Le Gascon, gascon malgré lui, opéra bouffon, en un acte, en prose, de Guillet et Eugène Hus ; musique de Francesco Bianchi, créé sur le Théâtre Molière, le 26 brumaire an 13 [17 novembre 1804], et sur celui de Montansier, le 24 ventôse an 13 [15 mars 1805].
Théâtre Molière, puis Théâtre Montansier.
La pièce est annoncée dans le Courrier des spectacles du 26 brumaire an 13 [17 novembre 1804] sous le titre du Gascon malgré lui, opéra en deux actes.
Le 24 ventôse an 13 [15 mars 1805], le Courrier des spectacles l'annonce sous le titre complet du Gascon, gascon malgré lui.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Madame Masson, an XIII (1805) :
Le Gascon, gascon malgré lui, opéra bouffon en un acte, en prose, Par MM. Guillet et Eugène Hus ; Musique del signor Bianchi. Représenté, pour la prmeière fois, à Paris, sur le Théâtre Molière, le 26 Brumaire an XIII, et sur celui de Montansier, le 2 4Ventôse, même année.
Courrier des spectacles, n° 2825 du 29 brumaire an 13 [20 novembre 1804], p. 4 :
[Le compte rendu s'ouvre par le constat qu'au Théâtre de Molière la musique prime sur les paroles, et qu'il vaudrait mieux pour lui se limiter au vaudeville, plus facile à chanter. Le nouvel opéra n'échappe pas au reproche : deux actes trop longs, dont les situations sont trop répétées. L'intrigue, résumée ensuite, considérée comme « une idée assez heureuse », repose sur un trio : un oncle et sa nièce, un avare désireux de voir son fils épouser la fortune plus que la jeune fille, et un jeune amoureux. Avec l'aide d'un gascon « sans argent, sans asyle », le charmant jeune homme réussit à prendre la place d'Harpagon et de son fils : c'est bien sûr lui qui épouse. La musique est jugée favorablement, et le compositeur est nommé, à la différence de l'auteur des paroles.]
Théâtre Moliere.
La plupart des opéras que l’on a donnés sur ce théâtre depuis son ouverture, ont eu un plein succès ; mais l’honneur en est bien plus aux musiciens qu’aux poëtes. Ces derniers sont à peine comptés pour quelque chose. Tout l’avantage est pour le compositeur.
Le Vaudeville conviendroit beaucoup mieux au Théâtre Molière que l’opéra-comique ; il est plus gai et d’une exécution plus facile ; mais on trouve plus de gloire à chanter dans un opéra. Le Vaudeville est pourtant admis ; mais il n’est qu’en sous-ordre, et ne se montre qu'avec réserve.
Le Gascon malgré lui offre une idée assez heureuse, mais délayée dans deux actes d’une longueur mortelle. Les situations où se trouve le principal personnage se reproduisent si souvent de la même manière, qu’elles finissent par devenir fastidieuses. Un M. de Rognac, Gascon sans argent, sans asyle, a passé la nuit à la belle étoile. En se réveillant, il voit devant lui une maison de belle apparence où il espère trouver l’hospitalité et les égards dûs à un malheureux. Le propriétaire de cette maison, M. Desbordes, vieil Harpagon, vient de recevoir l’avis que M. Belton, oncle d’une jeune pupille dont il veut s’approprier les biens, est débarqué au Hâvre, et qu’il doit se présenter à lui sous les livrées de l’indigence, afin de le mettre à l’épreuve. Desbordes qui a intérêt de le ménager, se propose de lui faire une magnifique réception, et à la vue de Rognac, qu’il ne connoît pas, il le prend pour l’oncle, le conduit chez lui, lui fait servir un repas somptueux, enfin donne à notre Gascon, tout étourdi de sa nouvelle fortune, les marques les plus ostensibles de son dévouement ; cependant Belton arrive à son tour, et réclame l’hospitalité, que Desbordes lui refuse durement. Le jeune Derigny, amant de la pupille, se montre plus généreux ; il offre au faux indigent sa bourse et sa maison, puis il revient chez le tuteur avec Belton, et tous deux déguisés en domestiques, se font présenter à Rognac comme des gens qui sont à son service. Celui-ci est d’abord embarrassé, mais il juge bientôt qu’il s’est embarqué dans une mauvaise affaire. Il laisse tout aller comme on veut ; il consent au mariage de sa prétendue nièce avec le fils de Desbordes, envoie chercher le Notaire par Derigny, laisse Belton dicter les conditions du contrat. Lorsque Desbordes et son fils s’abandonnent à toute leur joie, il quitte son rôle ; le véritable oncle se découvre, confond l’avare Desbordes, et unit sa nièce à Derigny.
La musique de cet opéra renferme des beautés d’un ordre supérieur ; l’ouverture, et sur-tout les morceaux du premier acte ont été vivement applaudis. L’auteur M. Bianchi, a été demandé après la représentation, et est venu recevoir les félicitations de l’assemblée.
