Fouquet
Fouquet, comédie en cinq actes et en prose, de J.-R. Gain-Montagnac, 5 janvier 1814.
Théâtre Français.
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Titre :
Fouquet
Genre
comédie
Nombre d'actes :
5
Vers / prose
en prose
Musique :
non
Date de création :
5 janvier 1814
Théâtre :
Théâtre Français
Auteur(s) des paroles :
J. R. Gain-Montagnac
Almanach des Muses 1815.
Pièce qui n'a point obtenu de succès. On s'attendait, d'après le titre et le nom du personnage principal, à quelque intérêt, et l'attente a été trompée.
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1814, tome I (janvier 1814), p.283-293 :
[Ce fort long compte rendu s’ouvre sur des généralités : une mise en garde contre l’influence des littératures étrangères, qui détournent les jeunes écrivains de la bonne comédie. Là où les auteurs français respectent les trois unités, les étrangers prônent le drame biographique, et racontent toute une vie dans une pièce. Le critique s’amuse d’ailleurs à montrer ce que serait le Fouqet d’un auteur étranger : au lieu de ne raconter que la disgrâce de Fouquet, c’est toute sa vie qu’il découperait en cinq actes (voire plus). « Tels sont les principes d'un théâtre qui n'en a point ; telles sont les règles dramatiques d'une nation qui veut méconnaître celles dont nous sommes très-heureusement les esclaves ». Ce théâtre étranger a donné le mélodrame, il tuera bientôt la tragédie. On arrive ainsi à Fouquet, dont l’auteur n’a pas su choisir, « il ne s'est montré ni franchement allemand, ni sagement français », il n’a pas su utiliser les riches matériaux fournis par le sujet. Ainsi Fouquet, qui était au milieu des luttes politiques, et qui était un grand séducteur, apparaît, dans la pièce comme « un chef de famille fort triste, occupé du mariage d'une niéce, et fort éloigné de la galanterie ». Le reproche essentiel fait à la pièce est de ne pas donner du personnage une image conforme à l’histoire telle qu’on la concevait en 1814. « On voit que l'auteur a en quelque sorte pris plaisir à se priver de toutes les ressources que son sujet même lui pouvait offrir. » Les personnages historiques qui interviennent se contentent de tourner « autour du rôle principal, sans liaison entre eux et sans unité d’action ». La froideur du personnage a été mal supportée par le public, mais la pièce est allée à son terme, non sans susciter du brouhaha qui empêchait parfois d’entendre. La conclusion qu’on peut tirer de ce long compte rendu, c’est que, aux yeux du critique, « en traçant son personnage de Fouquet, l'auteur ne paraît pas avoir tenu son crayon d'une manière assez ferme ». On ne sait trop quel parti il prendrait dans la situation où se trouve Fouquet. On finit par s’interroger sur le genre auquel appartient la pièce, question importante à l’époque. « Dénué d’action et d’intérêt », « dépourvu de comique », il est dans l’esprit du siècle de Louis XIV. Mais le décalage entre les époques afait que les détails exacts de la pièce ont passé pour des inconvenances. La pièce est tombée, mais sans déshonneur pour l’auteur, même s’il n’a pas été nommé.
Les cours de littérature étrangère dont le compte rendu souligne d'entrée les dangers sont effectivement en vogue dans les années 1800 : le Cours de littérature dramatique de Schlegel commence à paraître à partir de 1809 et a un grand retentissement. Il est traduit en français par une cousine de madame de Staël, madame Necker de Saussure et est publié en 1814.].
THÉATRE FRANÇAIS.
Fouquet, comédie historique.
