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La Famille suisse

La Famille Suisse, opéra en un acte, de Just [Godard]  d'Haucourt, musique de Boyeldieu. 23 pluviôse an 5 [11 février 1797].

Théâtre de la rue Feydeau.

Titre :

Famille suisse (la)

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

ariettes

Date de création :

23 pluviôse an 5 [11 février 1797]

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Saint-Just [Godard] d’Haucourt

Compositeur(s) :

Boïeldieu

Almanach des Muses 1798.

Cette famille n'est composée que d'un père, d'une mère et d'une fille. Le père, marié d'abord à une américaine dont il apprit la mort, contracta un second mariage avec une jeune helvétienne. Apprenant ensuite que cette américaine vivoit, il crut de son devoir de retourner avec elle, et abandonna la dernière, quoiqu'enceinte. Libre enfin, après quinze ans, par la mort de l'américaine, il revient dans la suite plus amoureux que jamais, pour se réunir à ce qu'il aime.

Des situations touchantes, entre autres celle de la rencontre du mari et de la femme dans la grotte où tous deux se sont donné une foi mutuelle.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fauvelle et Sagnier :

La Famille suisse, opéra en un acte. Représenté sur le théâtre de la rue Feydeau, le 23 pluviôse de l’an cinquième. Paroles de C. Saint-Just. Musique de A. Boieldieu.

..Pour faire œuvre parfait
Il faudroit se donner au diable,
Et c’est ce que je n’ai point fait.

Voltaire.

Courrier des spectacles, n° 37 du 24 pluviôse an 5 [12 février1797], p. 3 :

[L’opéra nouveau a eu du succès, mais le critique trouve qu’il est bien froid : très longue exposition de l’avant-scène, lenteur de l’action. Une seule scène frappante, une reconnaissance « amenée fort adroitement ». L’auteur des paroles comme le compositeur ont été demandés. Le résumé de l’intrigue est assez confus, peut-être que parce l’action est confuse. Les acteurs ont bien joué leur rôle. Mention à part de la toute jeune Rosette Gavaudan (elle est née en 1783).]

Théâtre Feydeau.

La Famille Suisse, opéra en un acte, donné hier à ce théâtre, a eu du succès. Cette pièce nous a semblé presque généralement très-froide. Les six premières scenes n’annoncent rien que l’exposition de l’avant-scene ; l’action est très-lente : une seule chose nous a paru frappante, c’est une belle reconnoissance ; elle a fait beaucoup de plaisir. L’on a demandé les auteurs; ce sont, pour les paroles, M. Saint-Just-Daucourt, auteur de Célicourt, et M. Boyedieu pour la musique.

Volmar, jeune homme Suisse, aime Estelle, fille d’Ernest et de Zélaïde. Celle-ci conseille à Estelle de ne point l’écouter : la jeune innocente ne sent pas les atteintes de l’amour ; cependant elle l’aime, mais résiste encore à ce doux penchant. Ernest, mari de Zélaïde, revient après une longue absence ; et passant devant un rocher où il a goûté avec Zélaïde les douceurs de l’amour, il s’y arrête. Le valet de M. de Volmar, pour livrer Estelle à son maître, feint devant Ernest que sa sœur a voulu s’échapper avec son amant ; Ernest sert lui-même à livrer son innocente fille : il est satisfait d’avoir pu reconnoître les services que lui rend M. de Volmar, en obligeant son valet qu’il croit être son ami. Ernest découvre un porte-feuille que Zélaïde avoit apporté pour se livrer à la peinture ; il en tire un papier, s’asseoit dans le rocher et le peint ; de son coté, Zélaïde en fait autant à l’ombre d’un arbre : les deux époux croient encore s’y voir ; Zélaïde approche ; Ernest sort, et tous deux se rencontrent et se reconnoissent aussitôt. Zélaïde demande sa fille Estelle ; à ce nom, le pere malheureux voit qu’il a lui-même livré sa fille à son ravisseur ; mais le jeune Volmar la ramène à ses parens, et la leur demande en mariage : elle lui est accordée.

Cet opéra a été bien joué par M.rs Gaveaux, Saint-Léon, Jousserand, et Mdes. Scio et Rosette Gavaudan ; celle-ci a mis beaucoup d’ingénuité dans le rôle d’Estelle.

