Genevieve de Brabant (opéra, 1791)

Genevieve de Brabant, opéra en deux actes, et sa suite en un acte, paroles de M. le Roy, musique de M. Alday, 8 avril 1791.

Théâtre de la rue de Louvois.

Titre :

Geneviève de Brabant

Genre

opéra et sa suite

Nombre d'actes :

2 + 1

Vers / prose

 

Musique :

oui

Date de création :

8 avril 1791

Théâtre :

Théâtre de la rue de Louvois

Auteur(s) des paroles :

Leroy [de Bacre]

Compositeur(s) :

Alday

Mercure universel, tome 9, n° 268 du jeudi 24 novembre 1791, p. 383-384 :

[Alors qu'il a annoncé la veille la première représentation de Geneviève de Brabant (mais la pièce a été jouée à partir du 9 avril, d'après la base César), le 24 c'est de Sophie de Brabant que le Mercure universel rend compte. Une erreur, bien sûr. L'article commence par le récit des aventures de l'héroïne, dans lesquelles tout le monde reconnaît la triste histoire de Geneviève de Brabant. Le critique entreprend ensuite de porter un jugement sur la pièce en insistant sur sa volonté d'être juste, de dire la vérité aux deux débutants auteur du livret et de la musique. D'abord le librettiste. Un « jeune acteur » auquel le critique fait un certain nombre de reproches (abus du monologue, quelques incorrections). Mais ces reproches sont le signe de l'intérêt qu'il porte au travail du jeune auteur : sa pièce « mérite le succès qu'elle a obtenu ». Le compositeur. ensuite « a droit également à des éloges et à des observations » : de belles scènes, des airs « bien entendu[s] ». Mais un petit reproche : « en général, le genre de la musique tire un peu sur le plein-chant » [le plain chant, probablement, qui n'utilise qu'une ligne mélodique, sans harmonie, et normalement sans accompagnement instrumental : la musique d'Aldé ressemblerait à du grégorien, ce qui n'est pas flatteur, apparemment. Là aussi, des « observations » qui montrent l'inétrêt pris au travail des deux jeunes auteurs, que le public a demandés et qui ont paru. L'article se clôt sur des éloges pour le sinterprètes, sans réticence pour plusieurs, avec une réserve pour l'un d'netre eux.]

Theatre de Louvois.

Sophie de Brabant, opéra en deux actes, et sa suite en un acte, ont obtenu hier un brillant succès. L'auteur a suivi assez exactement la Bibliotheque bleue.

Sifroi est à la guerre, il donne de ses nouvelles à Genevieve, qui brûle de le recevoir ; elle repond à son époux : Golo lui a écrit que Genevieve est infidèle : il déclare sa passion, ne reçoit que des refus, son amour se change en fureur : il a résolu de la perdre ; en effet., il reçoit de Sifroi l'arrêt de son épouse ; il la fait exposer avec son enfant dans une forêt.

Au troisième acte on voit la grotte qui a servi de refuge à Genevieve ; elle dort, se réveille, rentre dans son aslye [sic] :des chasseurs arrivent. Golo est livré à la fureur du crime, il veut poignarder Sifroi ; ce dernier est déchiré par la douleur, un enfant et ensuite Genevieve se présentent à sa vue ; il reconnoît son épouse, lui reproche son infidélité : elle atteste le ciel de son innocence ; au même instant Golo s'élance sur Sifroi pour le poignarder, on arrête son bras : Sifroi est désabusé, livre l'infâme au supplice des remords, et rend tout son amour à la vertueuse Genevieve.

Tel est l'historique de la pièce. Comme cet ouvrage est le premier des deux compositeurs, et que leur jeunesse, leur modestie sont des titres non pour être flattés, mais pour entendre la vérité, nous leur parlerons avec toute la franchise que méritent de jeunes talens.

Nous dirons à M. le Roi, (jeune acteur du théâtre Lyrique, où il est fort goûté) qu'aux deux premiers actes, il place dans la bouche de Golo, trois monologues semblables, que son style est par fois incorrect, et que l'on ne dit point suffire abondamment. S'il promettoit moins, nous serions plus indulgens, et notre manière d'estimer est d'être sévères. Néanmoins l'intérêt du sujet en a répandu sur la pièce, qui offre des tableaux, des situations, et mérite le succès qu'elle a obtenu.

Quant au musicien, M. Aldé fameux violon, il a droit également à des éloges et à des observations. La scène où l'enfant prend leçon est bien écrite, et d'un coloris doux, le trio qui la suit est d'un style agréable ; le morceau qui termine le premier acte annonce de la verve. Au deuxième acte, la déclaration est dessinée à grands traits. Le duo est bien entendu, mais en général, le genre de la musique tire un peu sur le plein-chant. On a justement applaudi la mélodie du sommeil de Geneviève, qui est la contre-partie de Dors mon enfant.

Telles sont nos observations que nous avons cru devoir à l'intérêt qu'inspirent ces jeunes auteurs. Le public les a demandes, ils ont paru.

