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Félime et Tangut, ou le Pied de nez

Félime et Tangut, ou le Pied de nez, mélodrame-féérie en 3 actes à grand spectacle, de P. Villiers et Hyacinthe Pessey, musique de J. Lanusse, ballets de Hus le jeune, mise en scène de Ribié, le 24 floréal an 13 [14 mai 1805]

Théâtre de la Gaîté

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 13 (1805) ;

Félime et Tangut, ou le Pied de nez, mélodrame-féérie en trois actes, à grand spectacle, Orné de Pantomime, Danses, Combats, etc. Par MM. P. Villiers et H. Pessey ; Musique de M. J. Lanusse ; Ballets de M. Hus, le jeune ; Mis en scène par M. Ribié. Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 24 floréal an 13 (14 mai 1805).

Courrier des spectacles, n° 3004 du 17 floréal an 13 [7 mai 1805], p. 3 :

On annonce la représentation très-prochaine, au théâtre de la Gaîté, d’un mélodrame à grand spectacle, intitulé : le Pied de nez. C'est un sujet tiré du joli conte de Tangu et Félime, par M. de la Harpe. On doit y voir un incendie qui rivalisera avec celui de la ville de Troye.

Courrier des spectacles, n° 3015 du 28 floréal an 13 [18 mai 1805], p. 2-3 :

[La pièce raconte une légende arabe mise en conte et en vers par La Harpe. Visiblement, c'est le conte de La Harpe que le critique a sous les yeux quand il rédige son article, largement truffé de vers de la Harpe. De la pièce, il souligne surtout qu'elle a été bien écrite et a fait l'objet de toutes les attentions de l'administration du théâtre. Quant à l'intrigue, elle suit la série des talismans que le pauvre Tangu se fait dérober, avant le dernier moyen, ces figues qui font grandir le nez, dont Tangu sait enfin se servir à son avantage : il peut récupérer tout ce qu'il a cédé. L'article, fort long, s'achève sur la liste des auteurs, paroles, ballets et musique.]

Théâtre de la Gaîté.

Le pied-de-nez, ou Tangu et Felime.

Tout le monde connoit le joli conte mis en vers par M. de la Harpe, sous le titre de Tangu et Félime. Tout le inonde sait que c’est une des plus agréables productions de cet écrivain célèbre, qui d’ailleurs n’eut jamais, comme poète, qu’un talent médiocre.

Le peuple Arabe est un peuple conteur ; dit M. de la Harpe en commençant son récit.

J'aime ces Nuits dont il est l’inventeur,
L’antique esprit de sa chevalerie,
Et ses tournois et sa galanterie,
Chez l'Ottoman son trône transporté ;
Tout a péri ; ses contes ont resté.

M. de la Harpe avoit raison; ces récits merveilleux, ces jeux de l’imagination ont un charme particulier qui séduisent, entraînent, et font taire les remontrances de la sagesse et du bon sens. Pourquoi nos jeunes auteurs qui prétendent nous amuser sur ces petits théâtres, qui semblent fondés pour le rire et la gaîté, ne profiteroient-ils pas des conseils de M. de la Harpe ? Pourquoi, au lieu de ces fictions agréables, de ces miracles de l’imagination, si amusans et si nombreux dans nos livres de féerie, préféreroieut-ils les scènes lugubres, les faits noirs, atroces et sanglans des romans anglais ? un palais enchanté, habité par des fées et des génies ne vaut-il pas ces tours impénétrables, ces prisons profondes et ténébreuses, azile des oiseaux de nuit et des fantômes ? Le Théâtre de la Gaîté a déjà commencé à donner le bon exemple ; la Lampe merveilleuse est un spectacle agréable, dont le public et le caissier out été également satisfaits.

Tangu et Felime sera encore d’un plus riche produit : ce sujet, dont le fonds est si heureux et si varié, a été traité avec beaucoup d’intelligence et de succès. Le poëme est écrit avec pureté et élégance ; le choix des situations est bien fait, la marche est facile, les parties sont liées habilement entr’elles, et forment un tout d’un dessein et d’une exécution supérieure à ce que l’on entend ordinairement sur un théâtre de Boulevards. Aussi n’a-t on rien négligé pour rendre à cette production les honneurs qu’elle mérite. L’administration a déployé en sa faveur toutes ses richesses en décorations, en costumes, en ballets.

