Frédégilde ou le Démon familier

Frédégilde ou le Démon familier, drame à grand spectacle en quatre actes, de Cuvelier et Hapdé, musique arrangée par Morange, 13 brumaire an 7 [3 novembre 1798].

Le Courrier des spectacles du 13 brumaire an 7 annonce la pièce comme une « pantomime dialoguée en 4 actes à grand spectacle »

Théâtre de la Cité-Variétés et de la Pantomime nationale

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 7 :

Fredegilde ou le Démon familier, drame à grand spectacle en quatre actes, Mêlé de Pantomime, Chants, Danses et Evolutions militaires. Paroles de J. G. A. Cuvelier et J.-B. Hapdé. Musique arrangée par L. Morange. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de la Cité-Variétés et de la Pantomime nationale, le 13 brumaire, an VII. Avec les airs notés.

Courrier des spectacles, n° 621 du 14 brumaire an 7 [4 novembre 1798], p. 2-3 :

[D'emblée, le critique prévient le lecteur : la pièce n'a pas réussi, elle « s'est trainée avec peine jusqu’à la fin ». Après cet avertissement initial, il entreprend (c'est courageux) de résumer une intrigue qui semble vouloir accumuler tous les clichés du drame féerique. Dans un mélange savant de geste de Charlemagne et de magie d'Armide, la pièce fait défiler le mariage interrompu par la foudre, la découverte de l'infidélité qui conduit à la mort de la jeune presque épousée (mais on la reverra à la fin, elle ne peut pas vraiment mourir !), la terrible découverte que le supposé rival était en fait le frère de sa bien aimée, la ruse odieuse de la magicienne (une ruse de plus, en fait) qui fait accuser le jeune amant du meurtre de ce frère (mais il n'est pas mort non plus), avant qu'il ne s'évade de prison (il est nécessaire que le héros passe par le cachot et l'évasion), le philtre donné par la méchante magicienne, mais que le serviteur malin lui fait absorber. Il est temps de finir : tout l monde se retrouve dans le château de la magicienne : on jette celle-ci « au fond des abymes », Olivier et Céliane sont enfin réunis et vont enfin pouvoir se marier, et Arthur, pourtant traître à Charlemagne, obtient son pardon. Toute cette accumulation de péripéties est jugé avec sévérité : deux actes ont plu au public, mais c'est en partie au moins grâce à des décors que le critique décrit avec soin. Par contre les deux derniers actes « sont froids et languissans » : le troisième acte est interminable, et le quatrième, celui des combats, n'est pas très réussi, combats mal sus et mal exécutés. Les sifflets se sont élevés un peu partout dans la salle (ce n'est pas une cabale !), et l'auteur, faiblement demandé, n'a pas été nommé.

De cette critique on retient l'importance des combats et des décors : d'eux dépendent en bonne part la réussite d'une pièce. Et ce soir-là, si certains décors ont bien plu, les combats n'ont pas été à la hauteur des attentes du public, qui s'est ennuyé et a sifflé.]

Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.

La première représentation de Frédégilde, ou le Démon familier, pantomime dialoguée, donnée hier à ce théâtre, s'est trainée avec peine jusqu’à la fin.

Frédégilde, princesse artificieuse et grande magicienne, retient captif dans son palais Olivier, chevalier de la cour de Charlemagne, qui n’a abandonné qu’à regret son amante Céliane. Célestin, jeune page d'Olivier, lui avoue que Céliane l’aime encore, et qu'elle doit se rendre vers le soir à une chapelle voisine, où ils seront unis par les moines qui la desservent. Olivier, par la vertu d’un anneau que Célestin a reçu de Frédégilde, s'échappe du château, arrive au rendez-vous, et va recevoir sur l'autel les sermens de Céliane. Mais Frédégilde sait tout ; elle poursuit le couple infortuné, et invoquant son art tout-puissant, elle fait tomber la foudre sur l’autel et empêche ce fatal hymenée. Une voix inconnue leur crie qu'ils sont parjures l’un et l’autre : Olivier est interdit, pétrifié, Céliane évanouie, Frédégilde triomphe. Elle a en son pouvoir son amant fugitif et sa rivale ; comme sa puissance ne s’étend pas jusqu’à faire périr elle-même Céliane , elle a recours à la ruse, et afin de porter Olivier aux plus grands crimes, elle allume en son cœur les transports jaloux, et lui montre sa maîtresse flattant un autre amant. Olivier, hors de lui, soupçonne quelqu’artifice de la part de Frédégilde, mais celle-ci, pour le convaincre, lui déclare que son rival sera le soir même aux pieds de Céliane dans les bosquets du jardin impérial.

