Gresset
Gresset, comédie en deux actes, mêlée de vaudevilles, 30 germinal an 11 (20 avril 1803).
Théâtre du Vaudeville
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Titre :
Gresset
Genre
comédie
Nombre d'actes :
2
Vers / prose ?
en prose, avec des couplets en vers
Musique :
vaudevilles
Date de création :
30germinal an XI (20 avril 1803)
Théâtre :
Théâtre du Vaudeville
Auteur(s) des paroles :
Almanach des Muses 1804.
Courrier des spectacles, n° 2237 du 1er floréal an 11 [21 avril 1803], p. 2 :
[L’article commence par une moquerie contre cette pièce sans couplet d’annonce, où l’auteur préférerait écrire un « couplet de reconnaissance » si le public fait preuve d’indulgence. Bien sûr, l’auteur doit ce couplet, le public ne pouvait être plus indulgent qu’il ne l’a été devant une telle pièce. Le sujet est mal choisi : sans gaîté, sans intérêt. Il n’y a à sauver qu’un ou deux couplets qui ont été redemandés (mais l’exemple est présenté comme une preuve de la faiblesse de la pièce : comment peut-on crier bis après un tel couplet ?). Le résumé de l’intrigue doit bien sûr nous faire comprendre la pauvreté d’une pièce mal faite. Conclusion : l’auteur a dû céder aux sifflets et renoncer à se faire nommer et à se présenter. Et il n’y a qu’une scène à sauver, et encore, elle est imitée d’une autre pièce, mais assez bien imitée.]
Théâtre du Vaudeville.
Première Représentation de Gresset.
Cette pièce a été précédée d’Arlequin afficheur. Au moment où le principal personnage alloit se retirer, interrogé par Cassandre s’il ne donneroit pas le couplet d’annonce, il a répondu par celui-ci :
A cet usage respecté,
Notre auteur aujourd'hui renonce ;
Il a l’esprit trop agité
Pour tourner un couplet d’annonce ;
Mais s’il vous voyoit recevoir
Son ouvrage avec indulgence,
Ah ! qu’il feroit bien mieux ce soir
U n couplet de reconnoissance !
Si l’auteur n’est pas un ingrat, il n’a point dû se coucher sans avoir tenu sa promesse, car il est impossible de montrer plus d’indulgence que le public ne lui en a témoigné pendant toute la pièce.
Jamais sujet ne convint moins au genre du Vaudeville : aussi l’esprit a-t-il eu très-rarement occasion de se montrer dans cet ouvrage entièrement dépourvu de gaité et dont l’intrigue ne présente nul intérêt. On a fait répéter un ou deux couplets, dont l’un renferme cette idée,
L’écrivain vertueux compose,
A l’exemple du créateur,
Qui ne permet pas qu’une rose
Répande un poison , etc.
Cet échantillon suffit pour faite connoitre la manière de l’auteur et prouver la bienveillance du parterre qui a crié bis.
Gresset encore jeune fait son noviciat aux Jésuites ; il est aimé de tout le monde, à l’exception du père Clément qui, de concert avec l’Abesse des Visitandines de Nevers, cherche tous les moyens de le perdre Le poëme de Vert Vert est à-la-fois la cause de la haine de l’Abesse et le motif de la disgrâce du poète. Il laisse dans sa chambre le jeune d’Alembert et le jeune Desmalies, occupés l’un à résoudre un problème, et l’autre à composer des vers. Le pere Clement arrive et reçoit des mains du garçon de l’imprimeur l’épreuve et la copie de Vert-Vert ; il en fait usage pour déservir Gresset auprès de ses supérieurs : celui ci est occupé à lire à Ste-Ursule, l’une des religieuses du couvert des Visitandines, les changemens qu’il a faits à son poème lorsque Clément vient lui annoncer que ses papiers ont eté saisis dans sa chambre, et qu’il va être conduit dans une maison de retraite. Gresset que cette sévérité révolte, regrette sa comédie du Méchant, et son poème de la Chartreuse. Il se trouve que l’espiègle Desmalies a mis l’un et l’autre ouvrage dans sa poche. Le poëte n’ayant plus rien à redouter, brave ses ennemis et renonce à un ordre où l’on veut le tyranniser.
