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Gusman, Morillos et Lazarille, ou les Trois secrétaires

Gusman, Morillos et Lazarille, ou les Trois secrétaires, comédie en trois actes et en prose, de Rougemont, 9 avril 1811.

Odéon. Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Gusman, Morillos et Lazarille, ou les Trois secrétaires

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

9 avril 1811

Théâtre :

Odéon. Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

de Rougemont

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme Masson, 1811 :

Les Trois secrétaires, ou Gusman, Morillos, Lazarille, comédie en trois actes et en prose, par M. de Rougemont. Représentée pour la première fois par les Comédiens ordinaires de S. M. l'Impératrice et Reine, sur le Théâtre de l'Odéon, le 9 avril 1811.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, Volume 33, n° 73 du 15 avril 1811, p. 71 :

La comédie nouvelle en trois actes et en prose, intitulée Guzman, Morillos et Lazarille, ou les Trois secrétaires, jouée la semaine dernière sur le Théâtre de l'Odeon, n'a pas obtenu un succès complet. Néanmoins l'auteur a été nommé; c'est M. Rougemont.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1811, tome V (mai 1811), p. 282-288 :

[Le compte rendu s’ouvre sur des compliments pour la pièce : elle est pleine d’esprit, le dialogue comporte une foule « de traits épigrammatiques et malins, de railleries presque toujours pleines de sel et quelquefois sanglantes », au point qu’on pourrait lui reprocher d’en avoir abusé (et le critique en profite pour dire que ce trait n’est pas si courant chez les auteurs de théâtre). Cet abus des traits d’esprit est mis en rapport avec le fait que la pièce est inspirée du roman de Lesage Gil Blas, et que l’auteur de roman a plus que le dramaturge la possibilité d’adapter le rythme qu’il veut, quand le spectateur exige à la fois variété et marche régulière. L’auteur de théâtre doit choisir, entre adaptation qui suit de trop près le roman, ou choix dans le roman de « quelques tableaux ingénieux ou comiques ». Dans un cas, son intrigue est embrouillée, dans l’autre, « le défaut d'intérêt est bien voisin de l'extrême simplicité ». On arrive ensuite (et enfin) à l’analyse du sujet, faite avec précision. Le jugement final, moins favorable que celui du début, considère que la pièce n’échappe pas à la répétition de la même situation (trois secrétaires qui ont les mêmes préoccupations). Et la décence est un peu offensée de la situation de Morillos. De façon qui peut nous étonner, le critique affirme : « Il est permis sur la scène de berner les pères, les oncles et les tuteurs, mais il y faut un peu plus de façon avec les maris. » le public l’a d’ailleurs fait sentir : il a « fort à cœur les intérêts de la morale », et il ne comprend pas bien la plaisanterie. Quelques corrections permettraient de satisfaire, « à-la-fois, le goût le plus sévère et les oreilles les plus chastes ».]

Gusman, Morillos et Lazarille, ou les Trois Secrétaires.

S'il ne fallait que de l'esprit pour assurer le succès d'un ouvrage dramatique, la fortune de celui-ci ne pouvait être douteuse. Le dialogue en est semé, d'un bout à l'autre, de traits épigrammatiques et malins, de railleries presque toujours pleines de sel et quelquefois sanglantes ; et si l'auteur mérite quelques reproches sous-le rapport du style, c'est, à coup-sûr, pour avoir abusé de ses moyens, et pour avoir prodigué sans réserve des saillies fines et mordantes, dont on lui aurait tenu compte avec plus de justice, s'il les avait dispensées avec plus d'économie. Je remarquerai en passant que ce défaut n'est pas celui de la plupart de nos faiseurs de comédies, d'opéras-comiques et même de vaudevilles ; malgré toutes leurs prétentions & l'esprit, ces messieurs n'en dépensent guère, et je ne pense pas qu'il faille leur savoir beaucoup de gré d'une parcimonie dont il n'est pas en leur pouvoir de se corriger. Il n'en est pas ainsi de M. de Rougemont ; il a prouvé, par plus d'une production gracieuse et spirituelle, qu'il était assez riche de son propre fonds pour que l'on puisse exiger de lui quelques sacrifices que son goût, aidé par la réflexion, ne saurait manquer de lui indiquer. Son plus grand tort dans ce nouvel ouvrage, est de n'avoir pas assez bien senti qu'il ne suffisait pas de varier la forme de la plaisanterie, et qu'il fallait aussi varier les sujets qui la fournissent. C'est trop exiger de la bienveillance des spectateurs que de chercher à la captiver, pendant l'espace de trois actes, en ramenant sans cesse les mêmes situations, et cette monotonie présente trop d'écueil pour que le style le plus piquant puisse les faire éviter.

