L'Expulsion des Tarquins ou la Royauté abolie

L'Expulsion des Tarquins ou la Royauté abolie, tragédie en cinq actes, de Leblanc, 22 nivôse an 2 [11 janvier 1794].

Théâtre de la République

Titre :

Expulsion des Tarquins (l’), ou la Royauté abolie

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

22 nivôse an 2 [11 janvier 1794]

Théâtre :

Théâtre de la République

Auteur(s) des paroles :

Leblanc

Almanach des Muses 1795.

De la chaleur, des sentimens républicains. Peu d'actions, et trop de récits, dans les troisième et quatrième actes ; le cinquième a eu plus de succès.

Journal de Paris, n° 378 du 24 nivôse an 2 [13 janvier 1794], p. 1528 :

Cet article est cité par Gérard Gengembre ; Le Théâtre français au XIXe siècle.

[Le premier point de cet article, c'est de souligner le lien entre la lointaine histoire romaine et les événements contemporains. Ce lien est ce qui rend cette expulsion « un sujet précieux ». La pièce a réussi, et le critique insiste sur ses beautés. Mais il signale aussi la faiblesse de l'intrigue, « l'action marche trop lentement », après le premier acte qui la développe, il faut attendre la fin du quatrième pour la voir reprendre sa progression, et « souvent les vraisemblances sont mal observées, les scènes sans liaisons et décousues » au point de susciter « quelques murmures ». L'auteur, nommé n'est pas un inconnu, même si sa pièce la plus connue date de 1772.]

THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.

L'Expulsion des Tarquins, & les premières années de la République, après leur expulsion, forment dans l'Histoire Romaine une époque intéressante par son analogie frappante avec les circonstances actuelles. Les mêmes passions qui agitent nos ennemis en créèrent une foule à la Rome naissante. Comme nos Emigrés, les Tarquins & leurs créatures allèrent au loin soulever la guerre contre leur Patrie, & comme les Rois de l'Europe, se sont ligués contre notre Liberté ; les Tyrans de l'Italie réunirent leurs forces pour remettre Tarquin sur le trône. Leurs complots furent inutiles : la Liberté à Rome fut consolidée par les efforts impuissants de ses ennemis, & nos succès actuels nous assurent un sort aussi glorieux.

Ce rapport frappant de cette partie de l'Histoire Romaine en fait un sujet précieux sur la scène française ; aussi l'Expulsion des Tarquins, tragédie en 5 actes, en vers, représentée le 23 nivôse, a réussi. L'histoire est à peu près exactement suivie dans cette pièce ; seulement l'Auteur y a mis comme épisode la mort de Lucrère, dernier crime des Tarquins, qui ranime la juste colère du Peuple, déjà irrité contre eux, & décide de leur exil. Plusieurs parties de cette pièce contiennent de grandes beautés. Le morceau contre les Emigrés, où Brutus exprime avec force la faiblesse de leurs mesures et la bassesse de leurs motifs, a été fort applaudi. Le premier acte, & cette scène où Brutus, jusque-là regardé comme un imbécile, se fait connaître aux conjurés, méritent les plus grands éloges. Du reste, la conduite de cette pièce est faible, l'action marche trop lentement ; développée au premier acte, elle s'arrête jusques à la fin du quatrième : souvent les vraisemblances sont mal observées, les scènes sans liaisons et décousues, surtout dans le quatrième acte, qui a même excité quelques murmures.

L'Auteur est le Cit. Leblanc, Auteur des Druides ; il a été demandé et couvert d'applaudissements.

Les Druides est une tragédie de Leblanc de Guillet, représentée pour la première fois sur le Théâtre Français le 7 mars 1772.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 11 (novembre 1794), p. 237-239 :

