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Gaspard l'Avisé

Gaspard l'Avisé, comédie-anecdote en un acte, en prose et en vaudeville de Barré, Radet et Desfontaines, 27 octobre 1812.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Gaspard l’Avisé

Genre

comédie anecdote en vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

27 octobre 1812

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet et Desfontaines

Almanach des Muses 1813.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mme. Masson, 1812 :

Gaspard l'Avisé, comédie-anecdote en un acte, en prose et en vaudeville, par MM. Barré, Radet et Desfontaines, représenté, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le 27 octobre 1812.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1812, tome XII (décembre), p. 291-295 :

[Comme la pièce repose sur une anecdote, c’est d’abord cette anecdote que le compte rendu raconte longuement. Il précise même le titre du livre dont elle est extraite, et suggère que son succès provient plus du nom des « éditeurs » (que le critique connaît) que de ses qualités d’élégance et de concision. L’examen de la pièce est plus rapide : « cet apologue moral », les auteurs le racontent plutôt mal. Rythme lent, froideur digne de la Westphalie, tout le monde a froid, acteurs, spectateurs, auteurs, et surtout la malheureuse Betzy, qui s’acquitte apparemment mal de son petit rôle. La pièce a failli tourner court, du fait de « sifflets précoces », mais Joly et quelques couplets originaux « ont sur-le-champ réconcilié les spectateurs », mais pour peu de temps : les auteurs ont eu tort d’ajouter à la fin « trois scènes parasites » et « un vaudeville final sans esprit et sans gaîté ». L’annonce des noms des auteurs a provoqué « un brouhaha de surprise » : l'œuvre est apparemment indigne de leur talent.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Gaspard l'Avisé.

En 1793 , un émigré français se trouvant obligé, pour ne pas épuiser ses ressources en voyage, de séjourner, pendant l'hiver le plus rigoureux, dans un petit village au milieu des sables de la Westphalie, et manquant absolument de bois, vit passer une voiture qui en était chargée. Il appella le conducteur, et demanda quel prix il en voulait. Celui-ci s'appercevant, à la mauvaise prononciation de la langue allemande, qu'il avait affaire à un étranger, exigea trois louis, et ne voulut jamais céder sa charge à moins. L'émigré ne pouvant obtenir de diminution, paya et fit décharger la voiture en sa présence. Le voiturier, bien content du marché qu'il avait fait, entre dans un cabaret, demande à déjeûner, et se vante devant tout le monde d'avoir complettement leurré un Français, auquel il avait vendu trois louis une voiture de bois qui valait tout au plus huit francs. L'aubergiste, homme honnête, se montra indigné de ce procédé, et lui en fit des reproches qui auraient dû l'humilier ; mais celui-ci ne fit qu'en rire ; et comme il avait de grands principes philosophiques, il étala toute sa doctrine sur le droit naturel, d'où il conclut que le bois étant son bien, sa denrée, il était le maître d'y mettre le prix qu'il voulait, sans que personne y pût trouver à redire.

Le déjeûner fini, le voiturier demande combien il doit. — Trois louis, répond l'aubergiste d'un grand sang froid. — Comment ! trois louis pour un morceau de pain, un morceau de fromage et deux verres de bierre ! — Oui, c'est mon bien, c'est ma denrée, je suis le maître d'y mettre le prix que je veux. J'en demande trois louis, et votre cheval restera en fourrière chez moi, jusqu'à ce que vous ayez payé. Si vous n'êtes pas content, allons chez le bourguemestre. Ce dernier parti est accepté ; le voiturier porte sa plainte, et le juge paraît aussi indigné que surpris de l'exaction horrible de l'aubergiste, dont jusque-là il n'avait jamais soupçonné la probité. Mais ce dernier prenant la parole raconta le procédé de sa partie adverse à l'égard d'un étranger malheureux, les reproches qu'il lui en avait faits, la manière dont il y avait répondu, et finit par invoquer lui-même l'exercice du droit naturel dont cet homme s'était si cruellement prévalu. Le bourguemestre se rendit à d'aussi bonnes raisons, et jugea en sa faveur. L'aubergiste reçut les trois louis, en remit huit francs au voiturier, et alla tout de suite porter le surplus au Français, duquel il ne voulut accepter autre chose que quelque monnaie qui lui était due pour le déjeûner du conducteur.

La nouvelle de ce petit événement ne tarda pas à être répandue dans les environs, et attira autant de louanges à l'aubergiste que de huées à son inique adversaire, qui cependant s'en consolait, en songeant qu'il avait au moins le prix de sa marchandise, et qu'on ne lui avait pas retenu les frais de son déjeûner. Mais la providence ne permit pas qu'une avarice aussi sordide et des intentions aussi basses restassent impunies ; car les garde-forêts du village où demeurait cet homme ayant été instruits de ce qui s'était passé, et sachant qu'il n'avait aucun bois en propriété, imaginèrent que la charge qui avait formé l'objet de la discussion, pourrait bien avoir été coupée dans les possessions du seigneur. Ils firent des perquisitions et ne manquèrent pas de témoins qui constatèrent le vol. Ils dressèrent aussitôt leur procès-verbal ; et à peine était-il revenu à son domicile, qu'il fut arrêté et conduit en prison jusqu'à ce qu'il eût payé une très-forte amende.