Je ne me rappelle pas d'avoir lu dans Gilblas le sujet des Trois Secrétaires ; mais il est évident que l'auteur du roman a inspiré la comédie, et Lesage, sans qu'il y ait de sa faute, est un peu la cause des fautes que M. de Rougemont a commises dans le plan de son ouvrage. La lecture de quelques-uns de ces chapitres mordans et satiriques, où la morgue et la bassesse des ambitieux et des gens en place sont mises à découvert, exposées dans toute leur nudité d'une manière si fine et si piquante, a séduit l'auteur des Trois Secrétaires ; il n'a pas assez calculé la différence qui existe entre un roman et une comédie. En effet, le romancier est maître de son sujet ; il l'étend, il le resserre à volonté ; il précipite sa marche ou la ralentit à son gré : quelquefois même il la suspend tout-à-fait pour dessiner des portraits, tracer des caractères ; bien sûr qu'un apperçu nouveau, qu'un trait malin, qu'une saillie plaisante feront pardonner ses réflexions, ses écarts, sa marche irrégulière. Souvent même, dans ce genre, une apparence de désordre est un moyen de plus d'exciter l'intérêt et de s'emparer de l'esprit du lecteur. Mais le spectateur est plus difficile ; il exige de la variété, et veut cependant une marche régulière ; il ne permet aucun écart; mais il lui faut des développemens, et cependant il ne le souffre qu'autant qu'ils conduisent au but, et se rattachent à l'action principale. De-là naissent deux inconvéniens pour l'auteur dramatique qui prend pour guide l'auteur de romans ; ou ses emprunts sont trop considérables, et alors il n'a pas le temps de les faire valoir dans le court espace de temps dont il lui est permis de disposer ; ou , plus sobre dans ses imitations, il s'imagine que quelques tableaux ingénieux ou comiques suffisent pour établir et développer une action. Dans le premier cas, sa fable est embrouillée, obscure et fatigante ;dans l'autre , le défaut d'intérêt est bien voisin de l'extrême simplicité. C'est contre ce dernier écueil que M. de Rougemont a manqué de se briser, et je pense qu'il l'eût évité plus facilement s'il avait resserré son sujet en deux ou même en un acte. Je vais essayer de donner une idée de la manière dont il l'a conçu.

Le seigneur Gusman , secrétaire du marquis de Villegas , membre du conseil de Castille , a pris sur l'esprit de son maître un tel ascendant, que le marquis se repose entièrement sur lui du soin des affaires. C'est Gusman qui fait tout, ou pour mieux dire, qui fait tout faire ; car Gusman est homme de plaisirs, et il trouve plus simple, pour s'occuper des siens en toute liberté, d'abandonner le travail à un second, fort intelligent, nommé Morillos, qui met à profit l'exemple de son patron, et se décharge de toutes les écritures sur la personne d'un certain Lazarille, lequel, à son tour, a recours à deux commis. Chaque secrétaire recueille ainsi le fruit d'un travail qui ne lui a pas donné beaucoup de peine, et fournit ainsi une nouvelle application du Sic vos non vobis. Il est vrai que ces récompenses ne consistent, le plus souvent , qu'en éloges, monnaie assez légère pour des hommes affamés d'argent, mais leur fortune et [sic] sur le point de changer et de recevoir une impulsion rapide. Le marquis doit être nommé infailliblement au gouvernement de Valence. Alors Gusman est, d'emblée, secrétaire du gouverneur; Morillos est secrétaire du secrétaire, et comme il lui faut aussi un secrétaire, c'est Lazarille qui doit revêtir cet emploi. En attendant l'issue de cette grande affaire, Gusman, pour affermir son crédit, donne au marquis de Villegas une maîtresse de sa main. Bien entendu que Morillos est chargé de faire les recherches, et que Lazarille les fait effectivement. Il ne perd point de temps, et découvre bientôt une femme charmante, qu'il amène aussitôt à l'hôtel de .Villegas. Mais par un étrange accident, cette belle inconnue, nouvellement débarquée à Madrid, n'est rien moins que la femme de Morillos qui, par des raisons d'ambition, s'était bien gardé de convenir qu'il fût marié. On juge de son étonnement en voyant arriver sur ses traces sa femme, qu'il croyait fort paisible à Burgos.

Ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que le seigneur Gusman, fort inflammable de son naturel, se prend d'une passion subite pour la belle étrangère, et loin de songer à son maître, ne pense plus qu'à travailler pour son propre compte ; cependant. Morillos n'est pas seulement ambitieux, il est encore jaloux comme un Espagnol : s'il se tait, il craint la vengeance de sa femme ; s'il parle , il redoute la colère de Gusman. Heureuses ment pour lui, dona Helena n'est pas moins adroite que sage ; elle profite de son crédit naissant pour obtenir un brevet de corregidor qui doit, dit-elle à Gusman, servir à écarter certain mari, lequel pourrait devenir gênant ; et lorsque cet époux est forcé de se découvrir, il n'a plus rien à craindre de la vengeance de Gusman ; car le marquis de Yillegas a refusé la régence : il a même donné sa démission de membre du conseil, et il a prié monsieur son secrétaire de vouloir bien accepter la sienne.

