Les Étrennes, ou le Débat des Muses, divertissement en un acte, mêlé de musique, de M. Patrat, musique de Bernardo Mengozzi, 31 décembre 1791.
Théâtre de Mlle. Montansier
Almanach des Muses 1793
Journal encyclopédique ou universel, année 1792, volume 2 (février-mars), p. 405-407 :
[Plutôt que d’un compte rendu, c’est d’un long extrait que le rédacteur du Journal encyclopédique de Bouillon régale ses lecteurs : deux pages environ du rôle de M. Baptiste (une très prolifique famille d’acteurs du temps) qui joue, évidemment de façon comique, le drame donnant la leçon aux Muses et affirmant sa supériorité. On sait que le drame n’est pas tenu en haute estime dans les milieux du théâtre, et on retrouve dans ces quelques vers bien des caricatures qu’on fait habituellement (et fera encore un bon moment) pour discréditer ce genre.]
Nouvelles littéraires.
France.
Les Etrennes, ou le Débat des Muses, divertissement en un acte, mêlé de musique, représenté le 31 Décembre 1791, sur le théatre de Mlle. Montansier. On sçait quelle gaieté M. Baptiste, qui joue de la maniere la plus plaisante le rôle du Drame, répand sur cet ouvrage de M. Patrat. Nous ne pouvons résister au desir d'offrir à nos lecteurs les vers que M. Baptiste débite avec le plus de comique. C'est le Drame qui parle à Thalie & à ses sœurs :
Mes cris font plus d'effet que vos plaisanteries ;
Et ce jour vous le prouvera.
Oui, dans les ames attendries
Je ferai passer mes douleurs.
Je puis broyer du noir, on en est idolâtre ;
Et l'on se sert de mes sombres couleurs
A présent sur chaque théatre.
Nous en aurons bientôt deux cens quatre-vingt-trois :
Alors les amateurs pourront avoir du choix.
On ne veut à présent que répandre des larmes ;
A sanglotter on trouve mille charmes.
L'auteur n'est plus gêné par des préceptes vains :
Qui veut les respecter se donne un ridicule.
Les aveugles des Quinze-Vingts,
Sur la scene tragique, ont paru sans scrupule ;
Et j'espere bientôt y voir les Capucins.
Mon larmoyant, mon pathétique,
Mes sinistres tableaux, mes effrayans effets,
Mes sanglots étouffés, ma douleur énergique,
Ont passé du cothurne à l'Opéra-Comique.
On me trouve partout, jusque dans les ballets !
Il faut, pour avoir du succès,
De belles horreurs , du tapage,
Un incendie, un assaut, ua naufrage,
Des délateurs, des tribunaux,
Des capitouls, des injustices,
Des assassins, des cardinaux,
Des abbesses & des novices.
Nous y verrons, dans quelque tems,
Des exécutions & des enterremens....,
Pour émouvoir les cœurs d'une pitié soudaine,
On prend tous les moyens touchans.
On met de toutes parts des marmots sur la scene :
L'un, du haut d'une tour cherche à briser sa chaine ;
L'aurre est au fond d'un souterrein :
L’un a les yeux crevés, l'autre creve de faim :
C'est superbe !... En un mot, si vous cherchez à plaire,
Si, dans ce jour, vous voulez réussir,
Ayez recours à ma douleur amere.
Je vous laisse y penser.... Chez moi je vais gémir...,
Vous m'enverrez chercher.... &c. &c.
Dans la base César : la pièce est intitulée seulement Le Débat des Muses. Paroles de Joseph Patrat, musique de Bernardo Mengozzi. Elle a été jouée 24 fois du 31 décembre 1791 au 19 avril 1793.
Elle a été reprise à Bruxelles en 1806, comme en témoigne l'article de L'Esprit des journaux français et étrangers paru alors :
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1806, tome II (février 1806), p. 294 :
[Le compte rendu se limite à constater que la pièce n'est que ce qu'elle annonce : « un compliment de nouvel an » dans lequel les divers genres de pièces se disputent la suprématie. Le critique trouve d'ailleurs que Patrat, auteur de drames, n'a ps défendu le genre dans lequel il s'est surtout exprimé. La suite est consacrée à s'interroger sur les choix plutôt malheureux en matière de distribution. La pièce est jugée bien écrite, mais mal interprétée.]
Théatre De Bruxelles.
Janvier.
Le premier jour de l'an a été célébré par la représentation d'une pièce analogue à ce jour, intitulée les Etrennes, ou le Débat des Muses, comédie en un acte de feu Patrat ; dans laquelle la tragédie, la comédie, l'opéra, le vaudeville et le drame, se disputent la suprématie. Le drame, comme on sent bien, est présenté de la manière la plus ridicule. On doit s'étonner que Patrat, qui n'a fait que des drames, ait autant maltraité ce genre. Ceci prouve que ce comédien-auteur, qui n'était pas sans esprit, était fort inconséquent.
Cette pièce n'offre point d'intrigue ; c'est, à proprement parler, un compliment de nouvel an, dans lequel toute la troupe se montre au public. Sous ce rapport le but a été manqué ; car plusieurs acteurs marquans ont dédaigné de figurer dans cette représentation. La distribution de la pièce m'a paru inconvenante, relativement à plusieurs sujets.
Que Mme. Rousselois fasse Melpomène, la chose est dans l'ordre : jouant les reines dans la tragédie lyrique, et faite pour les jouer dans la tragédie, ce rôle lui appartenait. Mais que Mlle. St-Albin représente la Muse de la comédie, c'est le comble de la dérision. Ce rôle convenait incontestablement à Mlle. Ribou, ou à son défaut à Mlle. Morland. Mlle. Ribou faisait le Plaisir, rôle qui eût mieux convenu à Mlle. Folleville, qui, par sa taille et sa grande jeunesse, y eût été mieux pour l'illusion, tandis que Mlle. Ribou eût fait valoir celui de Thalie qu'il lui convenait de représenter. M. Eugène faisait le Vaudeville, et M. Perceval le Drame; il y a été fort plaisant et même original.
On a trouvé ridicule que Melpomène ne fut point accompagnée par les acteurs qui jouent la Tragédie et qu'on l'ait délaissée sous l'escorte de quelque figurans. M. Madinier, qui aime beaucoup la tragédie, aurait dû lui rendre un hommage public, en.se rangeant sous ses étendards. Mme. Berteau faisait l'Opéra. Personne, autant que cette excellente cantatrice, n'était plus digne de représenter Euterpe.
Cette pièce est écrite avec esprit, et elle aurait fait grand plaisir, si on en eût bien ordonné le spectacle.
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