L’Enfant d’Hercule, ou les Deux temples

L’Enfant d’Hercule, ou les Deux temples, Tableaux mythologiques et allégoriques, à grand spectacle, en deux actions, de J. G. A. Cuvelier, prologue de Désaugiers, musique de Momigny, ballets de Camus, 1er avril 1811.

Théâtre des Jeux Gymniques.

Le prologue est intitulé l'Auteur et sa servante.

Titre

Enfant d’Hercule (l’), ou les Deux temples

Genre

tableaux mythologiques et allégoriques, à grand spectacle

Nombre d'actes :

2 actions

Vers / prose ?

prose et couplets pour le prologue, texte en prose pour le livret de la pantomime

Musique :

oui

Date de création :

1er avril 1811

Théâtre :

Théâtre des Jeux Gymniques

Auteur(s) des paroles :

J. G. A. Cuvelier, prologue de Désaugiers

Compositeur(s) :

Momigny

Chorégraphe(s) :

Camus

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1811 :

L’Enfant d’Hercule, ou les Deux Temples, Tableaux mythologiques et allégoriques, à grand spectacle, en deux actions, Représentés pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Salle des Jeux Gymniques, le 1. avril 1811, A l’occasion de la Naissance du Roi de Rome ; Par J. G. A. Cuvelier ; Musique de M. Momigny, Divertissement de M. Camus.

Journal du soir, n° 4636, du 3 avril 1811, p. 4 .

[Dans la suite des pièces consacrées à la glorification de la naissance du Roi de Rome, encore une allégorie, mais précédée d’un prologue qui sert à amener habilement l’allégorie. Il s’agit de raconter comment un poète a bien du mal à savoir ce qu’il doit écrire à l’occasion de la naissance, puisqu’on ne sait si ce sera une fille ou un garçon. Une fois le sexe de l’enfant connu, il n’a plus le temps que d’écrire une pantomime. Et la pantomime commence. Elle contient dans ses « charmans tableaux » « beaucoup d'imagination et des allégories qui ont été avidement saisies », et les auteurs ont été chaleureusement applaudis, Désaugiers pour le prologue, Cuvelier pour la pantomime, ainsi que les acteurs principaux, et les indispensables chevaux du Théâtre des Jeux Gymniques.]

SALLE DES JEUX GYMNIQUES, Porte Saint-Martin.

Tous les théâtres se sont empressés à l'envi de célébrer la naissance du roi de Rome ; celui des Jeux Gymniques, pour être arrivé le dernier, n'a pas été pour cela moins heureux dans l'expression de ses sentimens et de son allégresse. Les Tableaux qu'il a offerts hier au public, sous le titre de l'Enfant d'Hercule, ou les Deux Temples, ont paru dignes du grand événement qui réjouit tous les français ; ils présentent une allégorie très-ingénieuse et une pompe extraordinaire. L'Enfant d'Hercule était précédé d'un Prologue intitulé l'Auteur et sa Servante, dont voici le sujet : A l'exemple de Molière, le poète Saint-Ange, qui veut composer une pièce pour célébrer l'heureux événement qu'on attend avec impatience, consulte sa servante Jeannette. Celle-ci lui annonce qu'elle a lu dans ses cartes que l'enfant qui va naitre est une princesse. Aussitôt Saint-Ange se dispose à chanter sa naissance, mais bientôt Jeannette revient lui dire qu'après avoir consulté de nouveau ses cartes, elle a trouvé que ce serait un prince.

Air : Dans l' repos et l'innocence.

J'venons ( dit-elle ) de r'tirer moi-même
L'horoscope de c't enfant,
L' roi d' cœur m'a donné l'emblême
D'un princ’ qui s'ra triomphant.
Et c'qui m'l'a prouvé bien vîte,
C'est qu' plus j'mêlions les couleurs,
Plus autour du roi que j'cite
J'voyons abonder les cœurs.

Voilà notre poëte qui se met alors à composer sa pièce pour un garçon. Jeannette revient de nouveau lui prédire une fille Saint-Ange ainsi contrarié envoye sa bonne au diable ; il ne sait plus quel parti prendre , lorsque le canon vient lever son incertitude. Le temps lui manque pour faire une comédie, mais il lui en reste assez pour tracer une pantomime qu'il destine aux Jeux Gymniques, et il lui donne pour titre : l'Enfant d'Hercule.

Dans cette pantomime allégorique, Jupiter accorde à Hercule un fils qui doit prendre place parmi les demi-dieux. L'Olympe prend part à la joie de la Terre, et les plus brillantes destinées sont prédites à l'heureux enfant, objet de toutes les espérances. On trouve dans ces charmans tableaux beaucoup d'imagination et des allégories qui ont été avidement saisies ; l'auteur, unanimement demandé, est M. Cuvelier. On a voulu connaître également l'auteur du Prologue ; c'est M. Désaugiers, que l'on pouvait aisément deviner à la grace et à l'esprit qui règnent dans tous les couplets. M. et M. Francoui ont rempli les principaux rôles dans cette fête, et leurs chevaux ont ajouté, par leur présence, à la magnificence du spectacle, pour lequel l'administration n'a rien épargné.