Prenons y garde ; les cours de littérature étrangère ont leurs dangers ; ils ne doivent être lus qu'avec une grande réserve- Nos rivaux ont peut-être leurs raisons pour nous inviter à quitter la bonne route, pour nous entraîner hors du sentier de la bonne comédie. Défions-nous d'eux lorsqu'ils condamnent à la nullité l'écrivain qui s'exerce dans le genre de Molière ; ils redoutent un nom de plus dans les fastes littéraires de la France ; ils craignent une nouvelle concurrence, une dangereuse rivalité. Ils nous pressent de nous adonner à la comédie historique ; leurs raisonnemens sont spécieux, leur doctrine séduisante. Une apparente facilité, le goût même du public pour tout ce qui a le caractère de la nouveauté, peut entraîner nos jeunes écrivains. Mais qu'on ne s'y trompe pas ; s'il est peu difficile de couper en cinq actes, et de diviser en scènes une action historique dont vingt mémoires ont donné les détails, s'il est moins difficile de narrer un événement que de tracer et de soutenir un caractère, cependant pour réussir éminemment dans ce genre, je ne crois pas qu'on puisse se dispenser d'invention, d'imagination, de combinaisons dramatiques ; il importe assez peu qu'un fait soit narré ou dialogué : il faut savoir si ce fait historique offert à la scène, y sera présenté avec l'art nécessaire pour le rendre intéressant ou comique, et pour en faire résulter une moralité profitable. Voilà - le point véritable de la question.
Les étrangers adoptent le principe du drame historique avec toutes ses conséquences, et en cela ils sont plus conséquens que nous. C'est le drame biographique qu'ils présentent à leurs théâtres ; et il peut bien ne pas être sans intérêt et sans utilité. Ainsi, par exemple, tandis que notre auteur français prend pour titre de son ouvrage le nom de Fouquet, et pour sujet sa disgrace seulement ; tandis qu'il se renferme dans les règles étroites des vingt-quatre heures, et de l'unité de lieu et d'action, voici comment un étranger eût divisé ses cinq actes.
Au premier, Fouquet serait arrivé du parlement au ministère : ses galanteries, ses prodigalités, ses intrigues auraient développé son caractère ; Mme. de la Vallière eût joué un grand rôle ; Louis XIV probablement eût paru. Au deuxième acte, nous aurions vu le surintendant, au faîte de la grandeur, étonnant le roi lui-même par la magnificence de la fête de Vaux ; au troisième, nous serions à Versailles, où se tramerait dans le silence ce qu'on peut appeller une conspiration du souverain contre un sujet ; au quatrième, le voyage de Nantes aurait lieu, c'est-à-dire la disgrace et l'arrestation, et nous aurions dans cet acte les cinq de notre nouvelle pièce française ; enfin, au cinquième, nous serions devant la commission parlementaire que Fouquet a si souvent déconcertée par la sagacité de ses réponses et la noble fermeté de son caractère : peut-être dans un sixième le verrions-nous à Pignerol, et même dans un septième Pélisson pourrait écrire ses mémoires, et Gourville annoncer sa mort.
Tels sont les principes d'un théâtre qui n'en a point ; telles sont les règles dramatiques d'une nation qui veut méconnaître celles dont nous sommes très-heureusement les esclaves ; d'une scène où tout doit être peinture, image, spectacle, mouvement ; scène à l'imitation de laquelle nous devons le bienfait du mélodrame, et bientôt, si l'on n'y prend garde, l'anéantissement de la tragédie ; scène dont les panégyristes et les modèles traitent de conversations les plus beaux développemens des caractères et des passions, qu'offre la scène française sous la plume des Corneille, des Racine, et des Molière.
L'auteur de Fouquet, comédie-historique, paraît n'avoir pas senti que quand on traite un genre, il faut l'aborder sans hésitation avec les beautés qu'il promet, avec les défauts qu'il comporte ; il ne s'est montré ni franchement allemand, ni sagement français ; sa réserve a dégénéré en timidité, sa retenue en faiblesse, et la simplicité de sa conception l'a conduit au vide et à la nudité. Il me paraît devoir être comparé à l'architecte qui, voulant élever un édifice, n'aurait pas pensé aux fondemens et même aurait rejetté loin de lui les élémens et les matériaux nécessaires à sa construction.
