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Gulnare ou l'Esclave persane
Gulnare ou l'Esclave persane, opéra en un acte, de Marsollier, musique de d'Aleyrac. 10 nivôse an 6 [30 décembre 1797].
Le Courrier des spectacles annonce la première pour le 10 nivôse an 6 [30 décembre 1797], et non pour le 20 nivôse [9 janvier 1798], date donnée par la brochure.
Théâtre de la rue Favart
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Titre
Gulnare, ou l’Esclave persane
Genre
opéra-comique
Nombre d'actes :
1
Vers / prose ?
en prose, avec des couplets en vers
Musique :
oui
Date de création :
10 nivôse an 6 [30 décembre 1797]
Théâtre :
Théâtre de la rue Favart
Auteur(s) des paroles :
Marsollier
Compositeur(s) :
d’Aleyrac
Almanach des Muses 1799.
Osmin aime Gulnare, mai il est tourmenté de l'idée de son père, réduit à la misère et à l'esclavage. Il songe à le racheter, en se vendant lui-même, lorsque Gulnare a formé le même projet. Osmin trouve peu d'amateurs ; Gulnare en trouve beaucoup. Un vieux pourvoyeur du Mogol, entr'autres, Ibrahim offre justement à Gulnare les cinq cents sequins, suffisans pour rendre la liberté au père d'Osmin ; mais la personne du vieillard ne la tente point, et elle va céder aux propositions de Dhely, jeune prince beau, riche et galant. Osmin souffrait beaucoup de voir sa maîtresse aux mains du premier ; il souffre bien davantage de penser qu'elle va appartenir au second. La jalousie s'empare de lui. Il profite d'une circonstance qui le fait passer pour le maître de Gulnare, et traite avec Ibrahim. Gulnare n'est pas trop contente, Dhely se désespère, Osmin s'applaudit, Ibrahim est au comble de la joie. Mais le vieux pourvoyeur est encore plus sensible aux appas de l'or qu'aux charmes d'une belle esclave, et Dhely n'a pas de peine à obtenir de lui la cession de Gulnare. Osmin voit sa maîtresse livrée à l'homme qu'il redoutait le plus, quand Gulnare, comptant sur la générosité de Dhely, lui découvre les motifs qui l'ont décidée au sacrifice de sa liberté, obtient celle du père d'Osmin, et se trouve rendue à son amant.
Un peu d'invraisemblance dans l'intrigue, mais de l'intérêt, une musique très-agréable, un grand succès.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, (1798.) an vi :
[Exemplaire de la collection Marandet]
Gulnare ou l'Esclave persanne, comédie, en un acte et en prose, mêlée d'ariettes, Paroles du citoyen Marsollier, Musique du citoyen Dalayrac. Représenté sur le théâtre de l'Opéra-Comique national de la rue Favart, le 20 nivose, an 6.
La première a eu lieu en fait le 10 nivôse an 6 [30 décembre 1797].
Courrier des spectacles, n° 313 du 11 nivôse an 6 [31 décembre 1797], p. 2 :
[Source : les Mille et une nuits. Due à un auteur qui ne connaît que des succès, la pièce a donc réussi. L’essentiel de l’article consiste à en donner l’analyse. L’intrigue orientale repose sur la volonté de deux amants de se dévouer pour sauver le vieil Osmin de la ruine : dans leur compétition pour se vendre comme esclaves, c’est Gulnare qui l’emporte, et elle est mise en vente. Mais son amant refuse de la voir aux mains du jeune et beau Dely, et il la vend au vieux Ibrahim qu’elle trouve laid et dégoûtant. Tout s’arrange bien sûr, puisque Dely, qui a racheté Gulnare à Ibrahim comprend la situation : il la laisse libre, et va jusqu’à payer la dette du vieil Osmin. Le jugement porté ensuite est positif, tant pour le librettiste, qui a su conduire l’intrigue, à la fois comique et sentimentale (il aurait juste dû rendre l’amant de Gulnare, qui est le fils d’Osmin, moins jaloux) que pour le musicien, auteur d’une musique « locale, spirituelle et brillante » et pour les interprètes, longuement félicités : les trois chanteurs vedettes, Martin, Elleviou, Gavaudan, sont excellents, tout comme l’actrice qui joue Gulnare et les acteurs qui incarnent les courtiers en esclaves. Dernier compliment, pour le théâtre qui a su créer un spectacle qui transporte vraiment en Orient, par l’exactitude des costumes et des accessoires que par le décor. « C’est un beau spectacle, une jolie pièce, un succès enfin qui doit attirer l’affluence. »]
Théâtre Favart.
