Les Epoux avant le mariage ou Ils sont chez eux, opéra-comique en un acte, par Marc-Antoine Désaugiers (livret) et Alexandre Piccini (musique), 7 janvier 1808.
Théâtre de l’Opéra Comique.
Nicole Wild, David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 238, indiquent la date de la première, le 7 janvier 1808 ; la pièce a eu 7 représentations ; et le titre est inversé sur le livret et la partition : Ils sont chez eux, ou les Epoux avant le mariage. Elle a reparu sous forme de vaudeville en un acte en 1811, sous le titre de l'Appartement à deux maîtres ou Ils sont chez eux.
Cette inversion du titre et du sous-titre est présente largement dans la presse du temps (le Journal de Paris, par exemple).
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Titre :
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Epoux avant le mariage (les), ou Ils sont chez eux
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Genre
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opéra-comique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en evrs
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Musique :
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oui
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Date de création :
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7 janvier 1808
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra Comique
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Auteur(s) des paroles :
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Marc-Antoine Désaugiers
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Compositeur(s) :
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Alexandre Piccini
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Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome I, p. 214-215 :
[Le compte rendu s’ouvre sur une mise en garde : ce qu’un conte peut dire sur un « sujet un peu graveleux », une pièce de théâtre ne le peut pas. L’analyse du sujet (justement « un peu graveleux » raconte une intrigue pleine de quiproquos dont la vraisemblance n’est pas mise en cause (et pourtant !). Bien entendu, le dénouement est aussi convenu que le reste de la pièce, et la conclusion est un jugement positif : « ce petit opéra est plein d'esprit et de gaieté; le dialogue en est vif et comique », mais la musique est moins bien jugée : elle a trop peu de couleur, et elle est trop « contournée », et les accompagnements étouffent les motifs (l’orchestre fait trop de bruit ?). Certains éléments sont pourtant mis en valeur (l’ouverture, deux airs), et les acteurs sont mis en avant pour leur ensemble.]
THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.
Ils sont chez eux, ou les Epoux avant le mariage.
Il y a bien des gens à Paris, qui sont époux avant le mariage un conteur auroit pu traiter ce sujet un peu graveleux : mais la plume d'un auteur dramatique ne peut pas tracer ce qui feroit très-bien dans un conte, même moral. Le titre de la pièce nouvelle est une énigme, et l'ouvrage en donne le mot d'une façon très-agréable. Deux amans sont brouillés, sans trop savoir pourquoi, comme tous les amans. La femme quitte Brest pour venir à Paris, le jeune homme court après ; preuve d'amour. Il a donné ordre à son valet de lui chercher un appartement, le plus près possible de celui de la jolie veuve. Le valet, qui aime la soubrette, s'arrange avec elle, et de leur autorité privée ils louent le même logement, y font transporter les meubles de Monsieur et de Madame, et comme ils doivent les raccommoder et les marier, ils ne trouvent rien de plus simple que de les loger ensemble d'avance. De là naissent des scènes réellement comiques. Un vieux tapissier vient demander le payement des meubles de Monsieur, et s'adresse à Madame, qui assure n'être point mariée. C'est encore pis, dit le tapissier, et il ne veut plus faire crédit. Un oncle, auquel le jeune homme s'adresse pour avoir de l'argent, apprend aussi de l'hôtesse ce prétendu mariage ; il est furieux. Les prétendus époux ignorent seuls la cause de tous ces embarras. Ils croyent chacun recevoir une visite de l'autre, la trouvent un peu longue, se disent adieu mutuellement, et s'étonnent beaucoup qu'après l'adieu, aucun des deux ne sorte. Ils entrent dans des cabinets différens, la voix de l'hôtesse les en fait sortir ; que l'on juge de leur surprise, lorsqu'ils se voyent tous deux en deshabillé. L'hôtesse crie au scandale, l'oncle et le tapissier ne sont pas plus contens. Il faut que les valets expliquent le quiproquo. La jeune veuve est obligée de pardonner ; l'oncle en fait autant et paie les dettes de son neveu.
Ce petit opéra est plein d'esprit et de gaieté; le dialogue en est vif et comique. La musique n'a peut-être pas assez de couleur ; elle seroit plus agréable, si l'auteur l'avoit moins contournée : les motifs qui sont agréables, sont étouffés par les accompagnemens. On a cependant goûté l'ouverture, le duo chanté par Martin et Mademoiselle Rolando, et le petit air exécuté par cette aimable cantatrice. Chenard, Lesage, Huet et Madame Haubert-Lesage ont contribué à l'ensemble de la représentation.
Les paroles sont de M. Desaugiers, la musique de M. Alex. Piccini.
