La Famille angloise, comédie en cinq actes, en vers, par M. Pieyre, 25 juillet 1809.
Odéon, Théâtre de l’Impératrice.
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Titre :
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Famille angloise (la)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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25 juillet 1809
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Théâtre :
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Odéon, Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Pieyre
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Journal de l'Empire, 28 juillet 1809, p. 2-4 :
[Le long compte rendu de la première de la pièce de Pieyre commence par l'e résumé des aléas de cette pièce, d'abord acceptée, puis rejetée par le Théâtre Français, ce qui pose le problème très sérieux de la validité de jugements opposés sur la même pièce. Mais la pièce a trouvé refuge à l'Odéon au prix d'un changement de titre. Ce changement de théâtre est l'occasion pour le critique de montrer la profonde transformation du jugement porté sur les drames, genre autrefois jugé inférieur, et aujourd'hui bien accueilli par le public de l'Odéon. Il poursuit sa réflexion en comparant la pièce nouvelle à la pièce précédente de Pieyre, l'École des pères (créée en 1787), dont il souligne « le but moral ». La pièce nouvelle a aussi une portée morale, mais bien moindre : après une pièce vantant la prudence et la bonté que la jeune fille oppose à la passion de son « jeune étourdi », on a maintenant une pièce où un père accepte que sa fille choisisse son mari. Le critique ne peut que s'inquiéter d'une telle attitude, « car le cœur d'une jeune fille sans expérience choisit ordinairement fort mal ». Après ce couplet qu'on jugerait aujourd'hui bien misogyne, le critique s'applique à résumer l'intrigue de la pièce. Ce n'est pas une tâche facile, et il y réussit moyennement : ce qu'il écrit diffère assez nettement de ce qu'on pourra lire dans le Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome 4 (voir ci-dessous). Il est même obligé d'avouer un oubli important, celui du rôle joué par Clarisse, complètement passé sous silence, jusqu'à son repentir final. C'est sans doute qu'il est obnubilé par la liberté accordé à Hortense, dont le comportement lui apparaît dicté par sa femme de chambre, ainsi que par ce qu'il affirme être des particularités du caractère anglais, liberté accordée aux filles de se marier sans l'accord de leur père et haine chez le père, et goût très vif de la fille pour les lords. Il semble que le critique fait là preuve d'une solide anglophobie, construite sur une assez solide ignorance. Il n'y a plus ensuite qu'à parler des interprètes, qui ont tous bien joué, mais une « jeune actrice qui a une jolie figure et un joli talent » est accablée d'éloges : alors qu'elle passait pour douée pour »le genre léger et badin », elle se montre très bonne dans « le pathétique », ce qui la rend précieuse pour un théâtre comme l'Odéon, « où l'on pleure beaucoup plus souvent qu'on ne rit ».]
THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.
La Famille anglaise, drame en cinq actes, par M. Pieyre.
C'étoit autrefois l'Intrigue anglaise : l'auteur la présenta sous ce titre au Théâtre Français. Elle y fut d'abord reçue à l'unanimité ; mais elle ne soutint pas le second examen auquel un nouveau règlement l'avoit soumise : elle fut alors rejetée d' un consentement non moins unanime. On dispute aujourd'hui pour savoir lequel de ces deux jugemens si opposés est le meilleur, et s'il y avoit plus de lumière avant ou après le règlement.