Nous passons sous silence les projets de vengeance de l’Abesse, les condoléances des Sœurs, etc., etc.
L’auteur a été demandé par quelques personnes, mais les sifflets l’ont empêché de paroître, et lui ont ôté jusqu’à l’envie de se faire nommer.
Une seule scène nous paroit à citer ; c’est celle où d’Alembert et Desmalies, ayant, l’un des vers à faire, et l’autre un problème à résoudre, échangent leur devoir pour travailler dans le genre qui lui plait d’avantage. Si cette scène est imitée des Précepteurs, elle l’est du moins assez heureusement. L. P.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 8e année, 1803, tome VI, p. 271-272 :
[Le critique est indigné du portrait qu’on a osé faire de Gresset, représenté comme « un petit philosophe, jetant le froc aux orties », contant fleurette à une religieuse. Pas d’analyse de la pièce, et le public, juge infaillible sans doute, en « a fait justice ». Et ke garant de ce jugement sévère est Voltaire, dont les vers peuvent d’ailleurs s’appliquer à la pièce mettant en scène « l’aimable Gresset ».]
Gresset.
Gresset doué du double privilège
D'être au collège un bel esprit mondain,
Et dans le monde un homme de collège,
Gresset dévot, long-temps petit badin ;
Sanctifié par ses palinodies,
Il prétendoit, avec componction,
Qu'il avoit fait jadis des comédies
Dont à la Vierge il demandoit pardon. . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
C'est ainsi que dans son Pauvre Diable, Voltaire parle de Gresset. On en a fait au Vaudeville un petit philosophe, jetant le froc aux orties, parce que les Jésuites le blâment d'avoir fait imprimer son Ver-vert. On nous le représente contant des douceurs à une religieuse à travers la grille du parloir.... Il est inutile d'analyser la pièce de ces messieurs, dont le public a fait justice. Ils l'ont intitulée comédie ; mais je ne leur répondrai qu'en continuant les vers de Voltaire sur Gresset, qu'on peut leur adresser :
L'auteur se trompe, il n'est pas si coupable :
Un vers heureux et d'un tour agréable,
Ne suffit pas : il faut une action,
De l'intérêt, du comique, une fable,
Des mœurs du temps le portrait véritable,
Pour consommer cette œuvre du démon.
Si Voltaire disoit cela de l'auteur de Sidney et du Méchant, qu'auroit-il dit de celui qui a cru mettre en scène l'aimable Gresset ? T. D.
Le spectateur français au XIXe siècle, ou Variétés morales, politiques et littéraires recueillies des meilleurs écrits périodiques, tome second (Paris, 1805), p. 394-398 :
[Le sujet précédent, c’est Sur la morale du Théâtre, et le Fénelon de Ch....... Longue analyse de la pièce sur Gresset, et sur Gresset lui-même : la pièce porte sur le caractère du personnage, et il faut bien voir en quoi il correspondent, et en quoi ils diffèrent. L’auteur de l’article est un peu condescendant envers les auteurs, « dont je ne connois ni le nom, ni l’âge », qu’il accuse de montrer Gresset « sous les traits ridicules d'un Jésuite petit-maître, d'un galant de grille et de parloir, d'un séducteur de religieuses ; en un mot, d'un jeune étourdi sans décence et sans principes ». A la fin, la pièce est durement condamnée : après avoir dit qu’il ne vaut pas la peine d’examiner la pièce « du côté de l’art », il affirme « du côté moral, je regarde cette triste bagatelle comme une insulte pour Gresset, qui long-temps a déploré les idées et les principes qu’on lui fait débiter aujourd'hui en plein théâtre ».]