Courrier des spectacles, n° 2933 du 26 ventôse an 13 [17 mars 1805], p. 3-4 :
[Pour ce que le critique présente comme la reprise d'une pièce de feu le Théâtre de Molière (mais sans dire si elle est toujours en deux actes ou si elle est maintenant en un seul acte, comme l'indique la brochure), c'est un compte rendu très complet qui est proposé : on a le nom des auteurs, texte et musique, et le principal interprète. Le résumé qui est fait de l'intrigue est nettement plus détaillé, et nettement plus clair que celui fait pour la création au Théâtre de Molière. On perçoit mieux à lire ce nouvel article le caractère conventionnel de ce genre de pièce, dont le critique dit qu'elle est proche de la parade et qu'elle est fort drôle, ce qui est le but recherché, faire rire le public. L'acteur principal et le compositeur sont particulièrement mis en valeur.]
Théâtre Montansier.
Le Gascon gascon malgré lui, première représentation.
Cette représentation n’est nouvelle que pour le Théâtre Montansier. Le Gascon a déjà paru sur le Théâtre de Molière ; mais ce théâtre luttant de puis long-tems entre la vie et la mort, les autres théâtres profitent de ses défaillances pour recueillir quelques débris de sa succession.
Le Gascon malgré lui est une espèce d’opéra bouffon dont les paroles ont été composées par MM. Guillet et Eugène Hus et la musique par M. Blanchi. Sous tous les rapports cette pièce convient au Théâtre Montansier ; elle n’excède point en dignité le ton habituel de la maison, et Bosquier-Gavaudan joue le premier rôle de manière à rapprocher l’ouvrage du genre de la farce.
Un M. Verognac, né sur les bords de la Gironde, sans pain et sans habits, réduit à passer la nuit à la belle étoile, se réveille devant la porte d’une maison assez jolie.
C’est celle d’un vieil avare normand, qui garde sous les verroux une jeune pupille de dix-huit ans, riche héritière d'un oncle qui habite en Amérique.
Verognac qui se sent tourmenté par la faim, et qui compte sur-tout sur l'éloquence de ses entrailles, prend la résolution de tenter une aventure, et de se présenter à la porte du petit castel, de s'y introduire sous quelque prétexte et de s’y procurer au moins les moyens de faire un bon dîner et d’y passer une nuit.
L’occasion le sert à merveille, car tandis qu’il se dispose pour l’exécution de son projet, l’avare reçoit une lettre qui lui annonce que l’oncle de sa pupille est arrivé ; mais que pour tenter la fidélité de ses amis, il ne doit se présenter chez le tuteur de sa nièce que sous les livrées de l’indigence ; que d’ailleurs il revient avec une fortune immense. L’avare, ravi de l’avertissement, se dispose à recevoir son hôte avec une extraordinaire libéralité ; il fait part de sa découverte à toute sa famille, et c’est en ce moment que se présente Vérognac ; jugez avec quel empressement il est reçu ; on lui donne des habits, de l’argent, tout ce qu’il désire, même ce qu’il ne désire pas. On le force de recevoir le nom, les soins, les hommages dus au véritable oncle ; Vérognac qui ne comprend rien à tout cela, et qui au fonds est un assez honnête homme, résiste d’abord à tout, mais on n’écoute ni protestations, ni réclamations. Cependant le véritable oncle arrive, mais trop tard ; il est éconduit avec toute la dureté et l’insolence qu’inspirent à-la-fois l’avarice et la fortune.
Heureusement la jeune pupille a un amant aussi généreux que le tuteur est âpre et impitoyable Il offre un asyle à l’étranger mal heureux, qui lui révèle son nom et l’artifice qu’il a employé. Le jeune homme comprend alors l’erreur du tuteur. Le véritable oncle profite de l’imbroglio, et paroissant sous de nouveaux habits suivi de ses domestique [sic], il s’adresse à Vérognac en lui recommandant de continuer le rôle que le hazard lui fait jouer. La capitulation n’a rien d’embarrassant pour un Gascon, car il est question ou d’une vigoureuse bâtonnade, ou d’une somme d'argent considérable ; en pareil cas un habitant de la Garonne n’a jamais hésité. Dès ce moment Vérognac prend une dignité convenable à son nouvel état.
On apporte des malles pleines de bijoux et d’effets ; ce n’est qu’une partie des richesses mobiliaires du Crésus de Bordeaux ; le véritable oncle, toujours inconnu, est son homme d’affaires ; ces domestiques sont quelques gens de sa maisons [sic]. L’avare ébloui cherche aussitôt à gagner les bonnes grâces de l’homme d’affaires, et à terminer un mariage qu’il a projeté entre sou fils et sa pupille. On consent à tout, le contrat est dressé, et au moment où l’avare croit être maître de la fortune de l'opulent américain, celui-ci se découvre, et l’on reconnoît que le contrat a été fait au profit du jeune homme qui a reçu si généreusement l’inconnu que l’avare avoit repoussé. Le Gascon qui n’a plus rien à faire, se contente de l’argent qu’il a gagné dans cette aventure et de la proposition que lui font les jeunes époux de rester avec eux.
Le ton de cet ouvrage ressemble beaucoup à celui de la parade ; les spectateurs rient beaucoup , et c’est tout ce qu’il faut. Bosquier est très-plaisant dans le rôle du Gascon, qu’il transforme en caricature bouffonne. La musique est gaie, vive, animée, comme il convient. Plusieurs morceaux annoncent un vrai talent et font beaucoup d’honneur au compositeur.
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