Quoi ! Colbert et Fouquet étaient en rivalité ministérielle ; Le Tellier observait la lutte avec inquiétude ; le caractère des deux premiers pouvait établir une opposition piquante ; on pouvait voir Fouquet placé entre l'homme qui désirait le plus le voir pendre et celui qui craignait le plus qu'il ne le fût (ainsi de Turenne désignait en effet les vœux de l'un et les terreurs de l'autre), et ni Colbert , ni Le Tellier ne paraissent dans un ouvrage qui a Fouquet pour titre et sa disgrace pour sujet ! Quoi ! Fouquet était un homme épris de toutes les belles dames de la cour, ou plutôt un homme dont toutes les belles dames étaient éprises ; c'était de lui qu'on avait dit :
Jamais surintendant ne trouva de cruelles ;
et dans la pièce nous ne voyons en lui qu'un chef de famille fort triste, occupé du mariage d'une niéce, et fort éloigné de la galanterie !
Fouquet osa porter ses vœux jusqu'à Mme. de la Vallière, et essayer de la séduire par les argumens familiers à un surintendant ; le roi le sut, jura de s'en venger. La fête de Vaux ne fut qu'une occasion, le voyage à Nantes qu'un prétexte. La disgrace de Fouquet tient peut-être à un motif fort étranger aux finances de l'état, et on dit à peine un mot de Mme. de la Vallière dans le monologue d'exposition !
Enfin, on sait que Fouquet offrit ses hommages à Mme. de Sévigné ; on sait que le spirituel cousin de cette femme illustre se moquait d'elle, et lui disait : Vous vous amusez après la vertu comme si c'était une chose solide ; on sait enfin que Mme. de Sévigné, qui ne démentit pas dans cette occasion son noble caractère, eut toujours pour le surintendant un attachement et une fidélité dont ses lettres contiennent mille témoignages, et son nom même n'est pas prononcé ! On voit que l'auteur a en quelque sorte pris plaisir à se priver de toutes les ressources que son sujet même lui pouvait offrir.
De qui donc Fouquet se trouve-t-il entouré dans le fameux voyage de Nantes, entrepris, disait-on, pour mettre à la raison les états de Bretagne, mais en effet pour s'assurer de Belle-Isle en même-temps que de la personne du surintendant ? Après sa femme, personnage très-insignifiant, et sa nièce, ingénuité d'une physionomie un peu moderne, on voit Pélisson : ce noble, constant et rigoureux défenseur du surintendant, est dans une position peut-être un peu subalterne, et dans une situation trop passive ; un comte d'Artagnan, sous les traits duquel l'auteur a eu l'intention de peindre l'ambitieux de cour, toujours prêt à régler les actions les plus importantes ou les plus minutieuses de sa vie sur le thermomètre de la faveur ; un marquis de Gêvres, personnage qui ne devait pas être placé sur le même plan ; un maréchal de la Meillerie, qui ouvre inutilement le premier et le cinquième actes, rôle de remplissage trop faiblement lié à l'ouvrage ; Gourville enfin......
Ce savant homme sans science,
Ce gentilhomme sans naissance,
Ce très-bon homme sans bonté....
qui nous est ici offert sous les traits d'un bouffon de société : enfin un M. de Brienne, personnage qui se présente, et ne se représente que pour annoncer les ordres du roi : beaucoup de personnages presque muets, parmi lesquels quelques-uns, tels que le commissaire Boucherat, le mousquetaire Maupertuis pourraient l'être tout-à-fait sans aucune difficulté : voilà les noms que l'auteur a préféré mettre en scène à ceux que lui inspirait son sujet. Je ne sais pas si c'est impuissance ou timidité, mais assurément un peu de témérité aurait été préférable.
