Le Forgeron de Bassora, opéra-comique en deux actes, de Sewrin, musique de Frédéric Kreubé, 14 octobre 1813.
Théâtre de l’Opéra Comique.
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Titre :
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Forgeron de Bassora (le)
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Genre
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opéra-comique
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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14 octobre 1813
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra-Comique
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Auteur(s) des paroles :
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Sewrin
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Compositeur(s) :
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Frédéric Kreubé
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1813 :
Le Forgeron de Bassora, opéra-comique en deux actes ; Paroles de M. …..., Musique de M. Frédéric Kreubé. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Impérial de l’Opéra-Comique, par les Comédiens ordinaires de S. M. l’Empereur et Roi, le 14 Octobre 1813.
Sur l’exemplaire de la Stanford University Library en ligne sur Internet, une main a ajouté le nom du parolier, Sewrin.
Journal des arts, des sciences, et de littérature n° 544 (quatrième année) du 20 octobre 1813, p. 87-88 :
[L’auteur des paroles a eu la prudence de rester anonyme (mais le secret a été révélé : Sewrin). Le compositeur, par contre, a été nommé. Il faut dire que la première n’a pas été sereine, les spectateurs se répartissant de façon égale entre ceux qui appréciaient décor et musique, et ceux qui s’en prenaient au parolier. C’est que l’intrigue est fastidieuse et rebattue. C’est l’histoire cent fois reprise du « commandeur des croyans » qui, dans ses aventures nocturnes, décide de faire le bonheur d’un simple forgeron, à qui il permet d’épouser la fille d’un un peu plus riche confrère : en le nommant son grand vizir, il lui fait découvrir des parents fictifs qui pour partager sa fortune l’enrichissent. Et le forgeron peut épouser sa bien aimée. Le livret est jugé très sévèrement : « le dialogue et les plaisanteries sont d’assez mauvais ton », et le style est incorrect. Par contre la musique a bien des qualités : si l’ouverture développe « un seul motif », elle a l’immense mérite, devenu rare, d’être « peu bruyante et gracieuse » (il ne faut pas que la musique de théâtre soit « bruyante » !). Et un duo « est d’une bonne facture ». Quant aux interprètes, ils ont fait ce qu’ils ont pu, mais ils ne pouvaient rendre « supportable » une pièce aussi mauvaise. »
THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Première représentation du Forgeron de Bassora,
opéra comique en deux actes (14 octobre).
L'auteur des paroles est resté anonyme ; nous nous garderons bien de trahir son secret. L'auteur de la musique a été nommé ; c'est M. Frédéric Kreubé. L'ouvrage a été accueilli assez mal par la moitié du parterre, et favorablement par l'autre moitié. En bonne justice, il est permis de penser que les applaudissemens s'adressaient au décorateur ou au musicien, et que les sifflets appartenaient de droit à l'auteur des paroles.
En effet, rien de plus fastidieux et de plus rebattu que l'intrigue du Forgeron de Bassora. L'auteur l'a puisée toute [sic] ențière dans un conte oriental, et certes il n'a pas fait grands frais d'imagination pour remplir son canevas. Toujours l'éternel commandeur des croyans, qui se promène, déguisé, pendant la nuit, avec son visir, et qui, en vrai chevalier errant, cherche de tous côtés les aventures. Cette fois, ses hauts faits se réduisent à marier un forgeron fort pauvre, avec la fille d'un autre forgeron un peu plus riche. Kadib, c'est le nom de l'heureux protégé du calife, ne pouvait obtenir la belle Corine, parce qu’il n'avait point de parens, et se la voyait enlever par l'aga de son quartier ; mais gråce à l'un de ces caprices que l'on ne trouve que dans les contes, le calife fait de Kadib son grand-visir , et aussitôt il arrive en foule des cousins au pauvre forgeron. Kadib profite habilement de cette chance de la fortune ; il parvient à se faire payer par ses prétendus parens une succession arriérée, et pour obtenir la faveur du nouveau visir, les cousins se croient trop heureux d'apporter, l'un cinquante mille tomans, et l'autre deux cents bourses. Le commandeur des croyans, qui arrive sur ces entrefaites, confirme la donation des deux courtisans, et marie Kadib avec Corine.
Telle est l'action de cet opéra, dont le dialogue et les plaisanteries sont d'assez mauvais ton. Quant au style, on en peut juger, en entendant le visir promettre au calife qu'il remplira avec équité les honneurs de sa place.
La musique a été généralement applaudie, et, pour son début, le compositeur méritait d’avoir entre les mains un poëme moins médiocre. L'ouverture ne roule que sur un seul motif ; mais elle est peu bruyante et gracieuse, mérite assez rare aujourd'hui. Le duo du premier acte, entre Kadib et le père de Corine, est d'une bonne facture ; il a paru plein d'harmonie, de goût, et a obtenu de nombreux éloges.