LIX
Sur le sujet précédent et sur Gresset.
[…] Aujourd'hui d'autres enfans de Momus, dont je ne connois ni le nom, ni l’âge, ne se montrent pas beaucoup plus raisonnables ; ils veulent honorer Gresitet, et ils nous présentent cet aimable poëte, sous les traits ridicules d'un Jésuite petit-maître, d'un galant de grille et de parloir, d'un séducteur de religieuses ; en un mot, d'un jeune étourdi sans décence et sans principes, qui déshonora son état et son habit par une conduite extravagante. Tout homme dont les actions, les manières et le langage sont en contradiction avec le rôle qu’il joue dans la société, est une difformité dans le monde, une dissonnance [sic] dans l'harmonie sociale. Pour peindre ainsi Gresset, ce n'était pas la peine de faire un vaudeville.
Je ne vois pas ce que des religieux et des religieuses, un couvent, une grille, un parloir, peuvent avoir aujourd'hui de gracieux et de gai sur nos théâtres : ces objets-là sont étrangers et parfaitement inconnus à la moitié des spectateurs ; et pour l'autre moitié ils ne peuvent être qu'un sujet de regrets inutiles ou de railleries barbares. Je plains les auteurs qui ont besoin de ces ressources, ou qui croient pouvoir se les permettre. Grasset, sons l'habit de religieux, se moquant des religieuses ; Gresset, jésuite, faisant le philosophe et le mondain, est un personnage très-méprisable. Le Vert-Vert est un joli poème ; mais il ne devoit pas être fait par un jésuite. Boileau n'était pas chanoine, lorsqu'il composa le Lutrin : c'est une partie de l'honnêteté d'observer les bienséances.
Quelle petitesse ! je dirois même quelle bassesse ! dans le projet de faire imprimer le Vert-Vert à l'insu des jésuites. Gresset ne peut avoir en cela d'autre but que d'humilier et d’affliger un corps respectable dont il est membre. Puisqu’il ne tient qu'à lui de rentrer dans le monde, pourquoi ne dépose-t-il pas l'habit religieux, avant d’afficher et de publier des plaisanteries aussi profanes ? Oui, sans doute , Gresset a manqué aux devoirs de l'honnête homme, lorsqu'il a donné au public le Vert-Vert, étant encore chez les jésuites : la gloriole d'auteur lui a fait oublier les convenances les plus essentielles. Insulter et braver une société vertueuse à laquelle on s'est agrégé volontairement, surtout quand on est libre de la quitter, c'est la conduite d'un lâche ; et si l'on veut que ce ne soit qu'une étourderie, elle n'annonce pas un bon cœur.
Gresset, avec beaucoup de délicatesse et de grâce dans l'esprit, avoit l'ame molle et faible : il fut atteint par la contagion philosophique qui pénétrait alors jusque dans les maisons religieuses : il donna dans l’anglomanie, dans la voltairomanie ; la vanité, l’éclat du monde le séduisit : dans sa retraite, il ne rêvoit que cercles, académie, théâtres ; son imagination échauffée lui offroit dans sa solitude les sociétés les ‘plus brillantes, tout ce que la Cour et la ville avoient de plus enchanteur : de sa triste cellule il se transportoit en idée à la table d’un duc, à la toilette d’une marquise, dans le salon d’une comtesse.