Tous les personnages dans le plan de l'auteur, tournent autour du rôle principal, sans liaison entre eux et sans unité d'action. Fouquet au milieu de leur mouvement parait immobile, inactif, sans chaleur , sans passion. Pelisson seul s'échauffe pour ses intérêts. L'auteur avait compté sans doute sur cette apparente sécurité de Fouquet aux approches de l'orage, sur son aveuglement jusqu'au moment décisif ; il en espérait un effet comique ; mais la froideur de Fouquet s'est trop rapidement communiquée au spectateur. C'est un état contagieux à l'influence duquel le public n'a pu résister. Vers le milieu du troisième acte, deux scènes dans lesquelles Fouquet éprouve, sans dessein, les dispositions d'un courtisan auquel il offre la main de sa nièce, ont paru excessivement longues, et les traits piquans que pouvait renfermer le dialogue se sont perdus dans le tumulte qui allait croissant. Baptiste aîné qui a très-noblement joué le personnage de Fouquet, a cru devoir s'avancer et demander au public s'il désirait qu'on continuât ; la réponse a été unanimement affirmative, et la pièce a même été dès-lors écoutée avec plus de faveur. Au quatrième acte, on a trouvé une intention assez dramatique dans la scène où , déjà très-allarmé sur sa situation, le surintendant est obligé de faire bonne contenance, et d'entendre répéter une scène de comédie devant la compagnie rassemblée chez lui pour fêter sa convalescence ; mais ce n'était là qu'un répit accordé à l'auteur : un sentiment de curiosité faisait attendre le cinquième acte. Le retour du maréchal de la Meilleraie, l'apparition de Boucherat lui ont porté malheur : on n'y compte véritablement qu'une scène qui ne soit pas de remplissage, celle où Fouquet est arrêté ; mais elle est la dernière, et Pelisson arrêté lui-même ne peut s'étendre qu'en vaines déclamations. Pour les courtisans, ils vont voir M. de Colbert. Le trait est heureux, mais le bruit n'a pas permis de l'entendre.
En examinant les causes de la chute de cet ouvrage, arrêtons-nous sur-tout à cette idée, qu'en traçant son personnage de Fouquet, l'auteur ne paraît pas avoir tenu son crayon d'une manière assez ferme. Veut-il nous intéresser en faveur de cet illustre infortuné ? Veut-il donner une haute leçon aux favoris du sort ? Veut-il apprendre aux ministres quels sont leurs devoirs, aux rois comment ils doivent punir les fautes des ministres, aux courtisans avec quel art ils doivent observer les intermittences de la disgrace et de la faveur ? On ne le sait pas précisément, et l'on ignore, si l'auteur eût été du nombre des commissaires, s'il se fût rangé parmi les bons ou les contraires. Le public, qui suit toujours l'auteur, ne peut donc pas plus que lui prendre parti et s'intéresser ; mais si cet auteur voulait intéresser sur le sort de son héros, il a commis une grande faute, c'est de nous le dépeindre lui-même comme ayant dépassé les bornes de la prodigalité. Dans la piéce, le maréchal de la Meilleraie parle de vols, de voleries ; dans la pièce, Pélisson dit en face au surintendant qu'il a souvent trompé le roi. Ce mot prononcé, il ne peut plus être question que de l'arrivée du capitaine des gardes on l'attend plus qu'on ne le craint ; les gens d'une moralité sévère sont même excusables de l'appeller, et l'on peut rappeller ici au zélé Pélisson, lorqu'il fait de pareils aveux, le mot si connu : Ah ! tu me gâtes le Soyons amis. De deux choses l'une : il faut que Pélisson soit une victime, comme l'ont pensé Pélisson, La Fontaine et Sévigné, aveuglés peut-être par la reconnaissance et l'amitié, ou le roi a fait justice ainsi que l'ont établi un jugement solennel et des opinions qui allaient jusqu'à la peine capitale. A cet égard, il ne fallait pas laisser le spectateur dans l'incertitude ; après avoir vu la représentation de l'ouvrage, si l'on avait une certitude historique, elle est ébranlée ; si on avait du doute, il ne fait que s'accroître ; il faut recourir aux lettres de Sévigné, aux procès, aux mémoires. A quoi la pièce a-t-elle servi ? Elle eût servi à être intéressante si elle était dramatique, ou amusante si elle était conçue d'une manière comique et piquante ; mais après avoir entendu Fouquet, on se demandait de tous côtés, qu'est-ce que cet ouvrage ? Une comédie ? Non ; un drame ? Non pas précisément : quelqu'un y voyait des mémoires historiques en action, un autre des mémoires historiques sans action, ainsi l'on était d'accord à ne pas y trouver un œuvre dramatique. C'est ce qu'a voulu exprimer le parterre par son agitation continuelle, son impatience, ses lazzis, son rire perfide, et la malignité de ses applications.