C'est ainsi que cette anecdote est racontée dans un ouvrage intitulé ; Paris, Versailles et les Provinces, qui parut il y a quelques années. Ce livre fut beaucoup loué, sur-tout dans le Journal de l'Empire, et l'on peut juger par l'échantillon que je viens d'en donner, que s'il méritait des éloges, ce n'était du moins ni par l'élégance, ni par la concision du style. Le nom des éditeurs expliquerait peut-être la cause de la vogue qu'on essaya de donner à cette informe rapsodie.

Quoiqu'il en soit, c'est ce petit apologue moral qui a fourni le sujet de la pièce jouée au Vaudeville. Les auteurs ont poussé la reconnaissance envers le conteur auquel ils empruntaient l'idée de leur pièce jusqu'à ne vouloir être ni plus rapides, ni plus soignés que lui.... La première moitié de ce vaudeville est froide.... froide comme un hiver de Westphalie : acteurs, spectateurs, et auteurs, sans doute, tout le monde grelottait, mais mademoiselle Betzy, chargée du rôle d'un jeune garçon, a paru plus frileuse que personne. Quelques sifflets précoces m'ont fait craindre d'abord que la pièce ne tombât avant l'entrée du personnage principal ; des cris d'impatience ont appellé Gaspard l'Avisé, et il a paru. La caricature de Joly en voiturier normand, la profession de foi d'un franc neustrien exprimée en trois couplets fort originaux, ont sur-le-champ réconcilié le public avec l'ouvrage ; mais ce n'a été qu'une réconciliation normande. Le tort de la rupture est tout-à-fait du côté des auteurs. Pourquoi coudre à une pièce finie trois scènes parasites ? Pourquoi, sur un air léthargique, faire psalmodier un vaudeville final sans esprit et sans gaîté ? Pourquoi, sur-tout, être assez mal avisés pour dévouer aux sifflets des noms jadis accoutumés aux bravos ? Il est vrai cependant que le bruit improbateur s'est changé en un brouhaha de surprise, quand le courageux et patient Saint-Léger est parvenu à faire entendre que les pères de Gaspard l'avisé étaient MM. Barré, Desfontaines et Radet.                       A.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome VI, p. 173-175 :

[Le compte rendu se réduit largement au récit de l’anecdote que la pièce est censée mettre en scène. Elle est très morale, et finit par la punition du méchant. Pas de commentaire sur la pièce, dont les auteurs sont connus : elle reproduit l’anecdote « sans y rien changer ». L’acteur Joly « a puissamment contribué au succès de la pièce ». On n’en saura pas plus (rien sur le plan, l’esprit, la gaieté, les couplets ?).]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Gaspard l'Avisé, vaudeville en un acte, joué le 28 octobre.

Un Emigré français, se trouvant obligé de séjourner, pendant l'hiver, dans un petit village de la Westphalie, et manquant de bois, vit passer une voiture qui en étoit chargée. Il appela le conducteur, et demanda quel prix il en vouloit. Celui-ci, s'apercevant qu'il avoit affaire à un étranger, exigea trois louis. L'émigré ne pouvant obtenir de diminution, paya, et le voiturier, bien content du marché qu'il avoit fait, entre dans un cabaret, demande à déjeûner, et se vante devant tout le monde d'avoir complètement leurré un Français, auquel il avoit vendu trois louis une voiture de bois qui valoit tout au plus huit francs. L'aubergiste, homme honnête, indigné de ce procédé, lui en fit des reproches, dont celui-ci ne fit que rire : il conclut que le bois étant son bien, sa denrée, il étoit le maître d'y mettre le prix qu'il vouloit, sans que personne y pùt trouver à redire.

Le déjeûner fini, le voiturier demande combien il doit. – Trois louis, répond l'aubergiste d'un grand sang-froid. – Comment ! trois louis pour un morceau de pain, un morceau de fromage et deux verres de bière ! – Oui, c'est mon bien, c'est ma denrée, je suis le maître d'y mettre le prix que je veux. J'en demande trois louis, et votre cheval restera en fourrière chez moi, jusqu'à ce que vous ayez payé. Si vous n'êtes pas content, allons chez le bourguemestre. Ce dernier parti est accepté ; le voiturier porte sa plainte, et le juge paroît aussi indigné que surpris de l'exaction horrible de l'aubergiste, dont jusques-là il n'avoit jamais soupçonné la probité. Mais ce dernier, prenant la parole, raconta le procédé de sa partie adverse à l'égard d'un étranger malheureux. Le bourguemestre jugea en sa faveur. L'aubergiste reçut les trois louis, en remit huit francs au voiturier, et alla tout de suite porter le surplus au Français.