Un trait des Mille et une nuits a fourni au citoyen Marsollier, qui ne compte que des succès dans la carrière dramatique, le sujet de Gulnare, ou l’Esclave Persanne, opéra comique en un acte, donné hier à ce théâtre, et qui a réussi complettement.
Le Grand Visir, jaloux d’Osmin , lui a suscité une affaire qui l’a ruiné et plongé dans une étroite prison. Il faut 500 sequins pour briser les fers de ce vieillard. Son fils, au désespoir, forme le projet, pour trouver cette somme, d’aller se vendre ; mais Gulnare, amante d Osmin fils, veut précéder son amant dans ce dessein : tous deux, se disputant la priorité de l’esclavage, ont recours à deux courtiers, Séid et Omar, qui viennent de dresser leur tente dans une plaine près d’Ispahan, pour y faire le commerce des esclaves. Séid, sentant bien qu'il gagnera d'avantage en vendant Gulnare, la propose d’abord au vieux Ibrahim, financier ridicule, qui en offre 500 sequins : Gulnare, craignant d’appartenir à cet odieux vieillard, feint d’être sotte et gauche pour lui déplaire. Ibrahim se retire ; mais celui qui lui succède est propre au projet secret qu’a formé Gulnare ; c’est Dely, un jeune prince Persan, plein d’esprit, d’ame, et de délicatesse. Gulnare qui le séduit d’abord par ses grâces et son esprit, pince de la harpe, fait briller devant lui tous les talens qu’elle possède, et lui tourne entierement la tête. Sur ces entrefaites, le vieux lbrahim revient. Dely offre douze cent sesequins de Gulnare ; mais Osmin qui passe pour le marchand qui la vend, Osmin qui tremble de la voir au pouvoir de Dely, s’écrie qu’il la donne à Ibrahim pour ses 500 sequins. Dely désespéré, offre à lbrahim son riche palanquin, ses esclaves et un diamant, s’il veut lui céder Gulnare ; Ibrahim accepte le marché, et dès-lors Gulnare raconte à Dély ses malheurs, l’excès de son amour pour Osmin, et pique sa générosité au point que, malgré son amour naissant, Dely la rend à Osmin, et donne à ce dernier la somme nécessaire pour délivrer son père.
Cet ouvrage est bien conduit, écrit avec esprit, et rempli de traits de comique ou de sentiment. La jalousie d’Osmin paroît seulement trop excessive, et le personnage qu’il joue pendant que Dely fait sa cour à Gulnare, a paru faire de la peine au public. Du reste, le succès de cette jolie pièce a été complet , et l’on a demandé les auteurs, dont un seul a paru, le cit. Daleyrac. Sa musique de Gulnare est locale, spirituelle et brillante tant dans la partie du chant, que dans les accompagnemens.
Cette pièce offroit la réunion des trois chanteurs par excellence de ce théâtre ; le cit. Martin qui, chargé du rôle du courtier Seid, y a mis de la gaité, de l’intelligence, et sur-tout un goût de chant exquis ; le cit. Elleviou, qui a chanté parfaitement, et joué le rôle aimable de Dély avec beaucoup d’ame et d’à-plomb ; le cit. Gavaudan, qui a aussi fort bien joué et chanté le rôle d’Osmin. La citoyenne Jenny-Bouvier est charmante dans le rôle de Gulnare, qu’elle joue avec grace et sensibilité. Le cit. Chenard met beaucoup de comique et de vérité dans le personnage burlesque du financier Ibrahim ; le cit. Fleuriot est bien dans celui d’Omar : en un mot, c’est un ouvrage très-bien joué.
On doit savoir gré aux artistes de ce théâtre d’avoir mis cette pièce avec un luxe vraiment oriental. On est transporté dans le pays, tant par la vérité des costumes que par l’observance exacte des moindres accessoires, et sur-tout par une très-belle décoration qu’on doit au citoyen Munik. C’est un beau spectacle, une jolie pièce, un succès enfin qui doit attirer l’affluence.