Journal de l’Empire, 4 avril 1811, p. 3-4 :

[Le compte rendu s’ouvre sur la description du théâtre somptueusement illuminé, puis sur celle du décor. Les deux actions sont ensuite racontées : deux allégories bien compliquées pour célébrer les noces d’Hercule avec Hébé. Le jugement porté ensuite est très favorable : le spectacle est « un des plus magnifiques et des plus imposans qu'il soit possible de voir », tout y est réussi, couplets, danses, musique, et ce genre mythologique est jugé très supérieur aux vaudevilles souvent grossiers qui ont été joués à la gloire du jeune Roi de Rome. Le critique en profite pour affirmer que son indulgence envers ces petites pièces ne doit pas donner à penser qu’il n’a plus l’énergie pour jouer son rôle. Il rappelle que des auteurs aussi prestigieux que Boileau et Horace condamnent les tentatives littéraires de gens sans talent.]

JEUX GYMNIQUES.

L’Enfant d’Hercule.

La façade extérieure du théâtre est illuminé, et présentent un air de fête parfaitement analogue à la pièce.. Ce spectacle s'est adjoint les illustres écuyers Franconi et leurs chevaux savans ; ce qui lui fournit un embellissement notable pour les marches, cérémonies, et autres tableaux brillans qu'on y expose. Le fond de l’allégorie nouvelle. qu'on y représente avec beaucoup de succès, c'est la naissance d'un fils, fruit du mariage d’Hercule avec Hébé, déesse de la jeunesse : ce sujet donne lien au développement des richesses mythologiques, à la pompe du spectacle, à l’enchantement des décorations ; on y a déployé toutes les magnificences de la scène, et tout le luxe que semble commander la dignité des personnages.

La scène représente au milieu d'un paysage délicieux, le temple de Lucine :à droite est la porte de l’Hymen, à gauche la porte de l’Amour. Les filles s'y rendent pour obtenir un heureux hymen ; les femmes, pour devenir mères. Hercule arrive sur un char traîné par des lions : il demande l’entrée du temple pour sa femme Hébé ; il est accueilli comme un dieu doit l’être par une déesse. Hébé descend dans une gloire ; les portes du temple s’ouvrent devant elle, et se referment aussitôt. Une voix annonce qu'elle va mettre au monde un fils qui sera digne de son père. La terre tremble et vomit sur la scène l’Envie, escortée de plusieurs monstres infernaux : leurs efforts réunis se dirigent contre le temple ; mais Hercule les met en fuite avec son invincible massue , il terrasse l’Envie, écrase Cerbère qui vient à son secours. Les monstres cherchent un asile dans les entraides de la terre ; Hercule s'y précipite avec eux : telle est la première action.

La seconde représente l’Envie qui se barricade dans sa caverne : Hercule fait sauter la barrière d'un coup de massue ; il terrasse l’Envie, écrase Cerbère qui vient à son secours. Pour comble de bonheur et de gloire, Iris vient lui annoncer la naissance d’un fils : le vainqueur sort à la tête de ses braves, guidé par l'arc-en-ciel. La scène change : on voit la mer, l’Hélicon et les Muses : Hercule est reçu par la Victoire. Le temple de la Gloire s’élève ; les dieux y tiennent conseil : le résultat est de confier à laVictoire et à la Gloire l’éducation du fils d'Hercule. Un berceau d'or paroît sur un char traîné par ds. chevaux blancs ; les Graces et les Amours le suivent en jetant des fleurs. L'air est embaumé de la vapeur de l’encens. Vulcain, à la tête de ses Cyclopes, apporte la couronne de fer qu’il a forgée lui-même. La jeune Hébé s'avance sur un second char. Pendant les chants et les danses, le céleste enfant, déposé sur des drapeaux, est bercé par la Gloire et par les Muses. Bientôt le berceau s’élève sur un nuage soutenu par des Amours ; au-dessus de ce groupe, un aigle plane et fait briller entre ses serres la couronne de l’immortalité : Jupiter, environné de tous les dieux, la met sur la tête d’Hercule, et Venus détache sa ceinture pour en faire présent à Hébé.