On a trouvé que les mêmes combinaisons se reproduisaient trop souvent dans cet ouvrage, et, dans le fait, les trois secrétaires y parlent un peu trop de leur fortune, qui se fonde continuellement sur la même espérance. D'un autre côté , la situation de Morillos passe quelquefois les bornes de la décence théâtrale. Il est permis sur la scène de berner les pères, les oncles et les tuteurs, mais il y faut un peu plus de façon avec les maris ; les spectateurs ont trouvé que, sur ce point, l'auteur s'était donné trop de licences. Ils se sont même permis de le témoigner d'une manière un peu dure ; ce qui prouve deux choses : la première qu'ils ont fort à cœur les intérêts de la morale ; la seconde, qu'ils n'entendent pas très-bien la plaisanterie. Mais lorsque M. de Rougemont aura fait disparaître de sa pièce quelques traits, qui véritablement sont un peu vifs ; lorsqu'il aura élagué quelques longueurs et donné plus de mouvement à son intrigue, je ne doute pas que les Trois Secrétaires ne réunissent tous les suffrages, et ne satisfassent, à-la-fois, le goût le plus sévère et les oreilles les plus chastes.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome II, p. 396-397 :

[L’essentiel du compte rendu est consacré à l’analyse de la pièce. La partie critique se réduit à trois lignes, où l’on apprend le nom de l’auteur, que la pièce est « écrite avec esprit », qu’elle comporte de nombreux « traits de [...] critique », dont certains sont « même très-piquans ».]

Gusman, Morillos et Lazarille, ou les trois Secrétaires, comédie nouvelle en trois actes et en prose, jouée le 9 avril.

Le marquis de Villegas, membre du Conseil de Castille, a pour secrétaire un certain Gusman, homme adroit et prêt à encenser tous les défauts de son maître. Ce Gusman lui-même se croit un personnage, et il se donne les airs d'avoir aussi un secrétaire. Ce dernier se nomme Morillos : c'est le singe de Gusman ; et; pour ressembler plus parfaitement à son modèle, il s'est donné un secrétaire, et a choisi pour cet emploi Lazarille: ainsi Lazarille est secrétaire du secrétaire du secrétaire. Le marquis s'en repose sur Gusman du soin des affaires ; Gusman, occupé de plaisirs, charge Morillos de tout le travail, et Morillos s'en débarrasse en donnant sa besogne à Lazarille, qui la fait faire par deux commis. Les trois secrétaires fondent de grandes espérances de fortune sur la prochaine nomination de leur maître au gouvernement de Valence : cette place ne peut lui manquer, car il a la parole d'honneur de la maîtresse du prince. Gusman songe à donner aussi une maîtresse au marquis ; Morillos promet de la chercher, et c'est Lazarille qui la trouve. Il s'adresse à une jolie femme qui vient d'arriver à Madrid, et qui, au seul nom de Morillos, a consenti à venir à l'hôtel du marquis; mais Héléna (c'est le nom de cette femme) est précisément l'épouse.de Morillos, qui, par jalousie, l'a laissée à Burgos auprès de ses parens. Il s'est dit garçon, croyant par là faire son chemin plus rapidement. Il est donc au supplice en. reconnoissant sa femme dans celle qu'il destinoit au marquis. Il voudrait pouvoir garder sa place, renvoyer sa femme, et ne pas perdre la protection du premier secrétaire. Celui-ci, enchanté de,la beauté d'Héléna, veut se l'approprier: Morillos tremble pour son honneur. Mais Héléna, honnête et rusée, se moque des prétentions du fat et de la jalousie de son mari. Sous prétexte d'éloigner Morillos, elle obtient de Gusman sa nomination à l'emploi de corrégidor de Burgos ; quand le brevet est signé, elle découvre son stratagème, et part avec son mari, qui renonce à l'ambition. Les espérances des autres intrigans sont renversées par la nouvelle que le marquis a refusé le gouvernement.
Cette comédie est de M. de Rougemont ; elle est écrite avec esprit ; les traits de la critique y sont fréquens, et quelquefois même très-piquans.

L’Odéon, histoire administrative, anecdotique et littéraire, de Paul Porel et Georges Monval (Paris, 1876), p. 253 :

Le 9 avril, chute, au bénéfice de Mme Régnier, de Gusman, Morillos et Lazarille, ou les Trois secrétaires, comédie en trois acets, en prose, tirée de Gil Blas par de Rougement.

Mme Régnier, c'est sans doute la maman du jeune Régnier, qui avait fait ses débuts à moins de quatre ans dans l’Olympe, Vienne, Paris et Rome, ou l’Enfant de Mars, joué au même théâtre à la fin du mois de mars. Elle était actrice (Théâtre des Jeunes Elèves, Théâtre Louvois, Odéon, Théâtre Français).

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