Cependant si l'ouvrage est dénué d'action et d'intérêt, s'il est dépourvu de comique, et condamné comme production théâtrale, on voit qu'il n'a pu être écrit que par un homme qui a fait une étude particulière du siècle de Louis XIV, qui s'est nourri de la lecture de tous les mémoires du temps, et qui a assez bien conservé le ton et les convenances à l'époque qu'il retrace. Il offre, à cet égard, quelques détails heureux, des intentions assez ingénieuses. Mais ces détails même, ces intentions ont souvent tourné contre lui. Les choses les plus naturelles, les détails les plus nécessaires dans un sujet historique, ont été repoussés comme des inconvenances et des puérilités. Il existe pourtant des détails de la dernière puérilité , dans le Philosophe sans le savoir, qu'on revoit tous les jours avec un nouveau plaisir ; mais un grand intérêt règne : la situation entraîne, l'illusion est parfaite ; ces détails ne servent qu'à la completter : ils sont d'ailleurs à la portée de tous les spectateurs. Ici ces mêmes détails pouvaient être étrangers à la majorité du public. Pour quelques pièces de Corneille, il faudrait, a-t-on dit, un parterre de rois. Pour un ouvrage tel que Fouquet, il faudrait un parterre d'hommes de cour, et encore le succès serait-il douteux, car la pièce aurait le double tort de ne pas les amuser et de ne rien leur apprendre.
L'auteur n'a pas été nommé : sa chute ne présente à l'esprit rien qui puisse humilier son amour-propre ; on sait depuis longtemps que, sans l'habitude du théâtre et sans un génie particulier, sans une connaissance acquise des effets de la scène, on peut n'y pas réussir, quoiqu'on y ait apporté comme en tribut, beaucoup d'esprit naturel, fortifié par la lecture, l'étude et même, à un certain degré, la connaissance de cette grande scène qui s'appelle le monde.
S....
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome I, p. 167-169 :
[Il s’agit d'expliquer une chute, et les raisons sont essentiellement tirées de l’Histoire : on voit un Fouquet fort peu lucide sur ce qui est en train de se passer, et ceux qui l’entourent paraissent bien mal traités. Aucun n’est montré comme un grand homme. Le style ne pouvait suffire à sauver une telle pièce.]
THÉATRE FRANÇAIS.
Fouquet, comédie en cinq actes, en prose, jouée le 5 janvier 1814.
L'année n'a pas commencé heureusement pour notre premier théâtre. Fouquet a été disgracié par le public, comme par son Souverain.
La fête brillante donnée au Roi par Fouquet dans sa terre de Vaux, fit faire au Prince des réflexions sur l'immense fortune du surintendant des finances. Ses amis conçoivent pour lui les plus vives inquiétudes qu'augmente encore le voyage de Nantes. Fouquet seul est de la tranquillité la plus imperturbable ; il ne combat que par une froide ironie les raisons et les craintes de son fidèle ami Pélisson.
Quelques courtisans cherchent à deviner de quel côté va souffler le vent de la faveur, s'éloignent et se rapprochent tour-à-tour, du surintendant. Cependant la ville de Nantes se remplit de troupes ; la maison du Roi a reçu l'ordre de prendre les armes ; un grand événement se prépare pour la nuit suivante. Les alarmes des amis de Fouquet deviennent plus vives par le mystère qui accompagne toutes ces dispositions ; son assurauce redouble, et il s'applaudit de la chute de Colbert qu'il croit seul menacé. Quel est son étonnement quand on l'arrête, et celui des spectateurs quand ils voyent que c'est là le dénouement !
C'est dans ce cadre qu'on nous a présenté non pas les caractères, mais les noms du maréchal de la Meilleraye, qui n'hésite pas à se couvrir de honte et de ridicule, pour regagner les bonnes grâces de Fouquet; du comte d'Artagnan et du marquis de Gesvres, tous deux amis du ministre, et prétendant à la main de sa nièce. L'un exécute avec joie l'ordre de l'arrêter ; l'autre s'indigne du passe-droit qu'on lui a fait en ne le chargeant pas de cette honorable mission. Gourville, si grand dans ses manières, si généreux dans ses procédés, est peint comme un ignoble ivrogne et un parasite effronté. Le maître des requêtes Boucherat, qui succéda dans le ministère à le Tellier, remplit le rôle d'un agent de police subalterne, et le secrétaire d'état, comte de Brienne, est transformé en simple porteur d'ordres.
