Les Filles à marier, comédie en trois actes et en prose, de Picard, 20 Frimaire an 14 [11 décembre 1805].
Théâtre de l’Impératrice.
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Titre :
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Filles à marier (les)
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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20 frimaire an 14 [11 décembre 1805]
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Picard
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Martinet, 1806 :
Les Filles à marier, comédie en trois actes et en prose, par L. B. Picard. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Impératrice, rue de Louvois, le 20 Frimaire an 14 (11 décembre 1805).
Courrier des spectacles, n° 3242 du 21 frimaire an 14 (12 décembre 1805), p. 2 :
[Premier article sur l’événement que représente une nouvelle pièce du populaire Picard. Après en avoir évoqué le succès, pour l’essentiel, l’article résume une intrigue compliquée. Le jugement est positif : « pièce bien conduite », « manière piquante et spirituelle » : l’auteur a été demandé, bien sûr. Et l’interprétation est à la hauteur de la pièce.]
Théâtre de l’Impératrice.
Les Filles à marier.
Quoi! cinq actes devant notaire,
Pour cinq filles qu’il faut pourvoir !
O ciel ! peut-on jamais avoir
Opéra plus fâcheux à faire !
Ce seroit en effet un opéra très fâcheux pour tout autre que pour M. Picard ; mais avec son esprit, sou talent, et l’habitude de composer, on se tire facilement des difficultés. Toutes les filles à marier étoient accourues à cette représentation, dans l’espoir peut être de trouver aussi un mari pour elles. Depuis long-tems l’affluence n’avoit été aussi grande à ce théâtre.
L’exposition a répandu à l’attente du public ; la scène s’est ouverte par un dialogue entre cinq jeunes filles, dont le babil aimable a mis tout-à-coup l’auditeur au fait de leur caractère. Deux sont filles de M. Jacquemin (Louise et Laure) ; deux sont ses pupilles (Agathe et Pauline) ; la cinquième (Ursule) est leur voisine et leur amie.
Jacquemin, bon père, tuteur aimable, quoi que vif et emporté, s’occupe de leur mariage. Déjà Agathe est promise à M. Ledoux, soupirant de quarante cinq ans, mais encore verd et d’une bonne santé; Agathe elle-même n’est plus très jeune ; elle a passé l’âge de vingt-cinq ans, et néanmoins elle a les goûts d’une jeune fille coquette et étourdie. Pauline, sa sœur, est plus jeune ; elle aime les romans, le genre sentimental, et sur tout les sympathies ; c’est une espèce de Tante Aurore encore mineure. La plus aimable est Louise, jeune personne pleine de sagesse, de douceur et d’attachement pour son père. Sa petite sœur Laure, n’a que quatorze ans, mais elle est vive, curieuse, décidée, et déjà elle a pro mis son cœur à son petit cousin, qui vient de retourner au collège pour achever sa troisième. Enfin Ursule, la voisine et l’amie de ces quatre jeunes filles, est subtile, fausse, intrigante et prête à tromper toutes ses jeunes camarades, pourvu que ses perfidies puissent tourner à son profit.
On attend depuis quelques jours un jeune homme dont M. Jacquemin a dit beaucoup de bien. Il se nomme Sainville, et doit épouser Louise ; mais Jacquemin ne veut point que ce projet soit connu. Un jeune homme qui arrive dans une maison , au milieu de cinq jeunes filles, qu’elle [sic] fortune ! et qu’elle heureuse nouvelle ! Aussi tôt les petits cerveaux travaillent. Agathe ne veut plus de M. Ledoux ; Pauline a, prête des phrases de roman ; Louise se tient dans sa réserve accoutumée, et Ursule médite tous ses plans pour jouer ses camarades.
Avant l’arrivée de Sainville se présente un jeune Bordelais qui vient chercher aventure. D’abord ces jeunes filles le prennent pour Sainville, et se cornposent de leur mieux à dessein d’obtenir la préférence. Ursule plus adroite, apprend de lui tout ce qu’il lui importe de savoir au -sujet de Sainville ; elle fait sur son caractère de fausses confidences à ses amies ; et quand il est arrivé, elle brouille si bien le père avec le gendre, le gendre avec les filles, que Sainville prend le parti de se retirer. Mais la petite Laure, aussi fine que sa sœur Louise est bonne, découvre les perfidies d’Ursule, les dévoile, ramène Sainville, opère sa reconciliation, et il en résulte quatre mariages pour les deux filles et les deux pupilles ; la méchante reste à marier.
