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Les Foux hollandais ou l'Amour aux petites maisons

Les Foux hollandais ou l'Amour aux petites maisons, comédie en deux actes, de Bignon et Claparède, créée sur le Théâtre de la Cité le 13 brumaire an 9 [4 novembre 1800].

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez les Marchands de nouveautés, :

Les Foux hollandais, ou l'Amour aux petites maisons, comédie en deux actes, en prose. Par Bignon et Claparède, comédiens. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre de la Cité, le 13 brumaire an IX.

Liste des personnages :

MANKOP, gardien de l'hôpital des foux

Le C. Lejeunne.

DURAMBERG, père de Camilia

Le C. Genest.

CAMILIA, fille de Duramberg, promise à Sottelof,

Mlle Mauc assin

GERSAN, français, amant aimé de Camilia,

Le C. Saint-Félix.

SOTTELOF, hollandais ridicule, prétendu de Camilia.

Le C. Malcourt.

PREMIER FOU,

Le C. St.Aubin.
Le C. Saintpère.

UN POÈTE FOU,

Le C. Bignon.

UNE PLAIDEUSE FOLLE,

Mme Vautrin.

UN MARIN FOU,

Le C. St.-Martin.

UN PREUX CHEVALIER FOU,

Le C. Thibouville.

UN MUSICIEN FOU,

Le C. Barotteau.

TROUPE DE FOUX ET DE FOLLES.

TROUPE DE CURIEUX.

La scène est à Amsterdam.

Vient ensuite un avis au lecteur... :

AVIS AU LECTEUR.

Je jouois l'emploi de premier comique au théâtre français de la république batave, lorsque je composai cette pièce. Je la fis alors en trois actes. De retour à Paris, je voulus la faire jouer, mais auparavant je la lus au C. Claparède, mon ami. Il trouva dans l'ouvrage des situations comiques, de l'originalité, de la morale, et néanmoins il me conseilla plusieurs changemens dans les scènes des foux. Je l'engageai à mettre lui-même la main à l'ouvrage : il prit la plume, corrigea, coupa, et enfin la pièce ne fut plus qu'en deux actes. J'avoue cependant que ce fut malgré moi qu'il introduisit le personnage du poète ; je lui trouvois trop de ressemblance avec celui des deux Figaro. Mais le succès prodigieux et soutenu dont le Public a honoré cet imbroglio, m'a prouvé que j'avois tort, et que mon ami avoit vu juste : c'est pourquoi je me fais un plaisir de convenir que je crois que c'est son ouvrage qui a fait réussir le mien.

BIGNON.          

complété par un avis de l'éditeur :

AVIS DE L'ÉDITEUR.

L'originalité, l'extrême gaîté de cette pièce, et plus encore le succès complet qu'elle a obtenu, m'ont décidé à l'imprimer. A la première représentation, les auteurs furent demandés à grand bruit : le C. Bignon, qui jouoit le rôle du poète fou, parut et improvisa le couplet suivant:

Air du vaudeville de la Paix.

Citoyens, à si bon marché
    Ma muse a pu vous plaire;
Pour un luth discord mal touché,
    Quel précieux salaire !
Moins honoré de mes succès
    Que de votre indulgence ,
Daignez mesurer vos bienfaits
    A ma reconnaissance.

Cette pièce est actuellement à la seizième représentation, et l'auteur, ainsi que le couplet, est à chaque fois redemandé par le public. Le C. Bignon ajouta, à la sixième et en suite à la neuvième représentation, les deux couplets suivans :

Même air.

En traitant de nouveaux sujets,
    Si ma muse s'accroche,
Promettez-moi que vos sifflets
    Resteront à la poche :
Maître Apollon seroit confus
    Qu'en congé de sémestre,
Son élève eût fait le desssus
    D'un si perçant orchestre.