Ducray-Duminil,
La Décade philosophique, littéraire et politique, an 6, IIe trimestre, n° 11 (20 Nivôse – Mardi 9 Janvier 1798), p. 102-106 :
[Le début du compte rendu est à la gloire de Marsollier, qui sait traiter le plus invraisemblable des sujets avec talent et succès. L’analyse du sujet (qui « ne doit guères aux contes arabes que le nom de ses personnages ») ne se prive pas pour en montrer les faiblesses, invraisemblances et éléments dramatiques. Le bilan tiré de cette analyse est sans appel : « rien n'était plus invraisemblable [...], rien de plus embarassant à traiter [...], rien de plus voisin de l'indécence ». Mais toute l’habileté de l’auteur a été de « passer entre les écueils » dans la première partie, pour trouver « l'intérêt de l'action et le charme des situations » avec l’arrivée du beau prince Dehli. Grand succès donc, à partager entre « l'auteur, le compositeur et les comédiens » : le musicien « a parfaitement saisi le coloris qui convenait à ces tableaux asiatiques » (la musique aussi doit respecter la vraisemblance). Il a su aussi bien utiliser son trio de chanteurs (« les citoyens Martin, Elleviou et Gavaudan »). Toutefois, le critique lui reproche sacrifier à « l'esprit d'innovation qui se manifeste aujourd'hui dans la manière de chanter » : « broderies multipliées, […] fatiguantes roulades, […] sonates vocales ». Tout le paragraphe constitue un réquisitoire contre la nouvelle musique, qui sacrifie l’expression « à la légèreté du gosier ». Par contre, que des éloges pour « la société des Artistes de ce théâtre », qui a réalisé le spectacle, décorations et accessoires, avec goût. Les yeux aussi ont droit « d’être satisfaits », comme les oreilles et le cœur. Depuis sa restauration, le théâtre présente des ouvrages montés avec soin.]
Théâtre de l'Opéra – Comique.
Gulnare, ou l'Esclave persane.
Le C. Marsollier, le plus fécond soutien de ce théâtre, paraît s'attacher à nous prouver de plus en plus qu'il n'est pas de sujet si difficile et si ingrat qu'il paraisse, dont le talent ne puisse s'emparer avec succès.
La pièce de Gulnare est une lutte continuelle contre la difficulté et l'invraissemblance, mais dont l'auteur s'est tiré pourtant avec avantage. Il ne doit guères aux contes arabes que le nom de ses personnages ; voici l'analyse du sujet.
Osmin aime Gulnare avec d'autant plus de tendresse et de raison, que cette jeune personne est à-la-fois un modèle de beauté, de talens et de vertus ; mais le pere d'Osmin, jadis Vizir, par une de ces révolutions politiques si fréquentes dans les mœurs asiatiques, se trouve réduit à la misère et à l'esclavage : cinq cents sequins peuvent seuls racheter sa liberté. Osmin ne voit d'autres moyen de sauver celle de son père que de trafiquer de la sienne, et ce qui doit paraître plus singulier, c'est que Gulnare, qui cependant risque un peu davantage, veut aussi disputer, par le même moyen, l'honneur de délivrer le père de son amant.
Ils se présentent tous deux au Bazar : on conçoit facilement que dans ce pays et dans ces mœurs, Osmin, tout savant qu'il est, malgré sa naissance et ses lumières, et peut être à cause d'elles, n'est pas.d'une défaite aisée ; mais qu'une jeune personne comme Gulnare, brillante de talens et de beauté, trouvera plus facilement des acheteurs. Voilà donc le malheureux Osmin, placé entre la honte de laisser périr son père dans les fers et la douleur de ne le sauver qu'au prix de la fidélité de sa maîtresse : cette situation est assez dramatique, mais ne présente pas de motifs de gaieté pour un amant passionné.
Un vieux Ibrahim, pourvoyeur du Mogol, riche de ses rapines, par conséquent sans délicatesse et libertin blasé, se présente pour faire acquisition de la belle esclave. La vertueuse et sensible Gulnare est obligée de subir l'examen humiliant, les offres dégoûtantes, et les propos injurieux d'Ibrahim ; détails très-peu décens, mais essentiellement inhérens au marché qu'il veut conclure. Il offre enfin tout juste les cinq cents sequins suffisans pour sauver le père d'Osmin, mais Gulnare se sent une répugnance invincible pour ce vieillard sans pudeur, et le marché ne se conclut point.
Sur ces entrefaites, paraît le jeune, beau, riche et galant Dehli, Prince de Perse, connu dans toute l'Asie par ses vertus et sa magnificence : il voit Gulnare, est frappé de sa beauté, de ses grâces, de ses talens, et ne balance pas à offrir mille sequins à Osmin, forcé de passer pour le vendeur de Gulnare, et d'être témoin de tous les genres de séduction qu'elle emploie pour captiver Dehli ; malgré la délicatesse que-son amante met à vouloir le rassurer, la jalousie s'empare tout-à-fait de son ame : il ne peut plus voir sans frémir les avantages de son rival, et la joie involontaire que Gulnare témoigne d'appartenir plutôt au prince de Perse qu'à tout autre(1). En ce moment reparait le vieux Ibrahim qui se flatte qu'on se sera ravisé sur ses propositions. Alors, par un mouvement passionné, d'autant plus dramatique qu'il est plus inattendu, Osmin, jaloux d'arracher sa maîtresse à son jeune rival, et préférant d'en faire le sacrifice au vieux Ibrahim, profite de la circonstance qui le fait passer pour le marchand, et livre pour cinq cents sequins qui lui suffisent, sa prétendue esclave, en rejettant les offres du Prince.
