchent, et croisant adroitement les fourches dont ils sont armés, ils emmenent l’âne, laissant Sancho suspendu dormant dans les airs. Dom-Quichotte le réveille, et bientôt à la vue de Dulcinée, il veut aller à elle, et à l’aide de son cheval, il s'élève jusqu'au balcon où elle est, mais le muletier l’attache au balcon par le poignet, et Dom-Quichotte demeure ainsi suspendu à la fenêtre.
Cependant les brigands, maîtres de l’âne, fuient devant une chasse qui arrive : bientôt le duc et sa femme reçoivent Dom-Quichotte avec eux, et sur-le-champ ils volent à la poursuite du sanglier. Cet animal après quelques moments poursuit la duchesse : il va la dévorer, lorsque notre héros lui sauve la vie en tuant le sanglier. Puis il marche contre la caverne où sont retranchés les brigands, il les fait prisonniers et rend l'âne à Sancho. Le duc reconnoissant invite Dom-Quichotte et Sancho a venir a son palais. Là les amis du chevalier de la Manche supplient le duc de le rendre a leurs vœux ; il imagine de les faire déguiser, et sur-le-champ il ordonne une fête. Dom-Quichotte est a table : Sancho qui se sent de l'appétit en est arraché d’abord par de jolies danseuses, puis par un grand bruit dans le voisinage : la niece de Dom-quichotte, sous le nom de princesse de Micomicon, réclame son secours.
Un guerrier, son ennemi, se présente : le chevalier le combat et est vaincu, après que son écuyer a été lui-même vaincu au bâton et au poingt par le faux écuyer de l’ennemi supposé de la princesse Micomicon. Dès-lors le destin le condamne a renoncer aux armes. Dom-Quichotte, triste et confus, s’éloigne et va mourir près de là dans un lieu où ses amis lui élevent nn monument sur lequel on lit : La Folie les a rendus immortels. La Gloire descend, et elle emmene dans un nuage radieux Dom-Quichotte et Rossinante, Sancho et son âne.
L’auteur a été demandé : on est venu annoncer le citoyen Cuvelier.
Cette piece a été jouée avec précision et ensemble. Nous donnerons dans le numéro suivant quelques observations sur la maniéré dont elle a été montée.
Courrier des spectacles, n° 837 du 20 prairial an 7 [8 juin 1799], p. 2 :
[Bref retour sur la pièce, pour dire tout le bien qu’il faut en penser : beau décor au premier acte, reprise d’un décor déjà utilisé ensuite, mais c’est aussi un beau décor. L’exécution des combats est réussie, les costumes sont bien choisis, et les animaux ont su jouer leur rôle et contribuer ainsi au succès : on a bien ri.]
Théâtre de la Cité et de la Pantomime Nationale.
Dans le compte que nous avons rendu hier de la pantomime de Dom-Quichotte, nous n’avons pu donner tous les détails, soit sur l’exécution, soit sur les décorations : ces dernières sont très-soignées, et l’on a sur-tout applaudi la perspective du paysage du premier acte, offrant aux yeux deux moulins, l’un a vent , l’autre à eau, et une riviere au bord de laquelle Dulcinée lave le linge de l’hôtellerie.
La toile qui représente le sallon du Duc, avoit déjà servi dans Frédégilde ; mais on la voit toujours avec un nouveau plaisir.
Les danses, les combats ont été bien exécutés, les costumes n’ont pas été négligés ; enfin le public a paru généralement satisfait, graces peut-être aussi à Rossinante, qui s’abat de fatigue et d’inanition sous son maître ; graces encore au baudet, qui est d’une patience merveilleuse, lorsque les brigands soulevant Sancho sur leurs fourches, emportent dans leurs bras le docile quadrupède.
Si l’auteur a fait rire, son but est sans doute rempli.
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