Je me suis un peu étendu pour donner une idée de ce spectacle, un des plus magnifiques et des plus imposans qu'il soit possible de voir. M. Cuvelier semble y avoir épuisé toute la fécondité de son imagination. Les couplets et les danses sont dignes de la beauté du spectacle ; et le tout est embelli par la musique de M. de Momigny, qui est vive et brillant ; on y distingue des marches d’un effet très piquant : c'est une composition faite pour ajouter à la réputation de son auteur. Des allégories de cette espèce, qui n'offrent que de nobles images et des tableaux enchanteurs sont plus convenables, moins indignes de la grandeur du sujet, que la plupart de ces petits vaudevilles dont la foiblesse ou la trivialité profane semble ternir l’éclat des objets sacrés auxquels ils osent toucher. Je m’étois fait un devoir d’encourager les auteurs de tous ces divertissemens, souvent très peu divertissans : mon indulgence a été interprétée d'une manière peu favorable pour moi ; mes égards pour des intentions respectables ont été taxés de foiblesse et d'oubli de mes fonctions : parce que je ne voulois pas critiquer, on a cru que je ne le pouvois plus : je venois cependant .de donner tout récemment des preuves de vigueur, qui auroient dû mettre mon honneur à l'abri de tout soupçon.

Je ne puis dissimiler que la prodigieuse multitude de ces hommages, où l'interêt a quelquefois plus de part que le zèle, a souvent réduit ma comptaisance aux abois ; ceux même de ces auteurs dont les motifs sont les plus purs, ne consultent pas assez leurs forces, et peuvent être accusés d'une aveugle témérité. Quand le desir de faire éclater leur admiration vient les tenter et leur faire prendre la plume, n'entendent-ils pas Apollon qui leur crie :

            Arrête, insensé, que fais-tu ?
Sais-tu dans quels périls aujourd'hui tu t'engages ?
Cette mer où tu cours, est féconde en naufrages.

Qu'ils écoutent du moins Boileau, son interprète, qui dit à Lous XIV :

Je ne puis souffrir qu'un esprit de travers,
Qui pour rimer des mots pense faire des vers,
Se donne en te louant une gêne inutile ;
Pour chanter un Auguste, il faut être un Virgile.
.    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .
Ainsi, sans m'aveugler d'une vaine manie,
Je mesure mon vol à mon foible génie.
Plus sage en mon respect que ces hardis mortels,
Qui d'un indigne encens profanent les autels,
Qui dans ce chant d'honneur où le gain les amène
Osent chanter ton nom, sans force et sans haleine ;
Et qui vont tous les jours d'une importune voix,
T'ennuyer du récit de tes propres exploits.
.    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .    .
Quelqu'orgueil en secret dont s'aveugle un auteur,
I! est fâcheux, grand roi, de se voir sans lecteur,
Et d'aller, du récit de ta gloire immortelle,
Habiller chez Francœur le sucre et la cannelle.

C’est la même pensée que celle d'Horace ; mais Horace, au lieu du sucre et de la cannelle, met le poivre et l'encens. Les deux écrivains les plus habiles dans l'art de la satire et dans celui de la louange, ont la même modestie et la même défiance d'eux-mêmes : nos auteurs, au contraire, se croient tous des Horace et des Boileau ; et l’immense quantité de vers que cette dernière époque a fait éclore, snffiroit pour envelopper les productions de toutes les colonies du monde.

GEOFFROY.    

Les Tablettes de Polymnie, journal consacré à tout ce qui intéresse l’art musical, n° 22 du 20 avril 1811 (Minkoff Reprints, Genève), p. 348-349 :

SALLE DES JEUX GYMNIQUES.

L'ENFANT D'HERCULE, OU LES DEUX TEMPLES.

Depuis trois semaines chaque Théâtre est accouché d'un ou de deux enfans dont le public s'est empressé d'être le parrain, les Directeurs de Spectacle ont fourni les dragées, tout le monde est accouru en foule pour en prendre sa part, et la salle des Jeux Gymniques n'a pas été une des moins visitées par les friands. Le prologue de l'Enfant d'Hercule est rempli de couplets ingénieux ; en nommant Mr. Désaugiers pour leur auteur, c'est assurer que l'esprit, le bon goût et la gaîté y dominent. La pantomime, de M. Cuvelier, a offert de nouveau à l'Administration l'occasion de déployer la pompe majestueuse du spectacle magnifique qu'on remarque dans toutes les pièces montées à ce Théâtre. Toute analyse ne pourrait que peindre froidement ce qui y charme les yeux, ce sont de ces choses qu'il faut voir soi-même pour s'en faire une juste idée.

Mr. Momigny est aussi accouché, en inpromptu, d'une charmante musique dont plusieurs morceaux seraient dignes d'un plus grand Théâtre, notamment l'ouverture dont les phrases de chant ont une fraîcheur et un naturel ravissans. Aucune lyre des boulevards n'avait encore monté ses accens à un tel degré de perfection; on y reconnait la touche d'un grand maître qui sait réunir l'imagination au savoir.

A. G.

        

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