[Le compte rendu s’ouvre par une proclamation révolutionnaire : la révolution des Français, supérieure à celle des Romains, faite seulement « pour venger un mari & punir un tyran », quand celle des Français, issue des Lumières, a été faite « pour les vrais principes », «  sans haine, sans colere, inflexibles comme la nécessité & la vertu ». L’analyse de la pièce commence par l’éloge des deux premiers actes, où l’on trouve « de la chaleur & des sentimens républicains exprimés par de beaux vers ». La suite est jugée moins réussie : si l’auteur est crédité d’une bonne idée, « unir contre les droits du peuple deux pouvoirs qui s'aident mutuellement lorsqu'ils ne se combattent pas, l'hypocrisie des prêtres & le despotisme des rois », le critique aurait voulu que les personnages agissent avec « un peu plus d’adresse. Quant à la folie de Brutus, elle ne doit pas enlever au personnage sa sombre grandeur. Après deux actes trop bavards, le cinquième acte a été très apprécié, pour la vigueur des propos de Brutus. « Ces mots simples & antiques ont été vivement sentis. ». L’auteur a été nommé par Talma, brillant dans le rôle de Brutus, et a paru : cet auteur âgé obtient ainsi la récompense de son engagement pour sa lutte contre la supersition.]

THEATRE DE LA RÉPUBLIQUE, RUE DE LA LOI.

Tarquin, ou la Royauté abolie, tragédie nouvelle.

Un peuple républicain aime à retrouver, dans l'histoire & sur le théatre, ses sentimens & ses vertus : aussi cette piece a-t-elle donné lieu à de fréquentes allusions ; l’auteur les a cherchées quelquefois, & pour les trouver, il a été forcé d'être souvent infidele à l'histoire. Et en effet, combien la révolution de Rome est petite en comparaison de la révolution françoise ! quelle différence entre les Romains, qui n'ont atteint aux résultats généraux que guidés par des passions privées, qui n'ont aboli la royauté que pour venger un mari & punir un tyran, & les François, dont la révolution fut d'abord préparée par tous les génies d'un grand siécle, qui ne connurent d'autres passions que leur attachement pour les vrais principes, & qui ne punirent un roi que pour abolir 1a royauté, sans haine, sans colere, inflexibles comme la nécessité & la vertu.

Les deux premiers actes de la Royauté abolie ont eu un grand succès : de la chaleur & des sentimens républicains exprimés par de beaux vers, doivent toujours réussir ; le reste de la piece essuya quelques critiques qui ne sont pas sans fondement. L'auteur a eu une idée très-heureuse : c'est celle d'unir contre les droits du peuple deux pouvoirs qui s'aident mutuellement lorsqu'ils ne se combattent pas, l'hypocrisie des prêtres & le despotisme des rois ; mais on a pu désirer que les uns & les autres montrassent un peu plus d'adresse ; il faut nous faire voir nos ennemis armés de tout l’art perfide dont ils se servent pour nous combattre. Dans le Brutus de Voltaire, Arons est un peu plus malin que le Tarquin. & le grand-prêtre de la Royauté abolie ; & ce vernis séduisant des cours ne sert qu'à faire vénérer davantage la franchise simple & austere du consul & des sénateurs de Rome.

On a trouvé aussi que le personnage de Brutus avoit dans les scenes, avec Tullie, trop d'astuce & de cautelle ; Brutus doit bien feindre d'être insensé, mais sans déroger à son grand caractere ; il faut que son égarement ait quelque chose de sombre, de terrible & de prophétique.

Le troisieme & le quatrieme actes renferment trop peu d’action & trop de récits. Voici quelques critiques sans doute, mais nous devons donner davantage à l’éloge. Le cinquieme acte fut couvert d'applaudissemens : Brutus s'y déploie tout entier. Lorsque Tarquin lui demande qui gouvernera les Romains privés de leur roi ? Les loix, répond Brutus. Lorsque le tyran, l'interrogeant, lui dit : Qui êtes-vous donc ? Des hommes, réplique encore Brutus. Ces mots simples & antiques ont été vivement sentis. On a demandé l’auteur avec enthousiasme : Talma, qui avoit rempli le rôle de Brutus, avec le talent d'un grand artiste & le caractere d'un républicain, a nommé le cit. Leblanc. Leblanc a paru lui-même : on s'est rappellé avec attendrissement que ce vieillard avoit fait représenter, il y a vingt ans, la tragédie des Druides, où il attaquoit la superstition, dans un pays alors opprimé par les superstitieux ; ouvrage qui lui valut, à cette époque, l'estime des philosophes, & qui doit lui obtenir maintenant la reconnoissance d'un grand peuple.

Dans la base César : 4 représentations, les 11, 13, 15 et 17 janvier 1794.

 

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