Chenard, Paul et Mme. Regnault ont prouvé que la plus mauvaise pièce pouvait être supportable quand elle était jouée par de bons acteurs.
M.
Mercure de France, tome cinquante-septième, n° DCXLI du samedi 30 octobre 1813, p. 230-231 :
[Le compte rendu nous livre d’abord la source du sujet de l’opéra nouveau, et enchaîne ensuite avec le résumé de son intrigue. Une fois la bonne nouvelle (attendue, d’ailleurs) du mariage annoncée, le jugement tombe, assez sévère pour l’auteur du livret, qui a eu la prudence de ne pas se faire nommer : « rien de neuf ni dans le plan, ni dans les détails de cet ouvrage, qui ressemble à Gulistan, au Calife, etc. ». Comme souvent, c’est la musique qui est objet d’éloges appuyés : l’auteur, un débutant au théâtre, a écrit une partition dont beaucoup d’éléments méritent d’être remarqués : sept morceaux sont particulièrement signalés, avec des éloges d’importance variée (de « agréable » à « heureusement exprimé »; tout cela n’exprime toutefois pas un enthousiasme sans limites ! Un morceau est même critiqué pour sa trop grande et trop inutile virtuosité, fait « de tours de force et de difficultés insignifiantes » qui exigent trop de la chanteuse. Un seul interprète est mis en avant, qui « a mis beaucoup de gaîté et de naturel dans le personnage de Kadib », « les autres rôles sont peu saillans ».]
Théâtre Feydeau. — Le Forgeron de Bassora, opéra nouveau en deux actes, paroles de M......., musique de M. Frédéric Kreubé [...].
Un joli conte de M. Adrien de Sarrasin, inséré dans ce Journal, et intitulé les Parens de circonstance, a fourni le sujet de la nouveauté que je vais examiner. Kadib, pauvre forgeron sans aveu, aime Corine fille de Rustaf autre forgeron son voisin, et en est aimé ; mais Rustaf la destine à Mamoud, vieux aga très-riche. Les deux amans surpris ensemble, Mamoud en vertu d'une loi qui ordonne à tout inconnu de sortir de Bassora dans les vingt-quatre heures, s'il ne peut produire ses parens, chasse Kadib de sa maison ; le malheureux forgeron implore l'assistance du prophète, et très-heureusement pour lui, le calife Ismail, qui a entendu sa prière, lui promet son assistance et l'élève à la dignité de Visir ; parens aussitôt arrivent de tous côtés, et Rustaf se trouve trop heureux de donner sa fille au confrère dont il avait dédaigné l'alliance : mais à peine son consentement est-il obtenu, qu'une dépêche du Calife apprend au nouveau visir qu'il est cassé, et qu'il va rentrer dans la poussière dont on l'a tiré. Kadib se console aisément de sa disgrace ; il ne voulait que sa chère Corine, et ses vœux sont remplis.
Il n'y a rien de neuf ni dans le plan, ni dans les détails de cet ouvrage, qui ressemble à Gulistan, au Calife, etc. ; son auteur a prudemment gardé l'anonyme. La musique est le coup d'essai de M. Frédéric Kreubé dans la carrière lyri-dramatique ; elle mérite des éloges. Il y a des effets heureux d'orchestre dans l'ouverture ; le trio qui termine le premier acte est agréable. La romance de Corine, au deuxième acte, a le caractère qui convient au genre ; celle du premier est d'un chant baroque et difficile ; j'ignore si Mlle Regnault l'a demandée, mais sa voix pure et mélodieuse n'a pas besoin de tours de force et de difficultés insignifiantes pour briller. Le refrain Ah ! quel plaisir d'étre visir est chantant et gaî; le duo qui commence la pièce a le même mérite ; le travail du forgeron y est heureusement exprimé par des passages qui rappellent le Maréchal. ferrant de Philidor ; cette ressemblance était difficile à éviter. Il y a de l'expression dans le duo de Corine et de Kadib, et dans le chœur du premier acte. Paul a mis beaucoup de gaîté et de naturel dans le personnage de Kadib ; les autres rôles sont peu saillans.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome V, p. 430-432 :
[Compte rendu tout à fait minutieux de l’opéra comique. Après un résumé de l’intrigue qui ne laisse rien ignorer, l’auteur de l’article donne la source d’où provient le sujet de la pièce, puis il fait l’éloge de la musique de Kreubé, un jeune musicien, dont le début mérite d’être encouragé. Il donne une liste de morceaux remarquables, dont un très bien chanté, mais auquel il fait le reproche étonnant « d'être d'une exécution un peu trop difficile ». Si le compositeur a été nommé, l’auteur des paroles « a gardé l’anonyme ».