Cette pièce bien conduite, malgré toutes les difficultés qu’elle offrent, a eu un très grand succès. On y a reconnu la manière piquante et sprituelle de M. Picard ; il a été demandé et vivement applaudi.
Cette pièce, sur laquelle nous reviendrons, a été jouée avec beaucoup de talent.
Ce second article promis a échappé à mes recherches.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 11e année, 1806, tome I, p. 184-185 :
[Une pièce sur la rude tâche de marier les filles. Après avoir présenté la pièce au titre alléchant, et l’auteur dont on connaît l’art de peindre par des détails ingénieux les mœurs actuelle, le compte rendu réussit à nous faire comprendre une intrigue un peu touffue. Que de détails pour amener ces situations ! La conclusion est rapide : « pièce gaie, spirituelle et morale » (le troisième adjectif est essentiel !), succès, interprétation talentueuse, qui sait jouer avec ensemble (ce n’est manifestement pas toujours le cas).]
THÉATRE DE L’IMPÉRATRICE.
Les Filles à marier, comédie en trois actes.
Le titre étoit piquant, aussi toute la salle étoit-elle remplie à la première représentation de cet ouvrage. Picard, qui en est l'auteur, brille surtout dans ses comédies par des détails ingénieux et la peinture des mœurs actuelles : il ne pouvoit choisir un cadre plus heureux.
Cinq filles à marier ouvrent la scène ; deux sont filles de M. Jaquemin, les deux autres ses pupilles, la cinquième est leur voisine et leur amie. Mademoiselle Jaquemin l'aînée est promise à M. Ledoux, homme de 45 ans ; et Louise, l'aînée des pupilles, à un jeune homme nommé Sainville, que l'on attend incessamment. M. Jaquemin n'a pas dit à qui son projet étoit de marier Sainville ; aussi lorsque les jeunes filles apprennent l'arrivée d'un jeune homme, les voilà toutes aux champs ; chacune apprête ses moyens de plaire ; Ursule, la voisine, s'apprête à tromper ses jeunes amies.
Elle profite de l'arrivée d'un jeune bordelais qui cherche des aventures , et que l'on prend pour le jeune homme attendu. Elle apprend de lui ce qu'elle veut savoir sur Sainville ; fait à chacun de fausses confidences, brouille ensemble le père, le gendre et les filles ; mais la petite Laure, âgée de 14 ans, espiègle et bonne, découvre toutes les ruses d'Ursule, ramène Sainville,. on se raccommode ; les trois grandes filles se marient ; on promet à Laure de lui donner son petit cousin, quand il sortira du collège. L'intrigante seule reste sans mari. On voit combien de détails amènent ces situations. La pièce gaie, spirituelle et morale, a le cachet des ouvrages de Picard ; elle a eu beaucoup de succès. Les acteurs ont joué avec autant d'ensemble que de talent.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier1806, p. 276-277 :
[On attend beaucoup des pièces de Picard dans son théâtre, et celle-ci a un peu déçu : il reste le maître des comédies, mais celle-ci ne porte pas complètement la trace de son talent : son intrigue n’est pas « assez forte, du moins assez comique. » L’idée principale est bonne, il y a des détails intéressants répandus dans le dialogue.]