L'auteur disgracié a trouvé des consolations à l'Odéon, asile toujours ouvert à ceux qui croient avoir à se plaindre du Théâtre-Français. Il a présenté son drame infortuné sous le nouveau titre de la Famille anglaise, et on s'est empressé de l'accueillir. L'Odéon est la patrie des drames : c'est là sur-tout qu'ils trouvent faveur et protection. Il faut moins d'esprit et de talent pour composer et pour jouer les drames ; il faut moins de goût pour les juger. Les drames sont commodes pour les auteurs, pour les acteurs et pour les spectateurs : ils arrangent tout le monde ; j'aurois bien mauvaise grâce à les condamner. Après avoir éprouvé de la part des magistrats de la littérature les plus vives persécutions, les drames sont naturalisés au théâtre à force de succès, en dépit de toute la police du Parnasse. Il faut céder au temps, aux moeurs, aux circonstances. C'est en vain que l'esprit lutte contre le cœur ; le goût est sûr de perdre en faisant un procès à la sensibilité. L'abus a sa source dans l'ame des spectateurs; il est difficile de l'aller chercher jusque-là pour le déraciner. Il n'est pas plus possible d'empêcher qu'on ne pleure aux drames de l'Odéon que d'empêcher qu'on ne rie aux parades de Brunet.
Dans l'Ecole des .Pères, ouvrage estimable, M Pieyre avoit un but moral ; dans la Famille anglaise, du même auteur, la morale n'est pas oubliée : c'est aussi une espèce d'école des pères mais il me semble que les leçons qu'on leur donne dans cette dernière pièce, ne sont pas tout-à-fait aussi sages. Dans la première Ecole des Pères, on leur enseigne à opposer la prudence et la bonté à la violence des passions d'un jeune étourdi ; dans la seconde, on leur recommande de flatter l'inclination de leurs filles. et de ne leur donner pour maris que des amans de leur choix ; ce qui n'est pas à beaucoup près aussi raisonnable ; car le cœur d'une jeune fille sans expérience choisit ordinairement fort mal : et l'objet d'un amour aveugle devient bientôt un objet de haine, quand le mariage a ouvert les yeux de la jeune folle qu'un vain prestige avoit séduite.
Un colonel anglais fort riche, nommé Luttrel, citoyen vertueux, âpre républicain, a une fille charmante qui s'appelle Hortense : un lord se présente pour l'épouser ; mais Luttrel hait les lords autant que M. Western : c'est dommage que son caractère ne soit pas aussi plaisant, aussi comique que celui du père de Sophie dans Tom Jones. Luttret veut marier sa fille à Belford. honnête homme qui a peu de fortune, mais qui a le grand mérite de n'être point lord... Le hasard veut que cet honnéte homme n'aime point Hortense ; il aime Clarisse, nièce de Luttrel, femme qui n'a d'autre défaut que de n'être pas riche. Voilà un père bien embarrassé.
La petite Hortense ne l'est pas moins : elle aime beaucoup les lords ; et son goût est si vif qu'elle est sur le point de se laisser enlever par le lord Meville, son amant. Elle a une soubrette qui aime à la fureur les enlèvemens, et qui combat sur ce chapitre les préjugés de sa maîtresse; avec une audace qui a paru blesser la pudeur du parterre. On dit qu'en Angleterre, où les filles peuvent se marier sans le consentement de leurs pères, les enlèvemens sont moins criminels qu'en France. Nous voyons dans le roman de Clarisse, que la fille qui se laisse enlever n'en est pas moins déshonorée ; et le parterre a eu grande raison de murmurer de l'impudence de la soubrette.
Au moment où Hortense va mettre en pratique les principes de sa femme de chambre, le père arrive. Il est instruit de tout ; mais au lieu d'éclater contre ce projet de fuite nocturne, il ne fait à sa fille que des reproches tendres ; il la laisse libre et pousse la délicatesse jusqu'à présenter un portefeuille qui renferme sa dot. Accablée des bontés de son père, plus qu'elle ne l'eût été de sa colère, Hortense se jette à ses pieds, implore sa grace et l'obtient ; mais il n'y a point de pardon pour l'amant. Le père, obstiné dans sa haine contre les lords, veut avoir l'honneur de se couper la gorge avec le lord Meville. Heureusement il a pour ami un certain major bon Anglais, fanatique de son club. Le lord Meville a demandé d'être admis à ce club, et cette démarche le rend digne d'épouser Hortense. Il prêche son ami Luttrel avec tant de chaleur et d'éloquence, que ce farouche républicain, abjurant sa haine pour les lords, consent au mariage de sa fille avec lord Meville, et marie sa nièce à celui qu'il avoit choisi pour l'époux de sa fille. J'ai oublié de dire que cette nièce, par une délicatesse héroïque avoit étouffé sa tendresse pour Belford et avoit rebuté cet amant, afin qu'il épousât sa cousine infiniment plus riche qu'elle :genre d'héroïsme peu intéressant sur notre théâtre.