Il n’est pas étonnant que Gresset soupirât après la réalité de ce bonheur, dont il traçoit des peintures dans son hermitage : il le goûta, ce bonheur ; et quand il connut le monde, il regretta son collége. Il sentit qu’un bel esprit, quelque fêté qu'il fût chez les grands, n’y étoit jamais qu’un meuble à la mode, qui faisoit partie de leur luxe : il ne trouva qu’ennui, que dégoût, qu’illusion dans les jouissances de la vanité, dans le tourbillon des plaisirs et des fêtes ; et, comme le berger de La Fontaine, transplanté à la cour des rois, il s’aperçut qu’il avoit sacrifié à la chimère de l’ambition, la liberté, la gaieté, le repos. Harcelé par les envieux, fatigué par les sots, en butte aux rivalités, aux cabales, gêné par les devoirs importuns de l’étiquette et de l’usage, il tourna souvent ses regards vers sa chère retraite, si favorable à cette douce paresse, à cette tranquillité précieuse, à cette aimable simplicité dont il savoit si bien sentir et peindre les charmes. La religion acheva de le désabuser ; elle le fit rougir de la frivolité de ses occupations. Gresset est du petit nombre des philosophes éclairés et consolés par des lumières bien supérieures à celles de 1a raison humaine
Suivant l’esprit du théâtre et la nature des comédies, dont l’unique objet est de flatter les passions, le plus honnête personnage de la pièce est représenté sous des couleurs odieuses : c’est un méchant, un persécuteur, un cagot. Le fou, l’étourdi, celui qui viole toutes les bienséances, est l’honnête homme, l’homme intéressant. Il y a un certain père Clément, qui gémit de la dissipation, de la légèreté et de l’indécence de son confrère Gresset ; qui regarde avec raison ce jeune poëte comme capable de compromettre l’honneur de sa société par un ouvrage aussi peu convenable à un jésuite que Vert-Vert : il voudroit en empêcher l’impression ; cest-à-dire, qu’il voudroit épargner à Gresset une sottise, aux jésuites un affront ; C’est cet homme sage et religieux dont les auteurs ont fait un fanatique, un bigot, un tartufe ; ils ont distilé [sic] sur lui tout le fiel de cette bénigne philosophie, qui ne veut de tolérance que pour elle et ses amis.
Un garçon d’imprimerie, qui ne connoît pas l’auteur de Vert-Vert, fait une bévue, et remet au père Clément le manuscrit et les épreuves de ce poëme, qu’il apportoit à Gresset : le quiproquo n’est pas trop vraisemblable ; mais ce n’est pas de cela dont il s’agit. Le père Clément fait son devoir lorsqu’il donne avis à ses supérieurs de cette impression furtive et illégale : ce n’est point un dénonciateur, c’est un ami de Gresset, et un ami de l’ordre. Pendant ce temps-là, Gresset fait sa cour au parloir d’un couvent voisin, à la sœur Ursule, jeune religieuse à peu près aussi folle et aussi étourdie que lui ; il lui prête Racine, pour lui inspirer l’amour de Dieu, et lui lit son Vert-Vert, pour la fortifier dans sa vocation: mais ce galant tête-à-tête est désagréablement interrompu par deux personnages très-fâcheux ; l’un est le père Clément, qui vient annoncer à Gresset la colère et la vengeance de ses supérieurs ; l’autre est l’abbesse du couvent, qui vient faire éclater son indignation contre le persifflage de Vert-Vert.
Ces deux coups de foudre ne peuvent abattre, l'ame d’un philosophe : en vrai héros de théâtre, Gresset fait tête à l’orage ; il brave ses ennemis et se défroque fièrement à leurs yeux. Il invoque la liberté de l’homme et du citoyen, et cette noble audace confond le père Clément et l’abbesse ; puis, tournant vers sa chère Ursule des regards attendris, il déplore la cruauté du destin qui retient enchaîné dans un éternel esclavage, cette innocente victime du préjugé, et lui promet sa protection pour lui obtenir du moins une prison plus douce et plus agréable. Le crédit d'un jésuite défroqué ne devoit pas être. très-puissant auprès des supérieurs ecclésiastiques ; mais on n’y regarde pas de si près au Vaudeville. Je n’ai point examiné la pièce du côté de l’art ; elle n'en vaut pas la peine ; elle est très-digne du froid accueil qu’elle a reçu du public : mais du côté moral, je regarde cette triste bagatelle comme une insulte pour Gresset, qui long-temps a déploré les idées et les principes qu’on lui fait débiter aujourd'hui en ‘plein théâtre.
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