THÉATRE DE L’OPÉRA COMIQUE.
Le Forgeron de Bassora, opéra-comique en deux actes, joué le 14 octobre.
Rustaf et Kadib sont voisins, et tous deux forgerons. Le voisinage a fait naître l'amour dans le cœur de Kadib et de la jeune Corine, fille de Rustaf. Mais le père ne veut point pour gendre d'un homme sans parens, et qui même n'en a jamais connu,
L'intérêt et la vanité lui font donner la préférence au vieil aga Mamoud. Malgré ses ordres et sa surveillance, les deux amans parviennent à se ménager un instant favorable 'pour se jurer un amour éternel: ils sont surpris dans ce doux entretien par Rustaf et Mamoud. L'aga, abusant de son autorité, condamne son rival, comme suborneur, à l'exil ; il ne lui accorde que vingt-quatre heures pour quitter la ville,à moins qu'il ne puisse prouver qu'il appartient à une famille recommandable et disposée à le cautionner ; mais, provisoirement et sans autre forme de procès, il fait fermer la boutique de Kadib, et voilà le pauvre diable en grand danger de coucher à la .belle étoile.
Kadib, ne sachant à qui se recommander, invoque le saint prophète. Sa prière est entendue par le calife lsmaël, qui, sans se faire connoîlre, se présente à lui accompagné de son visir. Informé .de la me«aventure du pauvre amoureux, il lui promet de lui trouver une famille, des cousins à tous les degrés possibles, et, pour premier gage de la réalité de ses promesses, il lui offre un bon souper et un bon lit. Kadib étonné ne sait s'il doit accepter ces flatteuses propositions. Mais enfin il s'abandonne à la conduite de ses nouveaux protecteurs, et le premier acte finit.
Au second acte, on est transporté dans le palais du calife. Kadib est proclamé visir, et déja deux riches courtisans se prétendent ses cousins. La promesse de l'inconnu commence à s'accomplir. Kadib veut bien consentir à les reconnoîlre pour ses pareils ; mais il leur impose la condition de réparer les torts que leurs aïeux ont eus envers .les siens, qu'ils ont frustrés, dit-il, d'une somme considérable. On voit que le visir ne perd pas la tête. L'espoir de conserver la faveur dont ils jouissoient sous l'ancien ministre, détermine les deux courtisans à donner à leur cousin la satisfaction qu’il demande.
Bientôt un personnage plus intéressant vient sejeter aux pieds du visir ; c'est la fidèle Corine qui ne sait point la subite élévation de Kadib. Elle implore la protection du visir pour elle et pour son amant, et ne se doute pas que c'est à lui-même qu'elle s'adresse. Rustaf est mandé; il tremble en reconnoissant dans le visir le pauvre forgeron son voisin, qui a tant de motifs pour être irrité contre lui; mais sa crainte se change en joie, quand' il apprend que le ministre ne dédaigne pas de descendre jusqu'à Corine, et de devenir son gendre.
Les cousins apportent la somme qu'ils ont promis de restituer à Kadib, et à l'instant même on publie, au nom du calife, un firman qui rétablit l'ancien visir dans sa dignité, et fait rentrer son successeur dans la poussière dont on l'avoit tiré. Les cousins, qui ne soucient plus de l'être, voudraient bien reprendre leurs espèces, mais un mot du calife les décide à être généreux.
Kadib ne regrette ni son visirat d'un moment, ni ses cousins de circonstance. Il possède sa Corine et une fortune; tous ses vœux sont remplis.
Le Forgeron de Bassora est tiré d'un conte de M. Adrien Sarrazin, intitulé : les Parens de circonstance, et imprimé il y a quelque temps dans le Mercure.
La musique est le premier ouvrage dramatique d'un jeune compositeur, M. FRÉDÉRIC KREUBÉ, connu par des œuvres détachées et par un grand nombre de jolis airs. Elle offre plusieurs morceaux qui doivent être cités avec éloge. D'abord l'ouverture, où l'on a applaudi quelques effets heureusement contrastés, un chœur plein de verve et de chaleur, et le trio qui termine le-premier acte. Au second, on a distingué un air charmant, dont le refrain est : Ah ! quel plaisir d'être visir ! enfin, une romance supérieurement chantée par Mademoiselle Regnault, mais à laquelle on pourrait peut-être reprocher d'être d'une exécution un peu trop difficile.
Ce début méritoit d'être encouragé; aussi le public a donné à M. Kreubé les vifs témoignages de sa satisfaction. L'auteur du poème a gardé l'anonyme.
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