On peut concevoir quel étonnement d'un côté, quel embarras pour Gulnare, quelle douleur pour Dehli ! Quelle joie pour Ibrahim ! mais le malheureux Osmin n'en est pas plus avancé, et son emportement tourne contre lui, car Dehli offre alors à Ibrahim un gain si considérable sur son marché, que le vieux avare, plus intéressé qu'amoureux, ne tarde pas à lui céder Gulnare. Enfin, celle-ci qui connaît la générosité de Dehli et l'empire de la vertu sur son ame, se détermine à lui tout découvrir, à solliciter le sacrifice de son amour, et après quelques combats douloureux de la part de ce Prince, aimable et sensible, obtient le dénouement le plus heureux, c'est-à-dire, l'abandon de ses droits et son amitié, la liberté du père d'Osmin, et le bonheur de son amant.
Il est aisé de voir que rien n'était plus invraisemblable que le sacrifice projeté par Gulnare, rien de plus embarassant à traiter que sa situation et les détails qui s'ensuivent, rien de plus voisin de l'indécence que toute la première partie de l'ouvrage : mais l'auteur a mis tant d'adresse à passer entre les écueils, tant d'esprit dans l'art de placer les ombres de son tableau, qu'il est arrivé à sa seconde partie ; et depuis l'arrivée de Dehli l'intérêt de l'action et le charme des situations fait bientôt oublier le chemin un peu fâcheux par lequel on a passé pour y arriver : c'est ainsi qu'un ouvrier habile fait quelquefois disparaître la médiocrité de son étoffe sous la richesse de sa broderie.
La pièce a obtenu le plus grand succès ; l'auteur, le compositeur et les comédiens, paraissent avoir tous coopéré à rendre cette nouvelle production fort intéressante.
Le C. Dalayrac a parfaitement saisi le coloris qui convenait à ces tableaux asiatiques ; il s'est bien pénétré sur-tout de la belle situation,.et a trouvé le moyen d'ajouter à son effet : il a de plus eu l'adresse de placer dans le même cadre les trois talens des citoyens Martin, Elleviou et Gavaudan.
Je crois devoir cependant à la vérité, au bien de l'Art en lui-même, à son propre intérêt, de lui dire qu'en favorisant, comme les autres, l'esprit d'innovation qui se manifeste aujourd'hui dans la manière de chanter, en se prêtant aux broderies multipliées, aux fatiguantes roulades, aux sonates vocales, il risque de sacrifier la durée de ses succès à leur éclat momentané ; il devient complice, aux yeux du goût, de sa dépravation et de la décadence de son Art, avec une semblable méthode de chant, l'expression est entièrement sacrifiée à la légèreté du gosier, le vrai talent disparait sous le méchanisme de l'Art, et la musique ne ressemble plus qu'au gazouillement des fauvettes et des rossignols, qui flatte un moment l'oreille, sans arriver jamais à l'ame.
Mais on doit les plus grands éloges à la manière dont la société des Artistes de ce théâtre a soigné l'exécution de l'ouvrage : les décorations, les accessoires, tout est fait avec goût, et contribue nécessairement à flatter les yeux qui, dans les tableaux dramatiques comme par-tout, ont besoin d'être satisfaits pour augmenter le plaisir de l'oreille et du cœur.
Il faut rendre à cette société la justice de dire que depuis la restauration de la salle, elle n'a rien négligé pour mettre le théâtre au même niveau ; et que le public peut maintenant y trouver tout le soin qu'exige l'ensemble des ouvrages qu'on y représente.
L. C.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, troisième année (an VI, 1797), tome cinquième, p. 268-269 :
[D’un sujet tiré des inépuisables Mille et une nuits, Marsollier a su tirer une pièce qui connaît un grand succès. L’essentiel du compte rendu raconte l’intrigue, un rien confuse, avant de juger la pièce. Elle est pleine d’invraisemblances (c’est un sérieux défaut, pourtant prévisible pour une pièce tirée d’un conte...), mais elle est sauvée « par les détails [sans plus de précision], par la richesse de sa musique [mais pas de nom du musicien, ni de précision sur son œuvre], le jeu des acteurs [aucun n’est nommé] et le soin avec lequel elle est établie ». On a là les quatre piliers du bon opéra comique.]