Monsieur et Madame Ducaire méritent les mêmes éloges que dans Zelia. M. Josse pouvoit peut-être prononcer d'avantage le rôle de Golo. Mademoiselle Hénic a rendu avec sensibilité celui de Benoni.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 3 (mars 1792), p. 325-327 :

[Le compte rendu insiste beaucoup sur la jeunesse des auteurs, explication des défauts de la pièce : le poème met trop le méchant Golo en avant, il faut être plus discret avec ce genre de personnage ; il faut aussi mieux préparer les effets, trop brusques, ce qui leur enlève leur magie ; quant à la musique, elle révèle chez un compositeur débutant une insuffisante « connoissance de la scène, des passions et des effets », et une recherche excessive de ces effets : «  sa musique est savante, peut-être quelquefois un peu trop chargée de notes ». Mais la jeunesse de l’un et de l’autre permet d’attendre des progrès. La mise en scène et l’interprétation sont jugées de façon positive. Et le critique attire l’attention sur le très jeune acteur qui joue un rôle d’enfant : goût habituel de l’enfant prodige !]

THÉATRE DE LA RUE DE LOUVOIS.

On a donné, à ce théatre, Genevieve de Brabant , opéra en deux actes, & sa suite en un acte.

Ce sujet est si connu que nous nous dispenserons d'en donner un extrait : l'auteur n'a suivi ni la pantomime, jouée jadis, avec succès, aux éleves de l'opéra, ni la romance touchante de M. Berquin : la bibliotheque bleue l'a seule aidé dans la conception de son plan, qui présente souvent un vif intérêt & des tableaux déchirans L'idée qu'il a eue de mettre en scene le cantique connu : Approchez-vous, honorable assistance, &c. est fort heureuse ; & en général, pour le premier ouvrage d'un très jeune auteur, il annonce des intentions dramatiques, & de la connoissance du théatre. Nous lui observerons cependant, que le traître Golo est trop souvent sur la scene ; que lorsqu'on a à présenter un personnage aussi odieux, il faut le peindre dans l'ombre pour ainsi dire, ne jamais le mettre sur le premier plan du tableau, & ne faire que soulever le voile qui doit cacher une partie de ses atrocités. Il faut aussi qu'il s'attache à motiver ses mouvemens, par des développement & des préparations plus étendus. Les effets amenés trop brusquement, ou mal préparés, perdent toute leur magie, & rendent un ouvrage triste, long & froid. Le public s'est bien apperçu de tous ces défauts, qui échappent de la plume d'un commençant ; mais comme -le public aime les jeunes talens, il n'en a pas moins encouragé l'auteur de Genevieve, qui a été demandé, ainsi que le compositeur, dont c'étoit aussi le debut. On les a nommés tous deux, & tous deux se sont ensuite présentés selon le vœu du public. L'auteur du poème, est M le Roy, jeune acteur du théatre lyrique, & celui de la musique, M. Alday, très-jeune virtuose, connu par son grand talent sur le violon, & qu'on a souvent applaudi au concert spirituel. Il manque à ce dernier, ce qui manque à tous les débutans, la connoissance de la scene, des passions & des effets ; mais sa musique est savante, peut-être quelquefois un peu trop chargée de notes ; mais, souvent large & toujours chantante. Les jeunes compositeurs courent trop après les accords brusques & singuliers, après les modulations les plus étrangeres à la situation ou à la passion qu'ils ont à peindre ; mais ils perdent ce défaut à mesure que la scene leur devient plus familiere : ils sentent, enfin, qu'avec quatre notes, on peut souvent faire plus de bruit qu'avec cinquante, & qu'on ne doit accumuler les changemens de ton & de modulation, que lorsque l'acteur ou la situation changent de but ou d'intérêt. Quoi qu'il en soit, M. Alday mérite d'être singuliérement encouragé : ses chants sont purs, ses motifs sont heureux, & son orchestre est bien travaillé.

Celte piece est montée avec soin : les costumes & les décorations y sont pittoresques. Mde. Ducaire a été très-applaudie dans le rôle de Genevieve ; & M. Ducaire a éprouvé le même agrément dans celui de Sifroy. Nous ignorons le nom de l'enfant qui a joué le rôle du petit Bénoni : cet enfant a répandu un très-grand intérêt dans la piece, & le public a singuliérement goûté, & son jeu, & la maniere dont il a chanté plusieurs airs & morceaux d'ensemble.

D’après la base César, les auteurs sont, pour le « poëme », Alexandre-Joseph le Roy de Bacre, et, pour la musique, François Alday. La pièce a été d'abord donnée au Théâtre des Grands danseurs, du 8 avril 1791 au 19 octobre 1791. Puis elle est reprise au Théâtre des amis de la patrie à partir du 23 novembre 1791 jusqu'au 19 août 1792 ; elle est ensuite donnée dans divers théâtre, du 6 mars 1793 à la fin du siècle : 24 fois en 1791, 18 en 1792, 20 en 1793, 25 en 1794, 34 en 1795, 1 en 1796, 14 en 1797, 4 en 1798, 12 en 1799, soit 152 fois pour la seule fin du 18e siècle.

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