Beaux sexe, pour prix de mes soins,
    Si mon sort l'intéresse,
Enchaîne ici nombreux témoins
    Pour t'adorer sans cesse ;
L'amour, voyant de tant d'attraits
    Nos loges embellies,
N'aura jamais assez de traits
    Pour le quart des jolies.

Toujours avant d'arriver au texte de la pièce, p. 5, des consignes concernant caractères (emplois) et costumes :

Caractères et costumes des personnages.

MANKOP, premier comique. C'est un gardien de l'hôpital des foux : gilet, culotte à canons noirs ou brun foncé ; le col de la chemise tombant sur le gilet ; bas bleus, cravatte longue et pendante sur l'estomac ; cheveux courts et ronds ; bonnet gris-bleu, avec un retroussis de toile blanche ; une étroite ceinture de cuir, à laquelle pend un paquet de clefs, un martinet et une espèce de férule.

GERSAN, jeune premier. Habit bourgeois.

DURAMBERG, père noble ou financier. En dessous noir ; habit brun à boutons d'or ; perruque ronde à trois rangs de boucles ; chapeau à trois cornes égales ; cane.

CAMILIA, jeune première. Robe de couleur unie; un voile de gaze blanche.

SOTTELOF, second comique. Espèce de Danière : habit très à la mode, mais outrée ; une perruque dans le genre ; dessous, un serre-tête couleur de chair.

LE PREMIER FOU, premier rôle. Gilet et culottes de couleurs jaune et rouge, à pointes triangulaires. C'est le costume sous lequel on peint Momus. Il est nue tête, et n'a aucun autre signe de la Folie que son habit, qui est le costume de la maison des foux.

LE POETE FOU, comique caricature. Ce rôle peut être joué par le financier : son costume est comme celui du premier fou. Il est en bas noirs, et il porte par-dessus le gilet une grande veste noire sans manches, à laquelle pend une grosse écritoire garnie de plumes ; il tient un gros cahier de papier écrit.

LA FOLLE, caractère. Même costume en-femme que celui sous lequel on peint la Folie. Sur son jupon à pointes, elle a attaché plusieurs sacs de procès.

LES AUTRES FOUX sont des rôles de convenance ; ils ont de plus que le costume de la maison des attributs de leur folie. Le Marin a un chapeau bordé d'or, une ceinture avec deux gros pistolets de bois sans batteries, un sabre de bois, moustaches. Le Preux, casque, petite cuirasse, une lance ; à la place du fer est un tampon. Le Musicien tient un mauvais violon ; il a de la musique autour de lui. Les autres à volonté.

Et pour finir, le couplet d'annonce, p. 6 :

COUPLET D'ANNONCE.

Air du Fou Supposé.

Sous les sifflets de la raison
L'un de nos auteurs s'humilie ;
L'autre espère que la raison
Va faire grace à la Folie :
Vous plaire fut l'intention,
Daignez pardonner leur manie,
S'ils étourdissent la raison
Sous les grelots de la Folie. (
bis.)

Avant le texte proprement dit, le décor est décrit avec précision, p. 7 :

Le théâtre représente l'intérieur de la maison des foux ; au fond est la grande porte d'entrée ; l'un des battans est percé d'une porte où il y a un guichet grillé qui ferme en-dedans. A droite du spectateur et à côté de la porte est la maison du gardien ; une grande grille devant forme une seconde cour ; la grille est ouverte tout le tems de la pièce. A la première coulisse, près  le rideau d'avant-scène, à gauche du public, est une loge grillée et vide ; la porte en est sur le côté. Vis-à-vis, à la seconde coulisse à droite, est un bosquet touffu ;au-dessus du bosquet, à la troisième coulisse, est une autre loge de foux, mais dont on ne voit que la porte.