Nous avons jusqu'ici passé sous silence la nouvelle pièce de M. Picard les Filles à marier. Elle a cependant obtenu toutes les marques apparentes du succès le plus flatteur ; mais ce n'était pas assez pour nous d'y reconnaître quelquefois son auteur. Il nous a appris à exiger de lui que son cachet soit empreint à chaque scène de son ouvrage ; nous voulons trouver constamment en lui ce que nous y avons trouvé si souvent, de l'originalité, de la variété, du comique. L'idée de peindre à la scène les petits intérêts, les petites prétentions, les petites intrigues, et même les petites noirceurs de cinq filles à marier était en soi très-bonne : mais l'auteur avait déjà placé dans d'autres pièces les traits comiques les plus heureux que cette idée peut fournir, et il n'a pas lié, pour faire ressortir les cinq caractères de ces jeunes filles, une intrigue assez forte, du moins assez comique. On ne reconnaît donc M. Picard pour auteur de cette pièce, qu’à l’idée principale et à une foule de traits répandus dans le dialogue, où sa finesse pour auteur d'observation, son naturel et un ton vrai sont parfaitement empreints. La pièce, au reste, est bien jouée, elle offre un tableau agréable et beaucoup de détails piquans ; elle est vue avec plaisir, mais elle ne prendra pas un rang à part parmi nos comédies.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IV, avril 1806, p. 293-295 :
[Le critique bruxellois est nettement moins tendre avec la pièce et son auteur que son confrère français. Là où l’un voyait une peinture des mœurs contemporaines, lui ne voir qu’invraisemblance (« le premier mérite d’un ouvrage est la vraisemblance ») et déraison. Ces filles qui veulent se marier et se jettent pour cela à ala tête du premier venu, ce n’est manifestement pas correct : toutes les femmes savent bien qu’il faut « forcer l'épouseur à se déclarer le premier ». Le père se voit reprocher « un empressement, peu naturel, à se défaire de ses filles et de ses pupilles ». Naturel, raisonnable, vraisemblable, les piliers de toute comédie. A ces éléments manquants, s’ajoutent encore l’excessive confiance dont font preuve les « deux épouseurs », et le caractère immoral d’Ursule, « une fille de mauvaise compagnie, une véritable rouée ». Seul personnage « bien à sa place, M. Le Doux, « copie exacte d'originaux qu'on rencontre par-tout ». Si la pièce a malgré tout réussi, elle le doit à ses détails comiques (même s’ils ont déjà paru dans d’autres pièces de Picard, accusé de se plagier lui-même) et au jeu excellent des acteurs, qui jouent avec beaucoup d’ensemble. Tous ont rempli leur rôle (et proutant le critique conteste le caractère de tous ces personnages, sauf un). Mention particulière pour l’actrice qui joue le rôle très secondaire de la plus jeune sœur. Aisance, gaieté, intelligence, que d’éloges !]
THÉATRE DE BRUXELLES.
Mars.
Une nouvelle pièce du fertile Picard vient encore d'être jouée sur ce théâtre ; elle est intitulée : les cinq Filles à marier. C'est une comédie en 3 actes et en prose. Cet ouvrage est un des plus faibles qui soient sortis de la plume de son auteur Si des détails piquans et spirituels, des scènes comiques, et la satyre de plusieurs des ridicules du jour suffisaient pour faire une bonne pièce, celle-ci mériterait ce nom et serait digne de la réputation et du talent de Picard ; mais le premier mérite d'un. ouvrage est la vraisemblance, et dans celui dont je rends compte, elle est blessée à chaque instant. Que les cinq Filles à marier aient envie de l'être, cela me paraît tout naturel; mais qu'elles affichent cette envie, au point de n'en pas faire mystère ; qu'elles se jettent à la tête du premier venu, sans respect pour leur sexe ; qu'elles se mettent à la merci d'un jeune homme auquel elles se présentent comme d'humbles postulantes, qui sollicitent ses faveurs en essayant de lui plaire, c'est ce qui n'est ni raisonnable, ni vraisemblable, chez des femmes jeunes, jolies, riches et spirituelles. La pièce devait être intitulée, les cinq Folles à marier , afin de justifier leur conduite vraiment choquante et désavouée par toutes les femmes, qui, quelque violent que soit le désir qu'elles aient d'être épousées, ont l'art de le cacher, et de forcer l'épouseur à se déclarer le premier.
Le père de deux des filles et tuteur des autres, dont le caractère est d'ailleurs original et comique, montre un empressement, peu naturel, à se défaire de ses filles et de ses pupilles. Les deux épouseurs sont bien confians dans leur mérite, et semblent être dans un sérail où ils n'ont qu'à choisir. Quant à l'intrigante Ursule, c'est une fille de mauvaise compagnie, une véritable rouée, qui incessamment peut figurer à côté de la Rosalie de Jeneval. M. le Doux est le seul personnage bien à sa place ; c'est une copie exacte d'originaux qu'on rencontre par-tout.
Cette pièce a réussi, parce que les détails en sont comiques, bien qu'ils sentent fréquemment la réminiscence des autres productions de l'auteur. L'excellent ensemble avec lequel elle a été jouée a contribué à son succès. M. Dubreuil a bien pris le caractère du père. Le rôle de M. Le Doux a été joué dans la perfection par M. Paulin Mlle. Ribou a tiré un excellent parti de celui d’Ursule ; Mmes Morland, Tanquerelle, St-Albin et Folleville, méritent toutes des éloges par la manière dont elles ont rempli les leurs Je fais une mention particulière de Mlle, Folleville dans le joli petit rôle de la plus jeune des deux sœurs ; elle y a déployé une aisance, une gaieté, une parfaite intelligence, qui lui présagent des succès dans la comédie, qu'elle cultive concurremment avec l'opéra, où chaque jour elle devient excellente.
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