D. S.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1797, volume 2 (mars-avril 1797), p. 278-280 :

[La pièce est placée dans un univers de convention, la Suisse, « séjour agreste » et montre comment un geste inconsidéré manque de détruire la vie de toute une famille, avant qu’un jeune homme vienne à bout de toutes les difficultés, et épouse sa bien aimée. A cette intrigue conventionnelle, il ne manque même pas le valet intriguant pour aider son maître. La pièce est jugée sévèrement : l’auteur n’a pas tiré parti de ce que l’intrigue permettait, la musique est mal placée, et l’intrigue (un père qui livre sa fille à quelqu'un qu’il ne connaît pas) est plus digne d’une farce avec Cassandre que d’un opéra comique. « Le dénouement a paru brusque, mal-adroit & commun ». Mais tout finit bien : les auteurs ont été nommés, et la pièce a eu du succès.]

La Famille Suisse est un autre opéra en un acte, qui a été représenté aussi sur le même théâtre [le Théâtre de la rue Feydeau]. En voici le sujet.

Zèloì, jeune femme suisse, qui avoit été séduite & abandonnée par son amant, & à qui il étoit né une fille (Estelle), revient au bout de quatorze ans, avec son enfant, habiter, sous un nom emprunté, le séjour agreste de la Suisse, où elle avoir connu son séducteur, toujours présent à sa mémoire, toujours tendrement chéri.

Un jeune Français, accompagné d'un valet entreprenant, voyage dans ce pays, & devient éperdument amoureux de l'innocente Estelle, que Zéloé lui refuse obstinément. Son valet, sans son aveu, & croyant lui faire la cour, forme le projet odieux d'un enlèvement & vient, accompagné de quelques paysans soudoyés, épier le moment où Estelle le trouvera seule auprès de sa chaumière. Un inconnu malheureux arrive dans le même lieu, au même instant, & paroît d'abord gêner l'exécution du rapt ; mais cet inconnu avoit reçu, quelques momens avant, un secours des deux voyageurs, & l'effronté valet, sûr de sa reconnoissance, veut le faire servir à ses projets. » La jeune fille que je vais enlever, lui dit-il, est ma sœur ; elle perdroit ici ses mœurs, & je dois la soustraire à la corruption qui la menace. « L'inconnu (tout le monde devine que c'est l'amant de Zéloé) consent à favoriser ce dessein, & au moment où sa fille paroît, il la livre, sans la connoître, aux mains des infames ravisseurs. Satisfait de cette action, qu'il croit vertueuse, il s'assied dans le creux d'un rocher, pour y dessiner le site pittoresque où il se trouve. Bientôt il reconnoît ces lieux, & des souvenus attendrissans se présentent à sa pensée. Zéloé paroît : tous deux, sans se voir, se livrent aux mêmes idées; tous deux se rappellent les heureux instans qu'ils ont passés ensemble ; tous deux croyent, dans un moment d'illusion, étendre les bras l'un vers l'autre, leurs mains se touchent, & cette illusion est tout à coup une réalité. Après quelques minutes données aux transports de la joie, Zéloé parle d'Estelle, & veut la montrer à son père, » Estelle, s'écrie-t-il, Estelle !... Eh ! c'est l'infortunée que je viens de livrer à des ravisseurs ! « Scène de désespoir : il veut courir sur les traces de sa fille; mais le jeune français, indigné de l'action de son valet, ramène l'innocente à ses parens, & obtient de leur estime cette main, qu'il rougiroit de devoir à la violence.

On voit que ce cadre devoit fournir des scènes très-agréables ; mais l’auteur a été embarrassé de son sujet, & n'a point donné à ses situations l'intérêt qu'elles pouvoient offrir. Les morceaux de musique, assez mal placés, nuisent à l'effet, au lieu d'y ajouter. Le père d'Estelle livre sa fille trop inconsidérément, & cette faute, en même temps niaise & dégoûtante, ressemble trop aux bévues de nos cassandres. La scène où les deux amans se reconnoissent est très-ingénieuse, quoique romanesque ; mais le dénouement a paru brusque, mal-adroit & commun.