L’Esprit des journaux, français et étrangers, année 1808, tome II (février 1808), p. 271-276 :
[Le compte rendu commence par une longue analyse d’une intrigue que le critique juge invraisemblable, même s’il concède que le début reste dans les limites de l’acceptable. La suite l’est fort moins. Si la tromperie mise en œuvre par les serviteurs a pu être utilisée dans la réalité (le critique en donne un exemple, sans donner de nom), on trouve ensuite un supposé mari mort à la guerre, et qui va réapparaître, et un oncle riche, personnages dont le théâtre du temps abuse quelque peu. C’est le moyen de faire « naître beaucoup de méprises », que le compte rendu énumère. Le dénouement arrive naturellement, et il n’a rien d’étonnant. L’invraisemblance de l’intrigue (c’est une question sérieuse) pourrait être acceptée par le public, à condition de faire naître « des situations plus fortement comiques, des effets plus piquans que n’en comporte la pièce nouvelle. Or, son intrigue repose sur « un nœud serré si légèrement » qu’il pourrait être dénoué à tout instant. Ce qui n’a pas empêché le succès, grâce à « deux situations plaisantes », « celle des deux amans qui se reconduisent et leur apparition en déshabillé », à deux personnages bien servis par leur interprète. Par contre, la musique est condamnée, malgré une ouverture « assez agréable ». Finalement, « cet opéra comique n'est en quelque sorte qu'un vaudeville déguisé », dont on n’a applaudi que les paroles, et les couplets de la fin. Le compte rendu s‘achève par deux de ces couplets « qui nous ont paru les meilleurs ». A chacun de juger.]
THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Les Epoux avant le mariage, ou Ils sont chez eux, opéra comique en un acte, de M. Desaugiers, musique de M. Alexandre Piccini.
Valsain, jeune officier, et Mme. de Solange, jeune et jolie veuve, étaient au moment de se marier à Brest. Un accès de jalousie qui survient à Valsain très-mal-à-propos, rompt le mariage. Mme. de Solange part pour Paris ; Valsain y vole sur ses traces, et Germain, son valet, y rencontre bientôt Finette, suivante de la veuve. Ils s'aiment comme leurs maîtres s'aimaient ; ils devaient se marier comme eux, et Germain n'ayant point eu d'accès de jalousie, ils se concertent pour rapprocher Valsain et sa veuve, dont le mariage peut seul amener leur union. Jusqu'ici la vraisemblance n'est point blessée, mais elle sonffre un peu du moyen de rapprochement qu'imaginent Finette et Germain. Ils louent pour Valsain et Mme. de Solange, un appartement commun, et les font passer auprès de Mme. Bertrand, propriétaire de la maison, pour mari et femme. Ils achètent chacun de leur côté les meubles nécessaires à l'officier et à la veuve, et l'on voit apporter à-la-fois dans le sallon, d'un côté, le piano et la toilette, et de l'autre, un secrétaire et un violon. Germain et Finette sont persuadés que l'entrevue que leur adresse amènera nécessairement entre Valsain et Mme. de Solange, suffira pour les réconcilier, et peut-être même ils se flattent qu'ayant passé dans la maison pour mariés, et ayant occupé un appartement qui les suppose tels, ils n'oseront pas démentir les apparences. On sait qu'un homme très-fameux, du siècle dernier, décida un mariage qu'il souhaitait, par un stratagème du même genre.
Voilà donc Valsain et Mme. de Solange logés, sans le savoir, dans le même appartement, rue Cérutti ; Mme. Bertrand, convaincue de leur mariage, est priée cependant de n'en point parler à Mme. de Solange, parce qu'elle croit son mari mort sur le champ de bataille, qu'en conséquence elle s'est donnée pour veuve, et qu'on veut lui ménager adroitement le plaisir de revoir et de reconnaître son époux. De plus, Valsain a un de ces oncles riches, si commodes pour réparer les sottises des neveux, et les valets qui ont ourdi toute l'intrigue ont aussi quelque intérêt à la lui cacher.
On sent que d'une telle situation doivent naître beaucoup de méprises. C'est d'abord un tapissier qui vient demander à Mme. de Solange le paiement des meubles qu'il a fournis pour le compte de son mari ; ensuite c'est Valsain qui, croyant entrer chez lui, est fort étonné d'y trouver Mme. de Solange; puis on les voit l'un et l'autre se reconduire, s'arrêtant de chaque côté de la porte et faisant de profondes révérences, mais sans qu'aucun croie devoir sortir. Cependant Mme. de Solange s'y détermine ; mais l'arrivée de l'oncle produit de nouveaux quiproquo. Mme. Bertrand lui parle de la mort, de la résurrection et du mariage de son neveu. L'oncle la traite de folle.— Je voudrais bien voir qu'il fût marié, dit-il avec le sentiment de son autorité d'oncle ! — Je voudrais bien voir qu'il ne le fût pas, réplique Mme. Bertrand avec toute sa dignité de propriétaire. L'oncle sort, les amans reviennent et se retirent chacun dans une chambre pour s'habiller. La scène est occupée un moment par le valet et la soubrette ; on les appelle; ils n'obéissent pas sur-le-champ; et c'est alors que Valsain et Mme. de Solange paraissent dans un si grand négligé, qu'ils ne peuvent plus douter de la supercherie qu'on leur a faite.