Le chevalier y est bientôt transporté, et sur prend réellement les deux objets de sa jalousie. Il veut les poignarder, mais une chaîne d’or que son page lui a mise au cou, a la vertu d’arrêter l’homme prêt à commettre un crime, et suspend son bras. Cependant enfin les adieux de Céliane à l’autre chevalier le transportent au point qu’il jette cette chaîne loin de lui, et qu’il perce son amante d’un coup de poignard. Celle-ci en expirant, lui déclare que ce prétendu rival étoit son frère. Olivier, fuyant un lieu témoin de son assassinat, arrive près d'une masure contiguë à la chapelle où le matin il avoit été sur le point de s’unir à Céliane. Arthur, (c’est le nom du frère de cette princesse) fugitif et proscrit, porte ses pas vers cet endroit. Olivier lui demande la mort comme une justice, comme un bienfait, Arthur le force à se défendre, mais il est lui-même vaincu et obligé de chercher un asyle dans la cabane voisine.

Olivier épuisé de fatigue, tombe sur le gazon et se livre au sommeil. Frédégilde a suivi leurs pas ; elle ouvre la porte de la cabane, et afin de pouvoir accuser Olivier du meurtre d’Arthur, elle fait à celui-ci une large blessure, et dépose près de lui l'épée d’Oûvier. Ce dernier convaincu d’assassinat par ce témoin qu’on lui confronte, est conduit en prison, et Arthur rappellé à la vie s’unit à Frédégilde pour combattre les années de Charlemagne.

Cependant Olivier est condamné et n’attend plus que l’heure de son trépas. Célesiin s'introduit dans son cachot, le fait évader, pour aller commander les troupes de Charlemagne, et se fait auparavant enchaîner par lui à un poteau.

C’est dans cet état que Frédégilde trouve le page au lieu du maître. Célestin par une feinte colère contre Olivier, se concilie les bonnes graves de Frédégilde, qui l’engage à porter à son maître un filtre qui doit, dit-elle, lui rendre son cœur et le détacher de son premier amour. C’est un poison que Célestin a l’adresse de lui faire prendre à elle-même. Dès qu’elle s’en apperçoit, elle le fait saisir et emmener à son château, où elle retient prisonnière Céliane, qui n’a été que blessée lé gèrement par Olivier. Ce chevalier à la tête de l’armée, attaque le château de Frédégilde. Celle-ci est vaincue, ainsi que son défenseur Arthur ; mais Frédégilde fait amener Céliane, et par la force de ses enchantemens, enchaînant tous les bras, elle va l’immoler, lorsque Célestin descend sur un nuage et l’enchaîne à son tour. Il l’entraine et la précipite du haut des tours au fond des abymes. Olivier et Céliane sont réunis, et Arthur obtient de Charlemagne le pardon de sa rébellion.

Les deux premiers actes de cette pièce, aidés par la variété et la richesse des décorations, se sont assez bien soutenus. La décoration du premier acte, qui présente une vaste galerie, ornée de peintures et sculptures, et celte du second acte représentant les jardins du palais, ont été admirées, ainsi que beaucoup d’autres qui se succèdent rapidement Quand [sic] aux deux derniers actes ils sont froids et languissans ; le troisième sur-tout est d’une monotonie et d’une longueur fatiguante, le quatrième a présenté des combats qui, s’ils eussent été mieux sçus, mieux exécutés eussent pu faire taire les sifflets qui s’élevoient contre la pièce de différentes parties de la salle.

Quelques voix ont demandé l’auteur ; il n’a pas été nommé.

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