Les Français en Alger, mélodrame à grand spectacle, de Dumaniant, musique d'[Alexandre] Piccinni fils, ballets d'Aumer, 8 floréal an 12 [28 avril 1804].
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Almanach des Muses 1805
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an XII (1804) :
Les Français en Alger, mélodrame en deux actes, en prose, Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 8 floréal an xii. Par M. Dumaniant. Musique de M. Piccini fils. Ballets de M. Aumer, artiste de l'Opéra.
Courrier des spectacles, n° 2620 du 10 floréal an 12 (30 avril 1804), p. 2-3 :
[La critique n’a pas une bonne opinion du mélodrame, et il est impossible de commencer un article sur un mélodrame sans se jeter dans des considérations générales peu favorables. Ici, c’est l’abus de « la pompe du spectacle » qui est critiquée : la pièce nouvelle cumule bien des défauts : si elle est spectaculaire, elle est aussi sans intérêt, mal construite, trop rapide; romanesque (et l’adjectif n’est certainement pas favorable). Le public l’a d ailleurs assez mal accueillie. Comme le titre l’indique, la pièce se passe dans le monde des corsaires algériens, et on y retrouve les ingrédients habituels : une jeune femme convoitée par un homme du corsaire, une prison dont on s’évade avec l’aide du geôlier, un enlèvement, un combat où le ravisseur est tué, et le retour de la liberté pour la femme et son époux qui se retrouvent. Pas de jugement sur la pièce, le critique préfère parler des interprètes : une chanteuse qui a « une voix encore fraîche et étendue » (un peu d’épines dans ce compliment ?), des danseurs, dont un surtout a brillé, même si on souhaiterait « plus de mobilité et plus de gaîté » dans ses traits. Malgré les sifflets, les auteurs ont été cités (paroles, musique et ballets), et c’est de la musique qu’il y a le plus de compliments à faire. C’est de l’intrigue et des paroles qu’il y a le moins de choses positives à dire.]
Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Première Représentation des Français en Alger.
Un mélodrame a ordinairement trois moyens de réussir, l’intérêt, des situations ou la pompe du spectacle. Ce dernier qui est le moins en vogue, et qui doit n’être qu’accessoire dans ces sortes d'ouvrages, entraîne quelquefois dans de grandes dépenses, dont souvent le public ne tient aucun compte. Je ne conseillerai pas aux spectacles des boulevards de l’adopter exclusivement, depuis que l’on a habitué ceux qui les fréquentent à voir des espèces de tragédies-mélodramiques, qui les font pleurer même à la centième représentation. Ceci peut sur-tout s’appliquer au mélodrame nouveau en deux actes, représenté avant-hier à ce théâtre, sous le titre des Français en Alger. On y a applaudi les marches, les ballets, les décorations, mais l’ouvrage a paru peu intéressant, les scènes décousues, la marche trop précipitée, et l’action romanesque. Aussi les sifflets se sont-ils mêlés aux applaudissemens dans le cours de la représentation, et sur-tout à la fin, lorsqu’on a demandé l’auteur.
Un Corsaire nommé Aly, a pris un vaisseau napolitain, sur lequel se trouvoient des Français qui lui ont fait payer cher la victoire. Il rentre dans Alger traînant à sa suite un officier Français, Elise, sa femme, et son ami. Ce dernier dont les revers n’ont pu altérer la gaîté, profite de l’espèce de liberté que le corsaire lui a laissée pour tenter de rendre la liberté aux deux époux que Mourad, lieutenant du corsaire, a fait jetter dans les fers. Ayant voulu enlever Elise, dont les charmes l’ont séduit, il a été désarmé par l’officier, et a accusé ce dernier d’avoir voulu briser les liens de cette française. Une sentinelle placée près de la tour où sont renfermés les deux prisonniers, est gagnée et sert leurs projets d’évasion en ouvrant les portes du pavillon où sont détenus leurs compagnons. Aly est attaqué et vaincu dans son palais, mais Elise, enlevée par le lieutenant du corsaire, n’est rendue à la liberté et à son époux qu’après un combat où Mourad a succombé.
Tel est le fonds de ce mélodrame. Mademoiselle Rosine-Quesnay y a chanté deux airs italiens où elle a fait briller une voix encore fraîche et étendue. Dans le ballet on a aussi eu occasion d’applaudir mademoiselle Santiquet et M. Rhenon, mais aucun n’a réuni plus de suffrages que M. Morand, danseur sortant de l’Ambigu Comique. Il a déployé dans le pas qu’il exécute à la fin, beaucoup de légèreté de grâce et d’aplomb. Ce danseur a un physique très-agréable, mais on desireroit qu’il donnât à ses traits plus de mobilité et plus de gaité. Du reste, c’est une précieuse acquisition que ce théâtre a faite en s’attachant ce jeune artiste. Les auteurs du mélodrame sont MM. Damaniant, pour les paroles ; Aumer, pour les ballets, et Alexandre Piccinni, pour la musique. On a remarqué dans cette dernière composition l’ouverture et divers passages fort bien faits, et qui avoient bien la couleur du sujet. Ils ont été d’ailleurs exécutés avec ensemble par l’orchestre dirigé par M. Piccinni.
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