La pièce est bien jouée par Dugrand, Perroud. Firmin, Leborne, Mlle Regnier. Le rôle d'Hortense est rempli par Mlle Fleury, jeune actrice qui a une jolie figure et un joli talent. Ce talent paroissoit être plutôt pour le genre léger et badin que pour le pathétique. Mlle FIeury a fait voir qu'une bonne comédienne se tire partout d'affaire : elle a joué avec beaucoup de sensibilité son rôle d'Hortense ; elle a su toucher les spectateurs ; ce qui la rendra plus utile à ce théâtre, où l'on pleure beaucoup plus souvent qu'on ne rit.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome IV, p. 178-179 :
La Famille angloise, comédie en cinq actes et en vers, jouée le 25 juillet.
Le colonel Luttrel, homme loyal et sévère, a pour fille la jeune Hortense, et pour pupille l'aimable Clarice. Belfort est épris de cette dernière; mais Luttrel lui destine sa fille ; et Clarice, par une délicatesse un peu outrée, croyant que Belfort sera plus heureuse avec Hortense qui a de la fortune, fait tout pour le forcer à préférer sa rivale.
Hortense aime lord Méville, et se désespère de ce que son père veut lui faire épouser Belfort ; Méville ne trouve d'autre moyen d'obtenir sa maîtresse que de l'enlever : tout est prêt pour le départ ; Luttrel paroît et surprend les coupables; au lieu de reproches, emportements, il ne montre qu'une profonde douleur : il engage sa fille à suivre son amant, lui offre même une dot, et ne lui demande que de ne pas déshonorer ses cheveux blancs par un scandaleux éclat. Hortense tombe aux genoux de son père ; Méville sent sa faute : mais le major Darley, ami de la maison, plaide la cause des amans ; le père pardonne, et Belfort revient à Clarice qui faisoit si généreusement le sacrifice de son bonheur.
Tel est le fond de cet ouvrage. Le caractère de Clarice n'est pas tout-à-fait dans la nature ; on trouve peu de personnes capables d'un effort aussi héroïque. Les situations sont attachantes, la pièce tient plutôt du drame que de la comédie ; plusieurs scènes ont fait beaucoup d'effet, entre autres celle du pardon.
Cette pièce avoit été reçue aux Français. Les comédiens, à une seconde lecture, ne l'ont pas jugée digue de la représentation. Le public a dédommagé l'auteur de ce désagrément, en assurant à. son ouvrage le succès qu'il méritoit.
Péroud a bien saisi le rôle du major Darley. Firmin a mis de l'âme et de la chaleur dans celui de Méville. On a justement applaudi Madame Dacosta dans le rôle difficile de Clarice.
La pièce est :de M. Pyeres, auteur de l’Ecole des Pères.
L’Ecole des pères est une comédie en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 1er juin 1787, par les Comédiens François. L’auteur en est Alexandre Pieyre (1752-1830). Dans les Œuvres de théâtre de M. Alexandre Pieyre, tome Ier (Orléans, 1811), figure une pièce intitulée l’Intrigue anglaise, comédie en cinq actes, en vers, reçue au Théâtre de la République, le 7 frimaire an 9 [28 novembre 1800], mais rayée du tableau deux ans après (elle aurait été jouée plusieurs fois, d’après l’auteur, « sur un théâtre de société, devant beaucoup de monde »). C’est cette pièce qui a été jouée en 1809 au Théâtre de l’Odéon, sous le titre de la Famille anglaise (voir Œuvres choisies de MM. Andrieux, Vigée et Pieyre (Paris, 1824). p. 335, note 1).
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