L'ouvrage a cependant obtenu du succès, & les auteurs ont élé demandés. Celui des paroles, est le cit. Saim-Just-d'Aucourt ; celui de la musique, est le cit. Boil-Dieu, connu par des romances estimées; il y a des passages très-agréables dans son opéra,

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, seconde année (an V, 1797), tome cinquième, p. 549-551 :

[La pièce repose sur une double histoire d’amour d’un personnage qui se croit veuf de sa première épouse et se marie avec une « jeune Helvétienne », jusqu’à ce qu’il apprenne que sa première épouse n’est pas morte : il la rejoint, mais revient vers sa seconde femme quand la prmeière est décédée. Le critique n’y voit que « deux situations neuves et touchantes, propres à développer les talens du musicien », l’une mettant en scène la fille de la seconde épouse qui chante une romance traditionnelle, qui développe une histoire semblable à celle de sa mère, l’autre étant la scène des retrouvailles du mari et de sa deuxième épouse, qu’il n’a jamais cessé d’aimer. La pièce a réussi, et la seconde scène remarquée sera encore plus intéressante quand les acteurs la joueront de façon plus riche (quand les acteurs « sauront répandre dans la totalité les nuances et l'ensemble qui convient à la situation »). Jugement positif sur la musique (« un chant facile, une mélodie pure et des accompagnemens riches, mais simplifiés suivant la nature du chant »), sur les acteurs, sur les auteurs, demandés et nommés.]

On a donné aussi sur ce même théâtre [le Théâtre de la rue Feydeau], le 22 pluviôse, la première représentation d'un petit acte, intitulé la Famille suisse. Cette famille n'est composée que d'un père, d'une mère et d'une fille. Le père, marié d'abord à une Américaine dont il apprit la mort, contracta un second mariage avec une jeune Helvétienne ; mais apprenant ensuite que cette Américaine vivoit, il crut de son devoir de retourner avec elle, et il abandonne la dernière quoiqu'enceinte. Libre enfin, après quinze années, par la mort de l'Américaine, il revient dans la Suisse, plus amoureux que jamais, pour se réunir à ce qu'il aime.

Cette pièce ne consiste réellement que dans deux situations neuves et touchantes, propres à développer les talens du musicien. La jeune fille est recherchée par un jeune homme connu par ses richesses. La mère, qui craint pour sa fille les séductions dont elle-même se croit la victime, veut l'éloigner, et exhorte sa fille à ne pas l'écouter. La jeune fille touchée, lui chante une romance que chantent entr'eux les bergers du canton. C'est l'histoire d'une jeune fille abandonnée et cruellement trahie par son amant. Cette histoire est celle de la mère, sous le nom de Laure, qu'elle portoit à cette époque.

La seconde est la rencontre du mari et de la femme dans la grotte, où tous deux se sont donnés une foi mutuelle. Le mari dans la grotte se rappelle ces momens heureux ; la femme avance pas à pas vers cette même grotte, occupée des mêmes circonstances, et le cœur plein des mêmes sentimens. Ils se touchent au moment où se supposant en présence l'un de l'autre, ils se tendent la main, comme ils se rappellent l'avoir fait au moment de leur union. La pièce a parfaitement réussi. Nous pensons même que cette dernière scène sera vue avec plus d'intérêt encore aux représentations suivantes. Elle dépend beaucoup du jeu, et les deux acteurs qui en sont chargés sauront répandre dans la totalité les nuances et l'ensemble qui convient à la situation.

La musique a plu généralement. Le compositeur a su prendre les différens tons convenables. Par-tout un chant facile, une mélodie pure et des accompagnemens riches, mais simplifiés suivant la nature du chant.

Le rôle de père est rempli par le citoyen Gaveaux, celui de mère, par la citovenne Scio, et celui de la jeune fille, par la citoyenne Gavaudan. Le nom des deux premiers suffit à leur éloge. La jeune Gavaudan a intéressé généralement, et par la naïveté de son jeu, et par la méthode de son chant.

Les auteurs ont été demandés ; l'auteur des paroles est le citoyen Saint-Just-d'Haucourt et celui de la musique, le citoyen Boyeldieu ; l'un, déjà connu par la pièce de Sélico, jouée avec succès sur un autre théâtre ; et l'autre, estimé et connu par plusieurs romances. Cette pièce peut lui faire espérer un rang honorable dans le genre dramatique.

Dans la base César : la pièce est de Claude Godard d'Aucour/Daucour, et le compositeur Boïeldieu. La pièce a été jouée 19 fois, du 11 février 1797 au 8 décembre 1798 au Théâtre Feydeau.

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