L'Emprunt forcé, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, de Léger, Chazet, le Prevost-d'Iray, Dieulafoy et Armand-Gouffé. 2 nivôse an 8 [23 décembre 1799].
Théâtre des Troubadours
Almanach des Muses 1801
Harpin et Legras sont chargés de répartir l'emprunt forcé dans la commune d'Orléans. Parmi ceux qu'ils ont taxés sont le cit. Lesec, rentier, qui réclame en vain, et Dorval, poète, amant de la fille de Harpin. C'est Legras qui a taxé Droval, et qui espère que la gêne à laquelle il sera réduit le fera renoncer à son projet de mariage. Dorval veut faire quelques représentations ; il est menacé, maltraité, et sort bien résolu de se venger. En effet, il revient avec quelques amis déguisés, surprend Harpin et Legras, et leur enlève 80,000 francs. Harpin se désespère, mais Dorval revient, et promet de rendre la somme si l'on consent à son mariage. On y consent : la somme est rendue, et le mariage conclu.
Beaucoup de gaîté. Du succès.
Courrier des spectacles, n° 1025 du 3 nivôse an 8 [24 décembre 1799], p. 2-3 :
[La période révolutionnaire est aussi celle des finances exsangues de la France, et le pouvoir a dû recourir à plusieurs reprises à la pratique évidemment peu populaire des emprunts forcés. Après diverses tentatives plus ou moins heureuses, le Directoire a tenté un nouvel emprunt forcé en juin 1799 qui a été un échec total, comme celui de la fin de 1795. Ce qui est un fiasco politique devient évidemment un bon sujet pour les auteurs de vaudevilles. Celui -ci a été bien accueilli, grâce à une belle brochette d’auteurs. Le résumé de l’intrigue montre un regard critique sur une pratique peu orthodoxe du prélèvement des impôts, puisque les gens chargés de répartir la charge de l’emprunt utilisent leur fonction à des fins personnelles. Et la loi immuable du vaudeville y incorpore un mariage, pour que tout puisse finir par des chansons. La pièce aura simplement besoin de coupures et de changements, que le public s’est chargé d’indiquer aux auteurs, selon la formule habituelle. Les principaux acteurs ont bien joué leur rôle, et il ne reste plus au critique qu’à donner un échantillon des couplets remarqués par le public, le dernier étant manifestement politique.]
Théâtre des Troubadours.
L’Emprunt forcé étoit sans doute un sujet sur lequel le vaudeville avoit des droits, aussi s’en est-il emparé ; mais les circonstances en ont empêché la représentation, et lorsque le mérite de l’à-propos ne s’y trouve plus, la pièce n’offre plus le même intérêt, les couplets le même sel, et les allusions la même plaisanterie. Cependant le vaudeville anecdotique donné hier au théâtre des Troubadours a été très favorablement accueilli du public qui doit cette production pleine de gaîté aux citoyens Léger, Chazet, Prevost-d’Iray, Dieu-la-Foi, et Armand-Gouffé.
Harpin est nommé, conjointement avec Legras, membre du jury chargé de répartir l’emprunt forcé sur tous les citoyens d’Orléans. Parmi ceux qu’ils ont taxés est un rentier nommé Lesec, qui réclame en vain, et Dorval, poète, amant aimé de Nicette, fille de Harpin. Ce dernier est taxé par Legras qui veut le ruiner et l’empêcher ainsi d’épouser celle dont il est épris. Dorval vient réclamer, on le maltraite, on le menace, et il sort bien résolu de se venger. En effet , il revient avec quelques amis déguisés, surprend nos deux taxateurs, et leur enlève 60000 francs qu’eux-mêmes ont fait enlever de la diligence. Harpin se désole, mais Dorval revient et promet de rendre la somme si l’on consent à son mariage ; il le faut bien, et le mariage se conclud.
Nous n’indiquerons pas ici les coupures et les changemens que devra subir cet ouvrage. Quelques marques d’improbation du public ont suffisamment fait connoître des longueurs et des défauts que les auteurs s’empresseront de faire disparoître.
La cit. Delille, chargée du rôle de Nicette, y a mis ce ton d’Agnès, cette tournure gauche qui n’appartient qu’à nos provinciales jeunes encore, à celles sur-tout dont l’éducation est peu soignée. Elle y a fait beaucoup de plaisir, ainsi que le cit. Tiercelin dans le rôle de Harpin, et le cit. Léger dans celui de Lesec.
Le public a redemandé quelques couplets, et nous nous faisons un plaisir de lui offrir ceux qui nous ont paru les plus saillans.
Lesec, rentier, vient réclamer contre l’emprunt forcé :
Legras, taxateur, à Lesec.
Air : Vaudeville du Printems.
Pour chasser la mélancolie,
Mon cher, pensez à l’avenir,
Et dans les malheurs de la vie ;
Songez qu’espérer , c’est jouir.
Lesec.
Ah t s'il est vrai que l’espérance,
Au sein des plus affreux tourments,
Soit pour nous une jouissance,
Nous jouissons depuis long-tems.
Nicette qui se voit sur le point de perdre son amant qui va être ruiné par l’emprunt forcé :
Air de Lisbeth.
Contre les Russes l’un se bat,
L’autre est parti pour le Grand-Caire :
Le troisième n’a plus d’état,
Et le quatrième est corsaire.
Le cinquième en otage est pris,
Et par un destin bien funeste,
L’emprunt forcé vient de Paris
M’emprunter (bis) le seul qui me reste.
G.
Porte-feuille français pour l'an IX (1801), p. 237 :
L'emprunt Forcé, vaudeville en un acte, de Léger, Chazet, Prévost-d'Yrai et Armand-Gouffé, représenté le 2 Nivôse.
De la gaîté, de l'esprit.... D'ailleurs nous venons de nommer les auteurs, c'est en dire assez.
Parmi les nombreux couplets qui ont été redemandés, nous n'avons pu retenir que le suivant :
Air du Vaudeville de la petite Métromanie.
Si l'on en croit la médisance,
L'hymen est un pauvre rentier,
Tandis qu'au sein de l'opulence
L'amour vit en gros financier ;
Mais, telle est notre destinée,
Les riches n'ont jamais assez ;
Aussi l'amour à l'hymenée
Fait souvent des emprunts-forcés.
La base César connaît bien une pièce intitulée l’Emprunt forcé, mais elle est jouée en 1796 : ce n’est pas notre pièce (et ce n'est pas le mêm emprunt).
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