Le dénouement ne peut plus être loin. L'oncle revient, on s'explique ; Germain et Finette avouent leurs torts, et ils obtiennent d'autant plus aisément leur grace, que Valsain et la jeune veuve s'aiment, et que Mme. de Solange ne peut se refuser aux instances de Valsain, aux sollicitations de l'oncle et à l'éloquence de Mme. Bertrand, qui tous se réunissent pour renouer son mariage.
Nous avons déjà fait remarquer l'invraisemblance de la supposition qui sert de base à cet ouvrage. Il est vrai que c'est dans ce genre de suppositions que le public pardonne le plus facilement l’invraisemblance ; mais il exige alors qu'il en naisse des situations plus fortement comiques, des effets plus piquans que n'en offre la pièce nouvelle. Elle a aussi, en commun avec beaucoup d'autres, le défaut d'un nœud serré si légèrement, qu'on voit bien qu'il ne dépend que de l'auteur de le dénouer à chaque scène. Quoi qu'il en soit, cet ouvrage a obtenu un succès qui n'a point été contesté. Il le doit à deux situations plaisantes que nous avons indiquées ; celle des deux amans qui se reconduisent et leur apparition en déshabillé ; au rôle de Mme. Bertrand qui est fort original et fort bien joué par Mlle. Desbrosses ; au personnage épisodique du tapissier, également bien rendu par Lesage, et à quelques mots heureux semés dans le reste de l'ouvrage. La part du musicien est à-peu-près nulle dans ce succès. Son ouverture est cependant assez agréable ; mais tous ses couplets, excepté les derniers, sont sans couleur et sans verve ; les duos et le trio valent encore moins. Ce n'était pas la peine de mettre en scène Martin, Mlle. Rolandeau et Mme. Hubert pour leur faire chanter des vaudevilles. Au fait, cet opéra comique n'est en quelque sorte qu'un vaudeville déguisé ; ce qui le prouve, c'est que dans les morceaux de chant le public n'a guères applaudi que les paroles, et que la réussite est due en grande partie au vaudeville de la fin, dont on a fait répéter presque tous les couplets comme au théâtre de la rue de Chartres. Nous en citerons deux qui nous ont paru les meilleurs :
MADAME BERTRAND.
Que l'on envoie à Tivoli
Jeune fat, beauté surannée,
Un gourmand au café Hardi,
Un bel esprit à l'Athénée,
A Charenton vieil amoureux,
Vielle coquette aux Incurables,
Mari jaloux â tous les diables.....
Ils sont chez eux, ils sont chez eux.
VALSAIN.
Envoyez nos jeunes Français
Dans les champs poudreux de Bellone ;
Armez leurs bras et placez-les
Sous le feu de l'airain qui tonne :
Là, faites briller à leurs yeux
L'espoir d'un trépas plein de gloire ;
Entre l'honneur et la victoire,
Ils sont chez eux, ils sont chez eux.
Que ne donnerait pas un érudit pour un pareil échantillon des malicieuses Atellanes, qui firent si long-temps les délices du peuple romain? G.
L’Esprit des journaux, français et étrangers, année 1808, tome VII (juillet 1808) p. 291-292 :
[Représentation à Bruxelles : elle a été un échec complet, principalement pour la musique, jugée très sévèrement.]
L'opéra de MM. Desaugiers et Piccini, Ils sont chez eux, ou les Epoux avant le mariage, dont nous avons rendu compte dans le volume de Février, page 271, n'a eu aucun succès, et ne pouvait guères en avoir, quelqu'efforts qu'aient pu faire Mme. Berteau et M. Hurteaux, dans les rôles de Mme. de Solange et de Valsain, Mme. Gouget dans celui de la propriétaire, M. Perceval dans celui d'un tapissier, M. Eugène dans celui de l'oncle des deux amans, Mlle. St.-Albin et M. Coriolis dans ceux de soubrette et de valet. Le public ennuyé a sifflé poëme et musique, et en vérité sa mauvaise humeur était bien juste. S'il est difficile de défendre le poëme, qui cependant n'est pas dénué de gaieté, et pour lequel deux situations momentanées, il est vrai, mais très-plaisantes, semblaient demander grace, il est en revanche impossible de prendre parti, pour la musique, qui d'un bout à l'autre est terne, sans vie, et d'une monotonie assommante.
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