Courrier des spectacles, n° 1341 du 14 brumaire an 9 [5 novembre 1800], p. 2-3 :

[Après un début très élogieux (la pièce est gaie, originale et a réussi complètement », le critique résume une intrigue sans surprise : un couple de jeunes gens, confronté au refus du père de la jeune fille, utilise la ruse pour obtenir le droit de se marier, malgré les tentatives que le rival malheureux du jeune homme multiplie pour faire que la promesse que le père lui a faites soit tenue. L'originalité tient au choix du lieu où les amants se réfugient, « les petites maisons » et à la confrontation entre le jeune Français et les Hollandais. Le jugement porté ensuite est double. D'abord, un léger soupçon, de copier les Deux Figaros, et la reconnaissance de la « saine morale » que prêchent « les Fous ». Mais la pièce est jouée « avec assez d'ensemble », le débutant annoncé a été « fort bien accueilli », et les auteurs ont été nommés. L'un d'eux, également acteur et ayant joué « avec beaucoup de comique et de gaîté », s'est distingué en improvisant un couplet, que le critique suppose toutefois préparé d'avance...]

Théâtre de la Cité.

De la gaîté, de l’originalité, voilà ce qui fit hier réussir complettement la pièce en deux actes donnée pour la première fois à ce théâtre, sous le titre de l’Amour aux Petites Maisons, ou les Fous Hollandais.

Gerval. jeune Français, épris do Camilla, fille d’un Négociant Hollandais, ne pouvant la voir de près, n’ose lui parler que par signes ; et pour cela, il se rend chaque jour aux Petites-Maisons, au moment où la porte est ouverte au public, afin de l’entretenir, quoique de loin, de son amour. Camilla profite de ce moment pour s'y rendre ; elle se dérobe à la vue d’un sot enrichi nommé Solletof, que son père veut lui faire épouser. Le gardien des Fous, que Gerval a mis dans ses intérêts, leur conseille, afin de décider le père à faire leur bonheur, de prendre pour vingt-quatre heures les habits de Fous. Ils suivent cet avis, et les voilà au nombre des insensés. Solletof, amené par sou beau-pere prétendu aux Petites-Maisons, est bientôt victime de sa curiosité : le gardien anime les Fous contre lui, et il se voit exposé à toutes leurs extravagances. Cependant il découvre parmi les Fous Gerval et Camilla, il entend leur projet d’évasion, il en fait part au père, qui d’abord refuse de croire, mais qui bientôt ne peut méconnoître Gerval. Solletof ne voyant pas Camilla, entre dans la demeure du Gardien et emmène sous les habits de Camilla une folle qui a eu la curiosité de les mettre. Camilla reste donc avec son amant. Mais Solletof, qui s’est appercu de la méprise, revient. Les fous l’enferment dans une loge ; le père de Camilla suit ses pas, il retrouve sa fille, mais il est inexorable. Un Fou, poëte comique , qui depuis arrivée veut lui lire sa comédie, prend les situations d’après la scène qu’il a sous les yeux : il dicte et écrit le personnage du père, qui d’abord n’y fait pas attention : mais bientôt k rôle que trace le Poëte fou, les sentiment qu’il prête au pere émeuvent le cœur du vieillard, qui pardonne à Gerval et à sa fille et qui les unit.

Cette folie, où l'on a cru remarquer quelques traits des Deux Figaro, offre plusieurs passages où les Fous prêcghent une saine morale. Elle a été jouée avec assez d'ensemble.

Le débutant annoncé sur l'affiche a été fort bien accueilli et demandé après la pièce.

Les auteurs vivement demandés, sont les cit. Bignon et Calparède. Le premier venoit de jouer le rôle de Poëte insensé, et l’avoit rendu avec beaucoup de comique et de gaîté. Appelé par le public, il improvisa, ou parut improviser le couplet suivant :

Citoyens, à si bon marché
        Ma muse a pu vous plaire !
Pour un luth discord, mal touché
        Quel précieux salaire !
Moins honoré de mes succès
        Que de votre indulgence,
Daignez mesurer vos bienfaits
        A ma reconnoissance.

F. J. B. P. G ***.          

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