Le citoyen Marsollier si connu par ses jolies pièces à l'Opéra comique national, vient d'enrichir ce [théâtre] d'une nouvelle production intitulée : Gulnare ou l'Esclave persane. Le sujet est tiré des Mille et une Nuits.
Osmin aime Gulnare jeune Persane remplie de grâces et de talens. Le père d'Osmin jadis visir, par une de ces révolutions si fréquentes dans les mœurs asiatiques est dans les fers. Il faut cinq cent sequins pour racheter sa liberté ; Osmin ne trouve d'autres moyens de procurer celle de son père, que de perdre la sienne, et Gulnare lui dispute l'honneur de sauver le vieillard.
Tous deux se présentent au Bazar ; mais Gulnare brillante de talens et de beauté, trouve plus facilement des acheteurs, et Osmin se voit entre la douleur de perdre son père et celle de perdre sa maitresse. Ibrahim, vieux Juif, pourvoyeur du Mogol, riche de ses rapines, sans délicatesse, se présente pour faire acquisition de la belle esclave ; il offre les cinq cents sequins suffisans pour sauver le père d'Osmin ; mais Gulnare a pour lui une répugnance invincible et ne peut se résoudre à conclure ce marché.
Arrive le jeune prince de Perse, Dehli, connu dans toute l'Asie par ses vertus et sa magnificence : il offre mille sequins de la belle Persane à Osmin forcé de passer pour le vendeur et d'être témoin des moyens de séduction qu'elle emploie pour captiver Dehli : il croit qu'elle lui préfère le prince de Perse, et la jalousie s'empare de lui. Dans ce moment reparoît le vieux Ibrahim qui se flatte qu'on se sera r'avisé sur ses propositions, et Osmin jaloux d'arracher sa maîtresse à son jeune rival, préfère d'en faire le sacrifice au vieux Ibrahim et la lui livre pour cent sequins ; mais il n'en est pas plus avancé. Dehli offre alors à Ibrahim un gain si considérable que le vieux avare, plus intéressé qu'amoureux, ne tarde pas à lui céder Gulnare. Enfin celle-ci qui connoit la vertu et la générosité de Dehli se détermine à lui découvrir tout, et après quelques combats douloureux de la part de ce prince, elle obtient la liberté du père d'Osmin, et le bonheur de son amant.
Cette pièce malgré ses invraisemblances a réussi par les détails, par la richesse de sa musique, le jeu des acteurs et le soin avec lequel elle est établie.
Lors de la création de la Victime des arts ou la Fête de famille, le 27 février 1811, la soirée avait commencé par la représentation de Gulnare ou l’Esclave persane. Le long compte rendu de Geoffroy dans le Journal de l’Empire s’achevait par un paragraphe consacré à ce qui était la petite pièce, appréciée, alors que la Victime des arts ou la Fête de famille était un échec :
Gulnare, qui précédoit la Victime des Arts, a défrayé seule le spectacle, et en a fait tout le charme : ce n'est pas que la pièce soit un chef-d'œuvre : mais ce mélange des mœurs orientales et des mœurs européennes, cette alliance de la galanterie française avec la grossièreté asiatique, qui est un vrai défaut, se trouve être un des agrémens de l’ouvrage. Madame Belmont,dans le rôle de Gulnare; réunit toute la volupté de l’Orient, à la décence, à la noblesse, au sentiment qui en Europe, et sur-tout en France, donne tant de prix à la volupté. Tant qu'elle est en scène la pièce paroît charmante ; heureusement elle y est presque toujours : elle enchante par ses talens et par ses graces le prince Dehli, et le prince a dans l’assemblée tous les hommes pour rivaux. La romance qu'elle chante avec un goût infini, en s'accompagnant elle-même de la harpe, a été couverte d'applaudissemens à trois reprises. L'actrice et les spectateurs ont commence par éprouver dans ce moment les délices et le bonheur des arts, en attendant qu'on leur en présentât la victime.
Geoffroy.
Dans la base César : 31 représentations en 1798 à compter du 1er janvier 1798, 17 en 1799 (toutes au Théâtre Italien, salle Favart).
D’après Nicole Wild, David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 273, la première a eu lieu le 30 décembre 1797. La pièce a été reprise le 30 novembre 1801 et a été jouée jusqu’en 1830.
(1) J'avoue que je n'ai pas trop bien conçu le motif de l'auteur, pour donner à son héroïne cette predilection, et que la metaphysique de ce calcul m'a echappé.
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