Le poète a suivi assez exactement le conte de M. de la Harpe :

Tangu vivoit dans Alep en Syrie,
Fils d’un marchand et riche de renom,
Il se sentit quelque tentation
Vers dix-huit ans de quitter sa patrie,
De voyager. Que gagne-t-on chez soi?
Se disoit-il.

Il confie donc son dessein à son père, qui lui fait quelques remontrances, et pour tout nantissement lui donne une vieille bourse de cuir.

Plaisant trésor, disoit Tangu tout bas,
Hanif me fait un présent bien superbe,
Et sans argent où peut-on faire un pas ?

Il étoit triste et pensif, lorsqu’en retournant la bourse, il apperçoit ces mots : « Combien te faut-il ? — Mille pièces d’or, » s'écrie-t-il , et aussitôt la bourse s’enfle, et mille pièces d’or viennent la remplir ; il répète l’expérience, et la bourse toujours fidèle répond exactement à ses vœux. Le voila au comble de la joie ; il achète des chameaux, un équipage ; il arrive à Damas ; il éblouit toute la cour par son opulence et l’appareil de sa maison ; la princesse Félime elle-même est éblouie de tant de fortune. L’heureux Tangu se croit déjà le gendre du Sultan ; mais Félime exige qu’il révèle le secret de tant de puissance.

Vous allez voir qu’elle avoit ses raisons,
Félime avoit conçu quelques soupçons.
Cette opulence et ce profond mystère.
L'inquiétoient .    .    .    .    .    .    .    .    .
De l’étranger les richesses pompeuses
Tenoienl peut-être à quelque talisman,
Or, en ce cas , la maligne princesse
Avoit juré de s’en rendre maîtresse.

Tangu fut pris, se laissa séduire, avoua la bourse et le prodige. Félime voulut vérifier par elle-même ; elle saisit le cuir magique, s’enfuit et disparut.

C’étoit à la chasse au milieu d’une forêt, Tangu reste inconsolable, il veut se précipiter du sommet d’un rocher ; mais le Génie qui le protège change le rocher en éléphant, et lui fait présent d’une ceinture merveilleuse avec laquelle on peut se transporter partout ; vous jugez bien que son premier mouvement est de se rendre à Damas, d’y voir son infidèle, de lui reprocher ses perfidies. Félime a l’air de se repentir ; elle aime si tendrement son cher Tangu : avoir pu la soupçonner, quelle horrible injustice !

Félime ingrate ! allons, vîte, à genoux.
Demandez grâce, a vouez votre crime . . .
Mais je vous vois, vous êtes mon époux,
Et je pardonne ; eh bien ! plus de courroux.
La paix est faite ; allons , asseyez-vous ;
Mettez-vous là... Ce mot étoit si doux,
Et celte voix étoit si séduisante,
Et cette main é toit si-caressante. . .
Il faudroit être ou de marbre , ou d'airain
Pour y tenir.

Tangu ne fut ni de marbre, ni d’airain, il donna la ceinture, et une seconde fois la malicieuse Femme se joua de sa crédulité, et profitant du talisman, mit entre elle et lui une telle distance, que Tangu vit bien que pour cette fois encore, il falloit renoncer à la ceinture et à la Princesse. Enfin il fatigue encore son Génie, qui consent , pour la dernière fois, à lui faire un nouveau présent : c’est un cor avec lequel il peut, en un instant, rassembler des armées innombrables. Le voilà généralissime marchant à la tète de toutes ses troupes pour assiéger la ville de Damas, et punir enfin d’une manière exemplaire la coupable Princesse qui s’est jouée si indignement de son amour. La ville est assiégée ; mais la Princesse vient pleurer, et le cor passe encore des mains du malheureux Tangu dans celles de sa traîtresse divinité. Enfin le Génie veut que Taugu puisse se venger ; un enfant caché dans un figuier lui donne un panier de figues, elles ont la vertu d’allonger le nez aussi-tôt qu’on en a mangé ; d’autres figues rétablissent les choses dans leur premier état. Tangu envoie les premières à la Princesse et au Sultan ; à peine ont-ils goûté des figues, que leur nez croit d’un pied, seconde figue mangée, second pied-de-nez. Tangu déguisé en médecin, arrive avec les autres figues et promet de guérir le Prince et sa fille, mais instruit enfin à ses dépens, il n’opère la cure que quand il a recouvré la bourse, la ceinture et le cor.

Les paroles de ce mélodrame sont de MM. Villiers et Pessey, les ballets de M. Hus le jeune et la musique de M. Lanusse.

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