Le style de l'ouvrage n'étoit pas propre à couvrir ces défauts, et à prévenir une chûte qui étoit inévitable.
Mémorial dramatique: ou Almanach théâtral pour l'an 1815, p. 21-22 :
[Le compte rendu s’ouvre sur le résumé de l’intrigue, avec un problème, l’incertitude où est le critique de définir « l’intrigue de cette prétendue comédie ». C’est d’ailleurs la question posée au milieu de ce résumé : « il serait difficile de la trouver », puisqu’on peut en définir plusieurs (les courtisans ? la nièce ?). La fin de la pièce est aussi intrigante : pas de mariage à la fin (c’est pourtant presque toujours le cas dans une « comédie »), mais une arrestation. Un dernier paragraphe est consacré à la réaction du public, de l’ennui dans les deux derniers actes à l’explosion du troisième acte (au point que l’acteur principal demande s’il faut baisser le rideau : non, on continue), la trêve instaurée ne durant « que quelques instants » : « la pièce est tombée avec fracas ».]
THÉATRE FRANÇAIS.
FOUQUET, comédie en cinq actes, par M. *** (5 janvier )
La scène est à Nantes , où la cour vient de se transporter pour quelques tems. Depuis la brillante fête donnée à Louis XIV par le surintendant , les courtisans se sont facilement apperçus que le faste étalé par Fouquet avait irrité son maitre contre lui; et, suivant l'usage immémorial des cours, ils s'efforcent d'accélérer sa perte, dans l'espoir de s'enrichir de ses dépouilles. Le plus vil d'entr'eux, le maréchal de Meillerage, s'annonce dès la première scène comme devant porter au surintendant les coups décisifs. Cependant il n'agit pas plus que les autres, et on ne le revoit qu'au dénouement.
Quelle est donc l'intrigue de cette prétendue comédie ? il serait difficile de la trouver. Serait-ce les fluctuations d'une demi-douzaine de courtisans, qui cherchant à pénétrer les intentions du Monarque, s'éloignent et se rapprochent tour-à-tour de Fouquet ? Serait-ce la recherche de la main de sa nièce par deux seigneurs, ses intimes amis, dont l'un est très flatté d'avoir été choisi pour l'arrêter, tandis que l'autre se plaint de ce qu'on lui a fait un passe-droit en chargeant son rival de cette honorable commission ?
Les alarmes de Pélisson et de quelques autres vrais amis du surintendant augmentent, quand ils apprennent que des troupes sont entrées secrètement dans la ville de Nantes, et que la maison du roi a reçu ordre de prendre les armes. Mais ils ne détruisent point le calme stupide de Fouquet. Ne pouvant plus se dissimuler que l'on médite quelque grand coup d'autorité, il se persuade que le danger ne menace que Colbert. Il faut, pour lui ouvrir les yeux, qu'on vienne lui signifier l'ordre du roi, et c'est alors que sa nièce, perdant à la fois ses deux amans, la pièce finit, à défaut de mariage, par une arrestation.
Le public a écouté les deux premiers actes de cette pièce avec l'ennui le plus patient ; quelques légers murmures attestaient cependant de tems-en-tems les efforts qu'il faisait pour se contenir. Mais enfin l'explosion a éclaté au troisième acte, et d'une manière si forte, que Baptiste aîné, chargé du rôle de Fouquet s'est avancé vers la rampe et a adressé au public les mots suivans : « Messieurs, permettez-moi de vous demander s'il faut continuer ou nous retirer. » Continuez, continuez, a répondu le parterre, mais la trève n'a duré que quelques instants, et la pièce est tombée avec fracas.
La base La Grange de la Comédie française attribue le texte au Comte J. R. de Gain-Montagnac. La pièce n’a connu qu’une représentation, le 5 janvier 1814.
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