La nouvelle de ce petit événement ne tarda pas à être répandue dans les environs, les gardes-forêts ayant été instruits de ce qui s'étoit passé, firent des perquisitions, et ne manquèrent pas de témoins qui constatèrent que le bois étoit volé. Ils dressèrent aussitôt leur procès-verbal ; et le voiturier fut arrêté et obligé de payer une très-forte amende.

Tel est le trait qu'ont mis en scène, sans y rien changer, MM. BARRÉ, RADET et DESFONTAINES. La caricature plaisante de Joly, dans le rôle du voiturier normand, a puissamment contribué au succès de la pièce.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome V (Paris, 1820), p. 335-337 :

[L’intraitable Geoffroy jugeant un vaudeville. On s’attend au pire, et on est surpris. Geoffroy commence, comme tout le monde, en racontant l’anecdote. Une fois l’amende payée, les reproches commencent : mesquinerie de l’aubergiste qui retient le prix du déjeuner (qui est pourtant aussi le prix du bois), caractère geignard de l’émigré français, qui se plaint sans cessede saa situation, jusqu’au dénouement, où il fait preuve de générosité envers le garçon qui s’est jeté à l’eau pour sauver un enfant et favorise ainsi son mariage avec la fille de l’aubergiste (c’est cette fin que critique tellement l’Esprit des journaux cité ci-dessus...). Finalement, Geoffroy est content : vaudeville «  tout à la fois édifiant et gai », des acteurs félicités. Certes l’anecdote est mince, mais il y a de jolis couplets, et la caricature du Bas-Normand est plaisante. S’il y a eu des sifflets, ils proviennent sans doute de compatriotes de Gaspard !]

 

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome V (Paris, 1820), p. 335-337 :

GASPARD L'AVISÉ.

Les deux héros sont un aubergiste de Westphalie, fort honnête homme, et un fripon de Basse-Normandie, nommé Gaspard l'avisé, et qui devrait s'appeler le mal avisé ; car il fait dans la pièce d'assez mauvaises affaires. Ce Gaspard est marchand de bois ; il a vendu trois louis, à un émigré français, une mesure de bois qui vaut sept à huit francs. Il est assez mal avisé pour se vanter de cette friponnerie dans une auberge où il va déjeuner après ce bel exploit ; il ne répond aux reproches de l'aubergiste que par ces paroles : C'est mon bien, c'est ma denrée ; je puis y mettre le prix qu'il me plaît. L'aubergiste, pour punir le marchand de bois, pratique ses maximes : et quand il est question de compter, il exige trois louis pour un déjeuner qui vaut six francs. Gaspard jette les hauts cris ; il porte plainte au bourguemestre, qui paraît d'abord indigné d'une si horrible vexation de la part d'un aubergiste réputé honnête homme ; mais il change de sentiment quand l'aubergiste lui fait part du motif de sa conduite, et toute son indignation se tourne contre le Bas-Normand, lorsqu'il apprend que ce bois qu'il a vendu si cher à l'émigré, il l'a volé dans la forêt voisine. Il le condamne alors à une amende de cinquante francs, que le Normand paie avec beaucoup de peine pour éviter la prison.

Rien n'est si agréable que la punition d'un fripon ; mais ce qui a déplu, c'est que l'aubergiste rend à l'émigré, sur les trois louis du déjeuner, les soixante-quatre francs qu'on lui a pris de trop pour son bois. On a trouvé cette restitution mesquine et triviale : on a aussi désapprouvé les plaintes réitérées de l'émigré français qui s'afflige de ce que sa femme, qui est en couche, ne peut supporter l'odeur du charbon de terre, et le met dans la nécessité d'acheter du bois. Le détail a paru ignoble. L'émigré français a d'ailleurs un triste rôle, et ne brille pas sur la scène auprès de l'aubergiste et du marchand de bois : il s'est cependant relevé au dénouement, en donnant les soixante-quatre francs qu'on lui a rendus à un petit garçon nommé Claude, qui s'est jeté dans l'eau courageusement pour sauver la vie à un enfant prêt à se noyer. Le don de l'émigré, joint à la libéralité plus considérable du seigneur du lieu, facilite le mariage de Claude avec la fille de l'aubergiste.

Ce vaudeville est tout à la fois édifiant et gai. Joly est très comique dans le rôle du Bas-Normand; Melle. Minette, rentrée depuis quelque temps à ce théâtre y joue avec beaucoup de naïveté le rôle de la fille de l'aubergiste : c'est Saint-Léger qui représente cet honnête aubergiste, redresseur des torts ; son chant et son jeu ont la rondeur convenable. L'anecdote qui a fourni le sujet est bien peu de chose : l'ouvrage se soutient par de jolis couplets et par la caricature plaisante du Bas-Normand. Il y avait sans doute au parterre quelques spectateurs de Vire ou de Caen, qui, pour venger l'honneur national, ont voulu chicaner les auteurs, et leur intenter procès; mais les auteurs ont été demandés et nommés nonobstant clameur de haro ; ce sont MM. Baré, Badet et Desfontaines.

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